Autonomie et audition : vers un repérage « universel »

Le 16 janvier 2020, Agnès Buzyn présentait la stratégie globale « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » au sein de laquelle la prévention de la perte d’autonomie tient une place centrale. Elle fera l’objet d'un projet de loi à l'été, incluant le repérage de la perte d’audition. Le point avec le Pr Bernard Fraysse, président de l’Ifos et expert auprès de la HAS.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
Le reperage de l audition via des applications

« Comment vieillir en bonne santé sans une bonne audition ? » Cette question rhétorique énoncée par la ministre de la Santé d’alors, Agnès Buzyn, à l’occasion de la présentation de la stratégie globale en faveur de la prévention de la perte d'autonomie mi-janvier, marque un tournant. Elle traduit la prise en compte par les pouvoirs publics des liens entre perte d’audition et les « 3D » (dépendance, démence et dépression) et de l’importance de la prévention en la matière, enjeu majeur de santé publique. « Les études scientifiques se multiplient pour montrer que la prise en charge précoce du déficit auditif figure parmi les facteurs modifiables les plus pertinents pour diminuer le risque de déclin cognitif1 », commente le professeur Bernard Fraysse, expert auprès de la HAS (voir encadré).

Un repérage à trois moments clés de la vie

Alors que le projet de loi est en cours d’écriture, Agnès Buzyn a rappelé les défis à venir : « La transition démographique nous conduit d’ici 2030 vers une société où les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Cette révolution impose de passer un cap en matière de prévention et de recherche. » La stratégie « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » vise ainsi à investir le champ de la prévention à travers dix-huit mesures et détermine des actions à l’occasion de trois moments clés de la vie :

  • dès 40-45 ans, au travers d’une application lancée à la fin de l’année par Santé publique France qui permettra à chacun d’évaluer ses besoins de façon autonome et de recevoir des conseils personnalisés ;
  • au moment du passage à la retraite avec un rendez-vous de prévention (avec un objectif de 200 000 personnes reçues par an d’ici 2022) ;
  • dès 70 ans, par une détection plus précoce des fragilités et une action renforcée sur les facteurs qui accélèrent la perte d’autonomie, dont les déficits sensoriels « mal diagnostiqués », par l’expérimentation dans plusieurs régions d’un programme de dépistage selon la démarche Icope*, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la période 2020-2022.

Vers un repérage « universel »

« La démarche expérimentale permettra d’adapter le programme au contexte français et de définir un modèle de financement et les conditions d’un déploiement du dispositif sur l’ensemble du territoire, explique le Pr Fraysse. Un “appel à manifestation d’intérêt” dans le cadre du dispositif “Article 51” de la LFSS 2018 sera lancé dans les mois qui viennent en vue d’identifier les acteurs avec lesquels co-construire le cahier des charges de cette expérimentation. Compte tenu des liens avérés entre cognition et audition, l’ensemble des professionnels de la santé auditive doit s’inscrire de façon volontariste dans ce schéma de repérage. La démarche Icope suppose d’ailleurs que la première étape de dépistage soit réalisée le plus largement possible, par le plus d’acteurs possible : médecins généralistes, spécialistes, gériatres, infirmiers, paramédicaux, aidants… L’enjeu nécessite un dispositif flexible. »

Au nombre des mesures envisagées de la stratégie « Vieillir en bonne santé 2020-2022 » pour agir sur les facteurs accélérant la perte d’autonomie à partir de 70 ans figure également, dès 2020, l’expérimentation d’un autotest de dépistage du déficit auditif, sous forme d’application smartphone, destiné au grand public et aux professionnels de soins primaires. Ce dispositif s’inspire de l’appli HearWHO de l’OMS, adaptée pour la France par la Fondation pour l’audition, sous le nom d’Höra3.

Et après ?

Une fois le repérage effectué, le pivot de la prise en charge des personnes présentant une perte d’audition doit être le médecin généraliste formé à l’otologie, selon le Pr Bernard Fraysse : « On s’oriente vers d’un côté la prise en charge des presbyacousies légères bilatérales par les généralistes qui bénéficieront de la formation en otologie ; de l’autre celle des pathologies plus complexes, qui devront être orientées vers les ORL. L’objectif est d’améliorer l’accès à une prise en charge précoce. »

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