Le marché de l’audioprothèse est en très bonne santé. Et s’il fallait une nouvelle preuve pour s’en convaincre, l’Audioscope, réalisé chaque année par le cabinet d’études Gallileo Business Consulting, est sans équivoque. « C’est un très bon cru en termes de dynamique de croissance et d’optimisme », résume Maher Kassab, son directeur.
Croissance de l’activité
Les chiffres sont en effet convaincants : en moyenne, en 2021, un audioprothésiste indépendant du panel interrogé (voir la méthodologie de l’étude en encadré) est sur une base de vente de 25 appareils par mois (graphe 1). En 2020 (année certes pénalisée par le confinement, mais qui a connu un rebond des ventes lors du 2e semestre), ce chiffre était de 20 appareils.
En conséquence, le chiffre d’affaires moyen prévisionnel des centres a également bondi. De 330 k€ en 2019 et 315 k€ en 2020, il a atteint 374 k€ en 2021 (graphe 2). Soit +19 % (par rapport à 2020).
Cercle vertueux
« Plusieurs facteurs, qui se catalysent, ont contribué à ces résultats, détaille l’analyste. Tout d’abord, le développement de la classe I ; c’est l’élément moteur. Cela montre que le principal frein à l’appareillage était bien le prix, bien devant la stigmatisation. Cette nouvelle accessibilité, permise par le 100 % Santé, a débloqué un autre frein : la prescription. Nos études sur les ORL ont montré qu’une part non négligeable n’était pas proactive concernant la prescription d’aides auditives, notamment parce que ces spécialistes les jugeaient trop chères. Cet argument ne tient plus. Désormais, les médecins, principaux influenceurs sur un secteur médicalisé, n'hésitent plus à recommander l'appareillage. Cela favorise non seulement la classe I, mais aussi la classe II. Cette tendance va transformer le marché de l’audioprothèse : d’un marché de niche (< 50 % de la cible équipée), il va basculer vers un marché de masse (> 50 % de la cible équipée). Cela va avoir pour effet de déstigmatiser l’appareillage. On entre dans un cercle vertueux. Cette banalisation du port de l’appareillage va, je l’espère, inciter les malentendants plus jeunes à se faire appareiller et contribuer à réduire le délai de réflexion qui est encore de 8 ans entre les premiers symptômes et l’appareillage. »
Reflet de cette tendance positive, le moral des audioprothésistes indépendants est bon (graphe 3). 16 % d’entre eux déclarent qu’ils sont très optimistes concernant l’avenir de la profession, contre seulement 4 % l’année précédente. La proportion de très ou plutôt pessimistes a également chuté, mais n’est pas nulle, malgré un secteur en très bonne santé.
De nouveaux enjeux
« Les raisons de ce pessimisme qui demeure concerne la baisse des prix moyens de vente d’aides auditives », explique Maher Kassab. En effet, il est de 1 256 € cette année contre 1 328 € l’an dernier, pour le panel interrogé (graphe 4). « En outre, les audioprothésistes se demandent comment faire face à cette nouvelle situation (afflux de patients et baisse des prix de vente). Selon moi, il y a plusieurs enjeux. Dans ce nouveau paysage, la communication avec le prescripteur reste essentielle. Il faut l’informer des différentes classes et des bénéfices d’un appareillage précoce. Ce dernier représente un enjeu pour la filière, pour les audioprothésistes, mais aussi et surtout pour les malentendants. D’autre part, il est primordial de segmenter sa clientèle entre ceux qui se tourneront et ceux qui ne se tourneront pas vers la classe II. Autre défi important : adopter une meilleure méthode d’allocation du temps, celui de l’audioprothésiste, mais aussi celui des équipes. La qualité du recrutement sera également clé. L’audioprothésiste va devoir se focaliser sur ce qui est important et déléguer les tâches pour lesquelles il est remplaçable. Il va devoir se médicaliser davantage et être lui-même moins dans le relationnel ; tout en faisant appliquer par ses équipes un excellent accueil et une réelle qualité de service, un suivi et du conseil. On s’oriente à mon avis de plus en plus vers des centres de taille importante, avec de nombreux assistants, comme on le voit dans des centres Point Vision. Sur un marché avec une telle croissance, la pratique en solo n’aura pas sa place. L’audio va être à la fois plus médical et plus encore chef d’entreprise, avec une facette organisationnelle et gestion d’équipe qui va devenir prépondérante. Il doit pour cela investir en ressources et en espace. »
Maher Kassab ne prévoit pas de baisse de la croissance pour 2022. « Le réservoir est important, justifie-t-il. Le marché ne va pas ralentir à cause d’une problématique d’offre. Il va s’organiser pour faire face à la demande. »