« La mise en œuvre du dépistage est très positive »

Fin novembre, Santé publique France a publié un rapport sur la mise en place du dépistage néonatal de la surdité. L’agence était en effet chargée d’évaluer cette mise en place par les ARS. Alexandra Doncarli revient sur les principaux résultats de ce rapport, dont elle est la première auteure.

Propos recueillis par Bruno Scala
carte echaustivite depistage neonatal surdite

Audiologie Demain (AD) : Le dépistage néonatal de la surdité est obligatoire depuis 2014. Sa mise en place est-elle un succès ?

Alexandra Doncarli : L’évaluation de Santé publique France (SpF) portant sur les deux années qui ont suivi le lancement officiel du programme de dépistage universel de la surdité néonatale en France montre un bilan de sa mise en oeuvre globalement très positif. En effet, près de 94 % des nouveau-nés ont été dépistés en 2016. L’objectif national de 90 % d’exhaustivité attendu par le ministère de la Santé a donc été dépassé !

AD : Quel est le taux d’enfants souffrant de surdité permanente néonatale, calculé grâce à ce dépistage ?

A. Doncarli : La prévalence de la surdité permanente bilatérale néonatale a été estimée en 2015 à 1,3 ‰ nouveau-nés pour les formes légères à profondes et de 0,9 ‰ pour les formes moyennes à profondes. Parmi ces dernières, en 2015, 52 % étaient des surdités moyennes, 18 % sévères et 30 % profondes. Néanmoins, si les données portant sur le dépistage apparaissent fiables, celles portant sur le diagnostic, et donc les estimations de prévalence, sont à prendre avec précaution du fait du nombre important de données manquantes ou incohérentes.

parcours protocole depistage neonatal surdite

AD : L’un des écueils de ce dépistage est le taux d’enfants qui n’ont pas accès au dépistage ou même au diagnostic (notamment parce que les parents refusent). Comment SpF compte travailler à la sensibilisation pour améliorer cet aspect ?

A. Doncarli : En maternité, le taux de refus du dépistage était très faible et ceci dès la première année de fonctionnement du programme de dépistage (0,1 %). Nous n’avons pas pu étudier le taux de refus du dépistage après la sortie de la maternité, ni le taux de refus du diagnostic car les informations étaient comptabilisées de façon hétérogène entre les régions : certaines régions ajoutaient aux refus clairement exprimés, les non réponses des parents aux relances des médecins chargés du dépistage ou du diagnostic ; dans d’autres régions, on y ajoutait aussi les échappements. Une définition précise et consensuelle de ce qu’est un refus de suivi est à établir avant de pouvoir collecter des données dans les différentes régions et les analyser. Plusieurs régions ont souligné l’importance d’avoir une idée plus précise du nombre et des caractéristiques des enfants suspects de surdité bilatérale qui ne viennent effectivement pas aux visites de diagnostic. Selon elles, les raisons pourraient être : la difficulté à réaliser les tests diagnostiques en phase de sommeil obligeant les enfants à revenir plusieurs fois, un changement d’ORL sans en informer l’ORL référent et le coût des consultations à la charge des familles.

AD : Le cahier des charges publié en 2014 est assez flexible, laissant une certaine latitude aux régions. Comment cette marge de manoeuvre importante a été exploitée par ces dernières ?

A. Doncarli : en 2015 et 2016, il existait une grande hétérogénéité régionale dans la mise en oeuvre du programme de dépistage de la surdité néonatale. elle s’expliquait en partie par le fait que la majorité des régions avait déjà amorcé le dépistage de la surdité parfois plusieurs années avant son lancement officiel en novembre 2014. Lorsque l’arrêté est paru, les régions ont donc poursuivi leurs propres pratiques, ayant pris dès le départ des orientations variées dans la réalisation des phases de dépistage et de diagnostic des enfants. Globalement, les modalités diffèraient entre les différentes régions sur :

  • les outils du dépistage : Oea ou Peaa,
  • le type des surdités repérées : surdités bilatérales uniquement pour certaines régions (10 régions en 2016) ; bilatérales et unilatérales pour d’autres régions (16 régions en 2016),
  • le nombre de tests de dépistage réalisés : ajout ou non d’un test de dépistage supplémentaire réalisé après la sortie de la maternité chez les enfants suspects de surdité dans certaines régions (19 régions pratiquaient ce test supplémentaire en 2016),
  • les types de surdités prises en charge de façon proactive dans la filière diagnostique : surdité bilatérale uniquement pour certaines régions (n=12) ; bilatérales et unilatérales pour d’autres régions (n=14).

AD : Dans les recommandations que vous faites à la fi n du rapport, vous plaidez pour une homogénéisation des pratiques. Vers quel modèle SpF souhaite-t-elle que les régions tendent ?

A. Doncarli : effectivement, l’homogénéisation des pratiques est une étape essentielle pour que l’évaluation du dépistage au niveau national soit possible et fiable. Cela permettrait de générer des données comparables entre les différentes régions et de confirmer certains chiffres nationaux estimés dans le rapport comme la prévalence de la surdité bilatérale. Les éléments qui nous semblaient importants à mettre en oeuvre dans toutes les régions étaient les suivants :

  • L’ajout d’un test de dépistage supplémentaire, ou Test 3, réalisé après la sortie de la maternité chez tous les nouveau-nés suspects de surdité unilatérale ou bilatérale. En effet, on sait que du liquide amniotique peut persister quelques jours dans l’oreille de l’enfant et fausser les résultats du dépistage en maternité. ainsi, nos résultats montrent que le taux d’enfants suspects de surdité bilatérale néonatale passe de 1,4 à 0,9 % après ajout de ce test. Par ailleurs, ce test supplémentaire serait également utile pour détecter les surdités qui, après la sortie de la maternité, auraient évolué d’une surdité unilatérale vers une surdité bilatérale.
  • Le dépistage des surdités unilatérales puisque ces dernières peuvent se bilatéraliser dans les quelques semaines suivant la sortie de la maternité.
  • L’utilisation d’une technique unique pour le dépistage des surdités (Peaa de préférence) ou a minima lors du Test 3.
  • Une amélioration de la qualité et de l’exhaustivité du recueil des données diagnostiques. Un retour d’information auprès des ORL référents pourrait être organisé afin de soutenir ou de renforcer leur motivation à la collecte des données de diagnostic sur l’ensemble des suivis qu’ils réalisent.

En termes médico-économiques, la faisabilité et le financement de chacune de ces propositions doivent être étudiés par les services compétents dans le respect des contraintes budgétaires et des orientations stratégiques du ministère de la Santé.

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