Alliance pour l'audition : "Unir ses forces"

Au cours de l’été, la Fondation pour l’audition (FPA), l’Institut Pasteur et l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont annoncé la création d’une Alliance afin de faire progresser la cause de l’audition. dans cette interview croisée exclusive, Jean-Pierre Meyers (FPA) – dont la parole est rare –, la Pr Christine Petit (Pasteur) et la Pr Françoise Denoyelle (AP-HP) nous expliquent les tenants et aboutissants de ce projet.

Propos recueillis par Bruno Scala
alliance audition logo

Audiologie Demain : D’où est venue l’idée de réunir la Fondation, l’Institut Pasteur et l’AP-HP autour d’un même projet ?
Jean-Pierre Meyers :
Notre famille soutient depuis de longues années la recherche biomédicale ! Parmi les différents domaines clés pour la santé de demain, nous avons été frappés, ma femme et moi, de constater à quel point l’audition est un enjeu humain, sociétal et de santé publique majeur. Il nous a paru indispensable de prendre le taureau par les cornes ! Avec le soutien de la Fondation Bettencourt Schueller, nous avons décidé de dédier à cette cause essentielle, une fondation d’intérêt général : la Fondation pour l’audition (FPA). Notre engagement se veut global, nous souhaitons pousser la dimension sociétale, les avancées scientifi ques et cliniques. Nous aimerions encourager l’excellence de la recherche fondamentale et de la recherche clinique. Associer à l’avenir tous les acteurs de la société civile au service de cette cause est notre responsabilité.

La Fondation pour l’audition dédie plus de 50 millions d’euros à cette alliance pour l’audition.
Jean-Pierre Meyers

AD : En quoi consiste cette alliance ?
Christine Petit :
Cette alliance est inscrite dans une convention tripartite établie entre la FPA, l’Institut Pasteur et l’AP-HP. Elle fait suite à la création de l’Institut de l’audition (IDA). C’est porté par la générosité de Françoise Bettencourt Meyers et de Jean-Pierre Meyers que la création de cet institut de recherche dédié à l’audition, a été initiée. Il est issu de leur souhait de promouvoir la recherche sur ce système sensoriel et ses atteintes en dotant la France d’un institut de recherche dédié. L’IDA est un centre de l’Institut Pasteur, un centre de recherche interdisciplinaire en neurosciences de l’audition. Il traduit l’engagement conjoint de la Fondation pour l’audition et de l’Institut Pasteur et leur volonté d’associer leurs efforts pour soutenir le développement de cet institut. Il est de surcroît affilié à l’Inserm. Les projets de l’IDA comprennent le développement de méthodes innovantes dans le domaine du diagnostic des atteintes auditives et de leurs traitements. Je veux saluer le rôle essentiel qu’Etienne Caniard, ancien président de la Fédération nationale de la mutualité française et ancien membre de la HAS, a eu dans la formation de cette alliance.

Jean-Pierre Meyers : L’IDA est effectivement un pilier phare de cette alliance qui va regrouper des équipes scientifiques de très haut niveau sous la direction de l’éminente Pr Christine Petit. Il accueillera le Ceriah, cCentre de recherche et d’innovation en audiologie humaine. Sa mission est de découvrir de nouvelles méthodes d’exploration audiologique qui pourront faire progresser le diagnostic et donc la prise en charge ; elles seront menées sous l’impulsion du Pr Paul Avan, grand expert en audiologie.

Christine Petit : L’objectif du Ceriah est en effet l’innovation en matière de diagnostic des atteintes auditives, de suivi de leurs évolutions et de suivi de certains essais thérapeutiques. Nous sommes à l’aube d’une révolution tant en ce qui concerne le diagnostic que les traitements des atteintes auditives. ces derniers sont appelés à devenir curatifs. L’ambition du Ceriah est d’y contribuer par le développement d’innovations diagnostiques qui s’appuieront, entre autres, sur les travaux que nous avons effectués, pour beaucoup avec le Pr Paul Avan, sur des modèles murins de surdités humaines. Notre laboratoire, par l’identification pionnière d’une vingtaine de gènes responsables de surdité précoce chez l’homme, suivie de l’étude interdisciplinaire des modèles animaux correspondants, a déchiffré la pathogénie d’un grand nombre de surdités, et ce faisant mis au jour comment elles pourraient être mieux explorées chez l’homme pour obtenir un diagnostic clinique plus informatif qu’il ne l’est aujourd’hui. Le Ceriah se fixe aussi pour objectif d’améliorer la conduite et la puissance des essais thérapeutiques. Les Prs Avan et Thai-Van, experts très reconnus en biophysique cochléaire et physiologie auditive, auront un rôle essentiel dans la recherche menée au Ceriah, qui se veut ouvert à l’ensemble de la communauté scientifique, médicale et paramédicale travaillant dans le domaine de l’audition.

Nous sommes à l’aube d’une révolution tant en ce qui concerne le diagnostic que les traitements des atteintes auditives.
Pr Christine Petit

AD : Et du côté de l’AP-HP ?
Jean-Pierre Meyers :
Notre partenariat avec l’AP-HP dans cette alliance est essentiel et indissociable. C’est ainsi que nous pourrons nous appuyer dans un premier temps sur les équipes d’excellence de l’hôpital Necker-enfants malades et de la Pitié-Salpêtrière, sous la conduite de la Pr Françoise Denoyelle, figure incontournable dans son domaine, afin de mettre en place un réseau de centres d’études et de recherche clinique en audiologie (Cerca) pour assurer le développement de médicaments innovants. Demain d’autres CHU nous rejoindront, je l’espère, et nous nous en réjouissons.
Françoise Denoyelle : Deux centres sont en effet sur le point d’ouvrir leurs portes : début 2020 à l’hôpital Necker (il sera dirigé par Natalie Loundon) et courant 2020 à la Pitié-Salpêtrière (dirigé par Isabelle Mosnier). C’est unique en France car ces plateaux d’exploration seront dédiés à la recherche clinique et séparés des services ORL de ces hôpitaux. On n’y fera pas d’exploration de routine. C’est important si l’on veut faire des études cliniques à grande échelle.

AD : Quelle est l’implication, en termes de moyens, des différentes structures ?
Jean-Pierre Meyers :
La Fondation pour l’audition s’est engagée de façon majeure en faveur de la recherche fondamentale et de la recherche clinique. C’est ainsi qu’elle a dédié plus de la moitié de son budget total de 100 millions d’euros au projet de l’Alliance pour l’audition.
Françoise Denoyelle : L’AP-HP met à disposition les locaux et finance les travaux. Le Cerca de Necker se situe au rez-de-chaussée de l’Institut Imagine. Elle met aussi à disposition les compétences de ses équipes. La Fondation finance le personnel nécessaire pour 5 ans. Il accueillera les patients inclus dans les études, se chargera de la partie réglementaire, etc. Cette alliance nous permet de démarrer d’emblée dans de très bonnes conditions, avec des centres de très bonne qualité. La Fondation équipe également les Cerca en matériel : toute une panoplie d’exploration objective et subjective chez l’enfant et chez l’adulte qui permettra de bien caractériser les cohortes.
Christine Petit : Les moyens du Ceriah sont ceux mis à disposition par l’Institut Pasteur, d’une part et par la FPA, d’autre part. L’Institut Pasteur mettra ses services à disposition pour une construction optimisée du Ceriah et ses expertises en engineering pour développer à façon les appareils nécessaires. De plus, le campus de l’Institut Pasteur abrite de nombreuses compétences en science des données, modélisation et apprentissage profond par réseaux de neurones ainsi qu’en neurosciences sensorielles indispensables à une analyse fine des résultats obtenus. La FPA apportera son meilleur soutien à la réussite de ce centre qui permettra de transférer efficacement aux malentendants les progrès scientifiques, technologiques et médicaux réalisés au sein de l’IDA.

AD : Comment les échanges entre les structures vont se dérouler ?
Françoise Denoyelle :
Un comité d’orientation se réunira trois fois par an et impliquera toutes les personnes travaillant autour de l’audition. Ce comité réévaluera les projets, rapprochera les équipes... La réunion de la recherche clinique et fondamentale, et les moyens supplémentaires donnés à la recherche clinique sont une formidable opportunité.
Christine Petit : Le mode d’échange entre les structures va demander une réflexion approfondie. La circulation des données portant sur les personnes normo ou malentendantes est par exemple très encadrée par la législation. De même, le Ceriah va travailler en partenariat avec les industriels ce qui obligera à une prise en considération des contraintes qui sont les leurs. Il faut souligner que les études qui y seront menées feront l’objet de protocoles soumis à l’approbation du Comité de protection des personnes. Ce n’est pas un centre de consultation ; ses objectifs sont les avancées de la connaissance et l’innovation médicale.

C’est unique en France car les Cerca seront dédiés à la recherche clinique.
Pr Françoise Denoyelle

AD : L’alliance va-t-elle se limiter à l’AP-HP ?
Jean-Pierre Meyers :
Je voudrais saluer la qualité de l’expertise de nombre de CHU en France dans le domaine de la santé auditive et ils ont pleinement leur place dans la dynamique que nous souhaitons mettre en place. Nous sommes déjà en relation avec des CHU à Lyon, Toulouse, Lille et Montpellier notamment, pour créer dès 2020, un réseau structuré autour de missions communes.
Françoise Denoyelle : Bien entendu, il faudra un engagement des CHU à la même hauteur que l’AP-HP : locaux, réalisation de travaux, adossement à un centre d’investigation clinique (CIC), gestion des sommes fournies par la Fondation…
Christine Petit : Nous vivons dans un monde ouvert. Les idées diffusent, les chercheurs sont libres de leurs sujets d’étude et pour beaucoup de leurs lieux de travail. Les essais cliniques se font en parallèle sur plusieurs sites à l’échelle planétaire…. Les avancées sont de plus en plus collectives. On gagnerait à mettre à profit les meilleures expertises présentes sur l’ensemble du territoire national et à prendre mieux en compte le cadre international de nos activités pour atteindre nos objectifs.
Jean-Pierre Meyers : Cette alliance est une première et grande étape pour la Fondation, qui nous porte avec enthousiasme vers de nouveaux défis. Nous pouvons aller beaucoup plus loin en associant le monde éducatif, associatif, économique et tous les acteurs qui portent une attention particulière à la responsabilité sociale pour favoriser le mieux être ensemble. Ce n’est pas seulement un sujet de recherche mais celui du respect de la différence.

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