Article mis à jour le 25/10/2022
En apparence, c’est un texte qui pourrait bien bouleverser le secteur de l’aide auditive. L’article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, discuté en ce moment à l’Assemblée nationale et pour lequel le gouvernement a dégainé un 49.3, est en effet assez troublant.
Il vise à « assurer une répartition plus fine de la valeur au sein de la LPP en dissociant la tarification du produit d’une part et celle de la prestation d’autre part ainsi qu’en définissant des marges précises pour les activités de distribution, à l’image de ce qui existe déjà pour la distribution du médicament ». Dit autrement, le gouvernement veut fixer les prix et les marges des prestations et des produits de santé et réagite l’épouvantail de la dissociation.Tarifs et marges fixés
L’objectif du gouvernement est clair : éviter les dépenses trop importantes sur des secteurs très dynamiques et donc difficilement maîtrisables. « Il apparait donc nécessaire de rénover la régulation de ce champ (acteurs de la LPP, NDLR) afin d’assurer la soutenabilité du système devant cette augmentation conséquente des dépenses tout en facilitant l’accès aux soins pour les patients, en confirmant ainsi l’objectif d’une rémunération à la valeur clairement définie », peut-on lire dans l’exposé de motifs de cet article 31.
Sur l’audiologie, comme sur l’optique, les produits hors 100 % Santé n’ont pas de prix limite de vente et il n’est pas prévu de changer cela. Ainsi, la mesure prévue à l’article 31 n’a aucune portée sur ces produits.
Direction de la Sécurité sociale
Néanmoins si l’article couvre les champs de la LPP au sens large, il n'impacte ni l’optique ni l’audioprothèse. L’un des rapporteurs du PLFSS, le député Cyrille Isaac-Sibille, indique avoir, à notre demande, obtenu du cabinet ministériel la confirmation « que la mesure prévue à cet article n'aurait aucun impact sur les dispositifs du 100 % Santé, et qu'il n'y avait aucune vocation à changer cela ».
La direction de la Sécurité sociale (DSS), que nous avons également interrogée, nous précise : « Cette mesure doit s’appliquer progressivement sur les différents champs de la LPP à l’horizon fin 2025. Il ne s’agit pas d’une mesure qui reviendrait sur l’architecture du 100 % Santé audiologie et la classe II à prix libre et il n’y a pas de volonté de revenir sur ce principe à court terme. Sur l’audiologie, comme sur l’optique, les produits hors 100 % Santé n’ont pas de prix limite de vente et il n’est pas prévu de changer cela. Ainsi, la mesure prévue à l’article 31 n’a aucune portée sur ces produits. » Voilà qui méritait d’être clarifié.
Dissociation et transparence
L’article 31 a également agité l’épouvantail de la dissociation en introduisant le souhait d’« assurer une répartition plus fine de la valeur au sein de la LPP en dissociant la tarification du produit d’une part et celle de la prestation d’autre part ». Là encore, la DSS rassure : il ne s’agirait pas de dissocier la rémunération. En effet, la mesure vise à « simplifier l’accès au marché des dispositifs médicaux ou autres produits de santé inscrits sur la LPP remboursables par l’Assurance maladie, et apporter davantage de transparence dans la répartition de la valeur pour un produit donné : ce qui revient au produit, ce qui revient au distributeur au titre de la distribution « simple », ce qui est payé au titre d’une prestation éventuellement associée (livraison à domicile, temps d’appareillage, moulage, prestation d’adaptation, etc.) ».
L'indissociabilité qui était inscrite dès le devis normalisé a ainsi été entérinée dans la nomenclature 100 % Santé.
Brice Jantzem, président du SDA
Plus de peur que de mal, donc, semble-t-il. Malgré les précisions de la DSS, Brice Jantzem, président du SDA, indique que le syndicat restera « extrêmement attentif à ce que, d'une part, la prestation reste majoritaire dans notre métier et à ce que, d'autre part, l'audioprothésiste puisse conserver le choix de l'aide auditive dont il réalise les ajustements ». Et de rappeler : « Par le passé, le SDA a déjà su être convaincant sur l'intérêt pour toutes les parties (patients, professionnels, financeurs) de ne pas dissocier (ou découpler) la vente de l'appareil de la réalisation de la prestation. L'indissociabilité qui était inscrite dès le devis normalisé a ainsi été entérinée dans la nomenclature 100 % Santé et l'affichage du tarif de la prestation a même disparu des nouveaux devis normalisés issus cette réforme ».
Les dernières positions des pouvoirs publics semblent rassurantes. Nous souhaitons maintenant des engagements sur ce sujet.
Richard Darmon, président du Synea
La circonspection est également de mise du côté du Synea et du Synam. « La réforme du 100 % Santé a fixé un cadre strict pour l’audioprothèse, y compris sur les prix, commente Richard Darmon, président du Synea. Notre métier ne doit donc pas entrer dans les règles de l’article 31 du PLFSS, qui est en contradiction avec cette réforme. Ce serait même un risque fort, pour la poursuite du succès du 100 % Santé en audiologie. Les dernières positions des pouvoirs publics semblent rassurantes. Nous souhaitons maintenant des engagements sur ce sujet. »
Quant à Arthur Havis, vice-président du Synam-Synom, il indique « accueillir comme une très bonne nouvelle la confirmation par le gouvernement de sa volonté de ne pas actionner cet article 31 sur les secteurs de l’audition et de l’optique ». « Néanmoins, le texte ouvre cette possibilité de l’appliquer un jour ou l’autre, ajoute-t-il. Nous resterons donc attentifs à ce qu’une nouvelle réforme ne vienne pas déséquilibrer le succès indiscutable du 100 % en audiologie et les efforts fournis à la fois par les professionnels et les complémentaires santé. Un encadrement des marges et la dissociation impacteraient fortement l’équilibre économique de nos centres et la manière d’exercer nos métiers. Si les pouvoirs publics venaient à changer d’avis, nous serions bien évidemment présents pour en discuter et en débattre. »
Des positions pragmatiques car si encadrement des marges et dissociation semblent écartés pour le moment, le véhicule législatif est prêt et rien n’empêche un jour de l’appliquer.