25 Juin 2024

« Nous avons largement prouvé qu’il était possible de se développer sans pousser la verticalisation »

Nommé à la direction de la marque en juin 2023, Sylvain Rigouleau incarne Signia en France. Alliant un sens commercial assumé avec des valeurs humaines certaines, il évoque l’activité de l’entreprise, sa stratégie pour résister à l’intensification des acquisitions de ses concurrents, les responsabilités des fabricants dans un marché sous tension et les ambitions d’une marque résolument « mainstream ».

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
S. Rigouleau

Vous succédez à deux personnalités du secteur, Francis Galère (jusqu’en 2004) puis Pascal Boulud. Quel regard portez-vous sur leur travail ?

Je leur succède mais sans que cela soit tout à fait à poste ou périmètre égal. Signia est l’une des cinq entités juridiques du groupe WSA et la plus importante en taille et en chiffre d’affaires, aux côtés de Widex, Biotone-Rexton, Shoebox-Koalys et Audibene. Une offre 360° qui nous permet d’accompagner nos clients audioprothésistes dans leur développement. Francis Galère était responsable de Siemens audiologie et a eu la chance de diriger cette marque puissante, qui était la seule du secteur à être connue du grand public. Quant à Pascal Boulud, il porte haut et fort les couleurs de WSA et en assume aujourd’hui la direction en France. Et si, en 2023, le groupe représentait 36-37 % de parts de marché, porté par Signia qui atteint les 21,5 %, on le doit en grande partie aux choix stratégiques de Pascal et à sa capacité d'adaptation aux évolutions de ce secteur.

Quant à vous, quelles orientations comptez- vous donner à l’entreprise ?

Je suis passionné par le développement commercial, des questions les plus communes aux enjeux les plus complexes. J’apprécie le challenge, la compétition et je cultive l’esprit d’équipe. Dans notre industrie, il faut être également prêt à se remettre en question et à se dépasser pour atteindre les objectifs ambitieux que l’on se fixe. C’est ce qui m’anime au quotidien et ce sont autant de valeurs que je retrouve chez Signia ou le groupe WSA, et que je souhaite développer, à tous les postes.

Ce sont des valeurs que l’on rencontre dans l’univers sportif...

Il est vrai que j’ai pratiqué le basket puis le rugby à des niveaux qui demandent de l’exigence et beaucoup de concessions. Le dépassement de soi, la compétition et l’entraide sont des valeurs présentes dans ces deux sports et qui ont participé à me forger. Il n’est d’ailleurs pas rare que j’utilise des références empruntées à ces univers dans mes réunions commerciales. Ainsi, la réussite que nous connaissons chez Signia, je la partage au quotidien avec les équipes, le service commercial bien sûr, le service clients également.

Je suis également convaincu que la nature du métier de nos clients, qui est d’apporter de l’aide à des personnes en situation de handicap, nous oblige, en tant que fabricant, à être tournés vers l’humain. Comme tous les industriels, nous sommes bien sûr motivés par des considérations financières, mais je souhaite absolument incarner cette dimension humaine du groupe, a fortiori parce que Signia est considéré comme un « gros fabricant », un leader. Ce qui est le cas et je suis très fier de là où nous en sommes aujourd’hui, mais cela ne doit pas nous empêcher de conserver cette connexion avec les préoccupations de nos clients et de leurs patients.

Cet aspect humain, il est premier pour moi et c’est un critère important dans nos recrutements. Je souhaite que les personnes qui rejoignent notre société soient convaincues que nous ne vendons pas un produit lambda mais un appareil qui va changer la vie des patients. Je ne souhaite pas que l'audioprothèse devienne un secteur de grande distribution.

La nature du métier de nos clients, qui est d’apporter de l’aide à des personnes en situation de handicap, nous oblige, en tant que fabricant, à être tourné vers l’humain.

Quelles sont les spécificités de la marque Signia ?

Signia est une marque encore jeune ; elle a été créée en 2015. C’est à la fois très challengeant et enthousiasmant.

Elle est tout d’abord synonyme d’innovation. Et nous l’avons encore prouvé en septembre avec des produits différenciants et au top d’un point de vue technologique.

Signia incarne aussi la déstigmatisation. Nos produits, tels que le Styletto, le Silk et l’Active pro, permettent de rendre l’appareillage auditif moins handicapant et de faire venir des personnes plus jeunes dans les labos. Une étude Signia montre qu’un appareil Styletto dans une vitrine incite 14 % de personnes supplémentaires à passer la porte. Et c’est quelque chose que nous souhaitons développer davantage encore.

Le troisième pilier de Signia, c’est la performance. Nous avons une marque qui avance, très vite. Cette performance se traduit également dans la fiabilité de nos produits et l’innovation technologique : nos études prouvent que IX fonctionne mieux dans le bruit que d’autres puces. 

Comment se positionne Signia aujourd’hui en termes d’activité ?

Nous comptons environ 110 employés et nous continuons de recruter. Notre équipe commerciale est la plus complète du marché avec 14 personnes, pour suivre au mieux nos clients, notamment indépendants. Nous avons diminué la taille des secteurs pour être plus présents auprès d’eux. 

Nous devons rester modestes car nous savons bien, en tant que fabricant, à quel point les cycles peuvent varier, mais toutes les planètes sont alignées pour Signia depuis sa création. Et encore plus depuis septembre 2023 avec le lancement de la technologie iX : nous cartonnons en termes de ventes, de chiffre d’affaires. Nous dépassons les 40 000 Silk Charge&Go iX vendus, ce qui est un exploit et participe d’ailleurs à booster les chiffres de ventes de l’intra. En janvier 2023, nous détenions environ 18 % de parts de marché ; depuis septembre 2023, nous atteignons 21,5 %, soit un gain de 3,5 points. Signia France figure parmi les trois premières filiales au niveau mondial avec les États-Unis et l’Allemagne.

En résumé, l’activité de Signia est importante et nos objectifs sont ambitieux. Nous pouvons nous le permettre compte tenu de la roadmap et des budgets marketing à venir.

Quelle est votre vision du marché aujourd’hui et pour les années à venir ?

Les remboursements d’aides auditives par l’Assurance maladie pour avril sont en hausse de 9 %, ce qui permet de compenser une partie du retard des précédents mois et de maintenir une baisse depuis le début de l’année de seulement 1,4 %. Quant aux ventes sell-in, elles augmentent de 3 % en avril. Notre marché est ainsi toujours dynamique. Personne, avant la réforme du 100 % Santé, n’imaginait atteindre les 1,5 million d’appareils vendus.

Malgré ces bons indicateurs, un certain nombre d’audioprothésistes constatent une évolution négative de leur chiffre d’affaires. Ceci est lié à l’importance des créations de centres ces deux-trois dernières années. Les nouveaux arrivants leur ont pris des parts de marché localement.

Mais il faut rester optimiste. Nous commençons d’ailleurs à communiquer auprès de nos clients afin qu’ils se préparent dès maintenant pour 2025, car on peut s’attendre à ce que la croissance soit similaire à ce que nous connaissions avant la réforme, autour de 6-7 % par an. Restons sur les chiffres.

Selon les données publiées par le SDA en mars, le groupe WSA détenait en 2023 la plus grosse part de marché, avec 32,3 % des aides auditives présentées au remboursement. Dans ce groupe, Signia est majoritaire, avec 58,5 % des ventes du groupe. Être leader suppose-t-il plus de responsabilités, notamment dans un contexte de fraudes ?

En effet, cela suppose beaucoup de responsabilités du fait du poids que représente Signia dans le groupe et parce que les choix que nous prenons engendrent de nombreux enjeux derrière. Plus on vend d’appareils et meilleurs nous devons être. Plus la part de marché est importante et plus les résultats sont scrutés par le groupe d’abord, par nos concurrents et nos clients aussi.

Quant à la responsabilité des fabricants, c'est une question qu’on ne se posait pas avant la réforme. Nous sommes des industriels et notre métier est de concevoir les meilleurs appareils possibles, pas de questionner la qualité de nos clients. Le 100 % Santé et son succès, et surtout les dérives qu’il a entrainées, nous ont pourtant contraints à sonder nos nouveaux clients pour nous assurer que nos appareils et notre marque ne soient pas galvaudés, abimés par des gens peu scrupuleux. Nous avons mis un peu de temps à réaliser ce qui se passait et le SDA a bien fait de tirer la sonnette d’alarme. Nous avons considéré alors que nous devions intervenir. En coordination avec Thibaut Lefèbvre, notre directeur grands comptes, nous avons pu identifier des risques, notamment en région parisienne. Nous avons rapidement pris des mesures et refusé de travailler avec ces individus.

Plus globalement, il est difficile de détecter les fraudeurs. Il n’y a pas d’indicateurs évidents. On ne s’aperçoit souvent des anomalies que rétrospectivement, par exemple lorsque plusieurs commandes importantes d’appareils de classe I se succèdent... Les fabricants qui ne réagissent pas ont une responsabilité dans ce dévoiement du système.

Heureusement, la stratégie de lutte mise en place par l’Assurance maladie semble payer. Et, même s’il est difficile d’en mesurer tout à fait l’impact, la baisse constatée des ventes de classe I au premier trimestre 2024 peut peut-être en partie s’expliquer ainsi. C’est d’ailleurs ce qui rend toute projection pour 2025 complexe : combien de patients vont se ré-appareiller et combien ne se ré-appareilleront pas ? Combien de patients fictifs ?

Toujours selon les données publiées par le SDA, les marques du groupe WSA seraient les plus distribuées dans les réseaux audio-optique (44,6 % pour Biotone, 9,2 % pour Widex et 20,1 % pour Signia en 2023). Est-ce une stratégie assumée pour Signia ?

Nous n’avons pas tout à fait compris ces chiffres. Si nous avions ces parts de marché, nous surperformerions ! Néanmoins, nous nous sommes toujours montrés transparents sur notre stratégie. Nous travaillons avec certaines enseignes audio-optiques, notamment avec Optic 2000-Audio 2000 depuis leur arrivée sur le secteur de l’audition, il y a près de 25 ans. Nous avons ensuite travaillé avec la plupart d’entre eux, comme tous les fabricants tentent de le faire aujourd’hui. C'est un modèle qui progresse, avec lequel il faut désormais compter. À une époque, ces acteurs ont peut-être gêné car il s’agissait d’une nouvelle concurrence, un peu plus agressive, mais ce sont des enseignes établies aujourd’hui et nous les considérons comme n’importe quel client. Malgré tout, 51-53 % de notre CA sont réalisés auprès des indépendants purs. Il est faux de dire que Signia est la marque des nouveaux acteurs. 25 % du secteur appartenant à nos concurrents, nous fondons notre développement sur notre capacité à travailler avec les 75 % qui nous sont accessibles.

La verticalisation n’est donc toujours pas à l’ordre du jour du groupe ?

Nous considérons depuis toujours qu’en tant que fabricant, notre métier est de concevoir des appareils. Nous privilégions une distribution par des distributeurs ; il n’est pas évident d’être concurrents de nos propres clients. Nous avons largement prouvé qu’il était possible de se développer sans pousser la verticalisation.

Signia se démarque par une communication grand public d’envergure. Est-ce une façon de compenser l'absence de verticalisation ?

La communication est un pilier important de Signia. Ainsi, nous allons continuer à mener des actions sur différents canaux comme l’affichage « cul de bus » ou la télévision dont l’impact est très important. Les actions B to C ont pour but de nous mettre en avant mais elles ont pour effet également d’attirer les patients vers les centres de nos partenaires et de dynamiser le marché. Nous sommes convaincus que la communication sur nos produits, comme le Styletto ou l’Active Pro, participe de la déstigmatisation de l’appareillage auprès du grand public.

Pouvez-vous nous donner un avant-goût des innovations dans les tuyaux de Signia ?

Le marché de l’audioprothèse est un secteur porté par la technologie et les innovations produits. Notre groupe l’a bien compris et investit énormément en recherche et développement. Après le lancement en septembre du Silk Charge&Go iX, nous avons enchainé en avril avec l’Insio iX, puis le Styletto iX et, en fin d’année, ce sera au tour de l’Active Pro iX.

Au cours de l’année 2025 vont arriver de nouveaux marqueurs de différenciation importants mais il est encore trop tôt pour en parler...

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