Anthony Afflelou : « Nous ne voulons pas être vus comme l’enseigne d’optique qui fait de l’audio »

Il incarne le nouveau visage de la marque. Anthony Afflelou a repris les rênes du groupe Afflelou, il y a près d’un an. Le challenge est important : poursuivre la success story de son père et lui écrire une suite. Et, à n’en pas douter, l’audioprothèse en fait partie. Il présente sa nouvelle feuille de route et son attachement à l’offre Tchin Tchin Audio.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
A Afflelou
Anthony Afflelou, p.-d.g. du groupe Afflelou, dévoile la nouvelle feuille de route de l'activité audio.

Comment se porte Alain Afflelou Acousticien aujourd’hui ?

Nous avons lancé l’enseigne en France en 2011 et nous comptons aujourd’hui plus de 350 centres Alain Afflelou Acousticien, dont les deux tiers sont implantés dans nos magasins d’optique. Un peu plus d’une centaine sont des centres audios exclusifs. 100 % sont des franchisés.

Nous sommes également présents en Espagne. Le lancement, l’année dernière, d’une communication nationale forte sur Tchin Tchin Audio a rencontré un succès important qui nous a permis une croissance de 50 centres supplémentaires pour atteindre les 115 points de vente audios.

Enfin, nous avons pris la décision, début avril, de créer l’enseigne Alain Afflelou Acousticien en Belgique. Nous avons d’ores et déjà ouvert 7 premiers centres.

Vous présentez aujourd’hui votre feuille de route stratégique concernant l’activité audio. Pouvez-vous nous la détailler ?

Notre raison d’être et nos ambitions en tant qu’acousticiens, c’est de dédramatiser le port des aides auditives. Le nom de notre enseigne signe clairement cet objectif. « Acousticien » est un terme peut-être un peu plus ouvert que celui d’« audioprothésiste ». Il est l'expert du son. D’ailleurs, nous avons banni le mot de « prothèses », nous lui préférons les termes d’aides auditives. Notre premier axe a toujours été de faciliter l’accès à ces solutions via notre nom, notre communication et nos offres car, aujourd’hui, l'appareillage reste encore tabou, synonyme d’avancée en âge. Nous souhaitons démocratiser ces solutions car la perte d’audition après 60 ans est naturelle et les aides auditives sont alors essentielles pour mieux entendre et mieux vivre.

Notre offre d’une deuxième paire d’aides auditives avec Tchin Tchin Audio, lancée en 2012, repose sur ce postulat. Elle garantit à nos clients, pour un euro de plus, la sécurité de toujours bien entendre. Ils ont ainsi l’assurance de bénéficier d’une paire de secours pour parer toutes éventualités. On n'imagine pas avoir une seule clé de voiture, parce que c'est essentiel.

Pensez-vous qu’il soit possible de démocratiser le port des aides auditives comme le sont les lunettes aujourd’hui ?

Le discours traditionnel autour de ces produits tourne autour de leur taille et de leur caractère invisible mais il est en passe d’évoluer. L’apport des nouvelles technologies et l’intérêt d’acteurs comme Apple ou Bose pour ce marché, ont réussi, en l’espace de deux-trois ans, à démocratiser le fait de porter un objet connecté sans fil dans l’oreille, que l’on ait 20, 40 ou 50 ans. Certains fournisseurs d’aides auditives s’inspirent de cette tendance. Je ne pense pas que les aides auditives deviennent un jour des objets de mode comme les lunettes mais les écouteurs connectés participeront à lever le tabou de porter un appareil à l’oreille. Nous n’y sommes pas encore tout à fait ; malgré la réforme du 100 % Santé, seuls trois malentendants sur dix sont équipés. Mais, j’entrevois l’énorme potentiel de ce secteur. C’est passionnant. L’innovation technologique va permettre une ouverture du marché et une évolution du métier dans les années à venir.

Notre nouvelle communication, lancée en décembre, participe de cette volonté de dédramatiser l’appareillage. Nous ne nous focalisons pas sur la taille des appareils mais sur le fait qu’à 60-65 ans, on reste jeune et actif et que les aides auditives permettent de continuer à profiter de la vie.

Aujourd’hui, l’âge moyen au premier appareillage avoisine les 72 ans. Vous visez une cible plus jeune ?

On sait en effet qu’il y a sept-huit ans entre l'apparition de la surdité et le premier appareillage. Notre communication participe de l’effort de dédramatisation mais également de prévention. C’est une erreur de ne s’adresser qu’à une population âgée. Il faut sensibiliser le plus grand nombre à prendre soin de son audition et à tout âge. Notre stratégie de communication cible ainsi tous les Français. Dans nos magasins d’optique, les jeunes presbytes sont généralement les premiers prescripteurs pour leurs parents en matière d’appareillage auditif.

Nous souhaitons également sensibiliser les ados et les jeunes adultes. Nous avons ainsi été les premiers du secteur à mettre en place un partenariat avec Rock en Seine. Nous n’y allons pas pour vendre des aides auditives mais pour communiquer auprès des festivaliers sur l’importance de bien entendre et de protéger son audition. Nous nous adressons à tout le monde et, c'est plus simple quand on s’appelle « Acousticien ».

De nombreux clients choisissent des intras pour deuxième paire car, même s'ils portent des contours au quotidien, ils apprécient de pouvoir disposer d'une solution discrète pour certaines occasions.

Est-ce que le fait de bénéficier de cette double casquette optique-audition vous aide à pénétrer plus facilement le marché de l’audioprothèse et faire venir les patients plus tôt ?

Être l’acteur référent sur l’optique présente en effet pas mal d’avantages. Nous avons été la première enseigne à nous lancer sur le marché de l'audioprothèse. En dix ans, nous avons ouvert plus de 350 centres Alain Afflelou Acousticien. Nous sommes l’enseigne qui ouvre le plus de points de vente en audioprothèse en France depuis 2015. Notre notoriété en optique nous aide forcément à nous développer rapidement. Mais, nous ne voulons pas être vus comme l’opticien qui fait de l’audio. Nous avons une vraie légitimité en tant qu’Alain Afflelou Acousticien. Tout le challenge est de passer d'une marque référente en optique à une marque référente en audio et de faire en sorte que les malentendants pensent à Alain Afflelou quand ils ont besoin d'aides auditives.

Ainsi, afin de conforter la synergie entre les deux activités et asseoir cette double expertise, nous avons pris la décision, en début d'année, de signer toutes nos communications par « Alain Afflelou Opticien et Acousticien ». C’est un aspect important de notre stratégie ; nous n’avons qu’une seule marque.

Comme vous, de nombreuses enseignes de l’optique se lancent en audioprothèse. Est-ce que ce secteur représente l’avenir de l’optique ?

En 2022, toutes les grandes enseignes de l’optique se sont mises à faire de l’audioprothèse, attirées par l’ouverture du 100 % Santé. Et, à l’avenir, tous les opticiens auront la double activité mais, pour bien faire, il faut comprendre que ce sont deux métiers distincts. Même si la majorité des malentendants ont besoin de lunettes, ils n'ont pas les mêmes besoins que les clients en optique. Il existe des synergies fortes, mais ce ne sont pas les mêmes parcours de vente, et il n'y a pas la même notion d’accompagnement.

Comment cette synergie se traduit-elle chez vous ?

Elle s’exprime au travers de notre développement, car deux tiers de nos centres audios sont implantés dans des magasins d’optique, et au travers de notre communication, avec un discours de marque et non plus d’enseigne. Notre offre Tchin Tchin optique a également été déclinée en audio.

Enfin, nous avons un important travail à mener, qui n’est pas évident, au niveau de nos magasins pour sensibiliser nos clients optique à l’audition et la prévention auditive et, inversement, nos clients malentendants à l’optique. Cette synergie passe, au-delà du commercial et de la communication, par le discours et le service. Nous souhaitons que chaque personne qui travaille dans un magasin Alain Afflelou, et cela partout en France, porte ce double discours.

Le plus important n’est pas ce que pensent les autres mais ce que souhaitent nos clients. Notre réussite et celle de nos franchisés reposent sur cette prise de conscience. 

Quelles sont vos ambitions pour les années à venir et comment comptez-vous attirer davantage d’audioprothésistes sur un marché particulièrement concurrentiel et en tension ?

Nos ambitions de développement sont très fortes. Nous projetons 50 ouvertures nettes par an en France pour les prochaines années. Nous venons de lancer une campagne de recrutement de franchisés avec une nouvelle marque employeur pour renforcer notre maillage en France et nous poursuivons notre développement à l’international. En Espagne, nous avons lancé une nouvelle campagne de communication nationale l’année dernière et nous avons enregistré une croissance à deux voire trois chiffres sur certaines périodes de l’année. Et, nous démarrons l’aventure en Belgique.

Il est évident que les ressources humaines sont le nerf de la guerre en audioprothèse, en France. La réforme du 100 % Santé a fait exploser la demande mais le numerus clausus a à peine bougé... Ainsi, nous avons intensifié notre présence sur les événements du secteur et travaillé des communications spécifiques sur les villes que nous avons identifiées comme prioritaires pour notre développement. Nous souhaitons véhiculer l’image d’une marque proche de ses franchisés. La relation avec eux est au cœur de notre activité. Ce sont nos premiers clients. C'est une relation de confiance, un partenariat main dans la main. Les audioprothésistes qui nous rejoignent sont des personnes qui construisent leur patrimoine. Nous comptons des franchisés historiques avec dix-quinze centres, qui les lèguent à leurs enfants. Cela témoigne d’une certaine pérennité et d’une véritable solidité. Tout cela est concret et nous devons le faire savoir.

Les offres commerciales d’Alain Afflelou ont souvent défrayé les chroniques de l’audioprothèse. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne communiquons pas pour nous faire plaisir mais parce que nos clients ont besoin des offres et des produits que nous mettons en place, et la communication est le moyen de le faire savoir, de les rendre plus accessibles. Évidemment, nous ne sommes pas un organisme de bienfaisance mais nous avons toujours communiqué et innové en nous basant sur la compréhension des besoins des clients et des métiers. Et, dans notre ADN, si on a une bonne idée, il faut la crier haut et fort pour qu’elle existe, pour se démarquer. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui avec la réforme du 100 % Santé qui a homogénéisé l’offre avec 35-45 % de classe I. Tchin Tchin Audio est un élément de différenciation fort face au tronc commun que constitue la triade « test gratuit – essai gratuit de 30 jours – produit intégralement remboursé ». Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de clients qui nous ont appelés pendant le premier confinement en 2020, lorsque nos magasins étaient fermés, pour que nous leur envoyions des aides auditives de secours, des piles, des embouts. Cela nous a convaincus de continuer à communiquer sur cette offre. Et, aujourd'hui, sa notoriété est presque aussi forte que celle la marque Alain Afflelou.

De nombreux clients choisissent des intras en deuxième paire car, même s’ils portent des contours au quotidien, ils apprécient de pouvoir disposer d’une solution discrète pour certaines occasions. Ainsi, notre offre n’est pas une promesse dans le vent mais repose sur un fondement essentiel qui est le besoin de nos patients. Cela ne pourrait fonctionner sans cela.

On peut comprendre que Tchin Tchin Audio agace, comme son pendant en optique a dérangé les opticiens à son lancement en 1999. Mais, le plus important n’est pas ce que pensent les autres mais ce que souhaitent nos clients. Notre réussite et celle de nos franchisés reposent sur cette prise de conscience. Nous n'offrons pas un produit mais un service.

Comment sont vos relations aujourd’hui avec les acteurs du secteur ?

Mon état d’esprit est de travailler, dans le respect de chacun, à répondre aux besoins de nos clients. Il y a suffisamment à faire sans qu’il y ait besoin d’aller chercher des poux à droite et à gauche. Je souhaite des relations très apaisées avec tous les acteurs du secteur. Chaque avis est respectable et les discussions doivent être transparentes.

Je pense d’ailleurs à me rapprocher du Synea. Alain Afflelou fait partie du Rassemblement des opticiens de France (ROF). Je considère qu’il est toujours bon d’échanger avec ses pairs afin que chacun puisse apporter sa vision et contribue à tirer le secteur vers le haut.

Vous êtes précurseur en matière de téléconsultation en optique. Le système est-il applicable en audio ?

Sans trop dévoiler nos plans, j’ai la conviction que cela serait pertinent en audio comme ça l’est en optique, a fortiori quand on connaît le temps d’attente pour obtenir une consultation avec un ORL et le développement des déserts médicaux. La réalité du marché nous impacte. Nous constatons moins de rendez-vous qualifiés, avec ordonnances, qu’en 2021, de l’ordre de 15 points environ. Aujourd’hui, tout repose sur les ORL ou les médecins généralistes formés en otologie médicale. Il n’existe pas de délégation de compétences comme en optique où les orthoptistes peuvent réaliser les examens visuels. Je pense que développer la téléconsultation en audio, c’est aller dans le sens de l’histoire. Il y a un véritable enjeu de santé publique. Le port d’aides auditives étant encore tabou, le moindre obstacle dans le parcours est un risque de déperdition...

Newsletter

Newsletter

La newsletter Audiologie Demain,

le plus sûr moyen de ne jamais rater les infos essentielles de votre secteur...

Je m'inscris