Bruit et gastronomie : la recette impossible des restaurants

Brouhaha, musique trop forte, conversation impossible… Le bruit est souvent l’ingrédient de trop au restaurant. Face au mécontentement de leurs clients, certains restaurateurs cherchent des solutions ; d’autres, au contraire, exploitent les liens entre le son et le goût à leur avantage.

Par Laura Huynh Quang
Adrian Hillman Adobe stock_web

Qui ne s’est jamais plaint d’un restaurant trop bruyant ? Le bruit serait la deuxième cause qui pousserait un client à fuir un restaurant, juste après un service de mauvaise qualité1. Mais ce n’est pas tout ! Selon plusieurs études, le bruit altère de manière sélective notre capacité à détecter des saveurs, telles que le sucré et l’acide. Un bruit fort ou désagréable causerait des perturbations dans notre cerveau et du stress, affaiblissant nos capacités gustatives. Les sons aigus adouciraient les saveurs, quand les graves renforceraient l’amertume. De récents travaux australiens ont par exemple montré qu’un volume sonore élevé nuit à notre goût, notre odorat, et notre appréciation de ce que l’on mange et boit2. Ainsi, pour un même repas, un client sera plus satisfait de son plat lorsque le bruit ambiant est modéré. Cette perception gustative reste subjective, mais globalement, un bruit de fond fort détériore nos jugements sensoridiscriminants. Cela nous empêche d’évaluer correctement la présence ou l’intensité d’une saveur. Avec ces capacités gustatives moins aiguisées, les plats servis peuvent être de moindre qualité et nous nous en rendons à peine compte.

Une stratégie commerciale

Cette problématique est connue depuis les années 1990, mais des propriétaires y trouvent leur intérêt et en ont même fait leur concept ! C’est le cas du Chin Chin à Melbourne, qui veut recréer une ambiance sonore s’apparentant à un marché thailandais. La chaîne de bars et restaurants Hard Rock Café a mis en place cette stratégie afin d’augmenter facilement son chiffre d’affaires. En effet, les clients consommeraient et partiraient plus vite avec un fond sonore bruyant3. Le client discrimine également moins la teneur en alcool présente dans son verre, ce qui l'inciterait à en commander un autre plus rapidement...

Des restaurateurs innovants

Certains restaurateurs choisissent au contraire d’atténuer le bruit de fond. Pour cela, ils ont revu l’agencement de leur restaurant et les matériaux utilisés. Ils ont banni le bois nu, les surfaces vides, les sols en pierre, les hauts plafonds, les tables sans linge, qui favorisent la propagation du bruit. Au contraire, la moquette, les lourds rideaux, les nappes, les banquettes en velours isolent du son et créent un univers feutré. Dans certains établissements, la musique est tout juste audible voire absente, afin de privilégier les conversations. D’autres ont choisi d’exploiter les vertus de la synesthésie, de l’association du goût et de l’ouïe, et d’en faire un outil de consommation positif. C’est le cas de la maison Krug (champagnes et vins). En collaboration avec les équipes du laboratoire STMS (Sciences et technologies de la musique et du son) de l'Ircam (Institut de recherche et coordination acoustique/ musique), elle a décidé d’utiliser la musique comme moyen singulier pour créer une toute nouvelle expérience de dégustation. Ce projet consistant à exploiter la relation entre le son et le vin propose aux consommateurs une expérience multisensorielle. En effet, chaque composition sonore est une métaphore gustative et s’accorde au vin, de la même manière que Vivaldi a associé ses concertos à des saisons. Cette fois-ci, le son sert de décor, accompagnant l’expérience culinaire. Le compositeur Roque Rivas et l’ingénieur du son de l'Ircam Clément Cerles ont ainsi créé dix paysages sonores, métaphores de dix régions champenoises, utilisées dans les assemblages Krug. Grâce à un système de diffusion du son immersif et des équipements sonores mis en place par la société Amadeus, le consommateur se plonge dans un univers sonore unique s’accordant de manière imagée avec le vin qu’il déguste. Finalement, le son, comme le sel, est à assaisonner selon vos goûts !

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