Dans un reportage diffusé, dimanche 27 mars, au journal de 20 h et intitulé « Audioprothèses : enquête sur le succès et les suspicions de dérives du 100 % santé », TF1 dévoile l’existence de pratiques illicites de fausses prescriptions d’appareillages auditifs. L’enquête livre le témoignage du Dr Denis Ayache, chef du service d’ORL de l’hôpital Fondation Antoine de Rothschild à Paris, victime d’une usurpation de son identité pour la production d’ordonnances falsifiées. « C'est bien mon en-tête, mon adresse, ma signature et un nom de patient que je ne connais pas », explique-t-il aux journalistes de TF1. Une trentaine de fausses prescriptions lui auraient ainsi été signalées. L’ORL, qui a porté plainte, ne serait pas un cas isolé. Selon lui, d’autres praticiens seraient également concernés par ces fausses prescriptions.
Le reportage présente cette escroquerie comme une dérive possible du 100 % Santé, au même titre que le fait pour un « audioprothésiste d'une enseigne d'optique [d’]incite[r] un médecin à prescrire des appareils à un patient » et « de l'équiper sans aucun avis médical », pratique dont a eu vent le JT de 20â¯h. Les journalistes de TF1 citent à cet égard les craintes de sur-appareillage exprimées par les inspecteurs de l’Igas dans le rapport sur la filière auditive, qui pointaient du doigt « des publicités excessives, parfois même des démarchages téléphoniques ».
Les réactions du SNORL et du SDA
Pour le SNORL, ces pratiques ne seraient pas rares, même s’il ne saurait « dénombrer objectivement les abus ». Le Dr Laurent Seidermann, président du syndicat ORL, commente : « Deux audioprothésistes m’ont personnellement alerté sur des dérives. Il s’agit surtout de démarchages sauvages dans les maisons de retraite ou Ehpad, avec quelquefois la bénédiction de directeurs qui y voient un service rendu et, hélas, des prescriptions de médecins généralistes sans examen clinique ni audiométrie autre que celle faite par l’audioprothésiste qui démarche. J’ai en tête une personne âgée souffrant d’une pathologie otologique grave appareillée à tort. Les fausses prescriptions me semblent plus rares, mais le Dr Ayache en a été victime et j’ai été alerté par des mutuelles de cas similaires. Il va sans dire que tous ces abus vont être combattus et j’en ai discuté avec Richard Darmon, président du Synea, qui ne supporte pas que ces pratiques probablement assez minoritaires desservent cette réforme globalement positive. »
En réponse à ces dérives, le président du SNORL avance plusieurs solutions « simples » : « Il faut que les patients restent dans un parcours normal de soins en consultant un médecin généraliste qui adresse à l’ORL puis à l’audioprothésiste, s’il y a réellement une indication d’appareillage. En ce qui concerne les régions sous-médicalisées et les Ehpad, c’est un autre problème. Il faut développer une télémédecine efficace, encadrée, avec une autorisation de délégation de tâches et facilitée par une audiométrie par intelligence artificielle. Nous y travaillons et les solutions techniques existent. Les freins sont plutôt administratifs. »
Le président du SDA, Luis Godinho, qui a communiqué à plusieurs reprises contre « l'effet d'aubaine » suscité par la réforme, réagit : « Aujourd'hui, ces dérives, qui nous préoccupent grandement, sont suffisamment nombreuses et diverses pour que les médias grand public commencent à les pointer du doigt ». Et d’ajouter : « Le SDA s’engage à poursuivre son travail avec les pouvoirs publics en vue de l’amélioration de la qualité et des pratiques de la profession. La responsabilisation individuelle par le contrôle du numéro professionnel fait partie des pistes de réflexion ainsi que la création d’un ensemble de règles de bonnes pratiques opposables ».
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