Caractériser les profils auditifs pour une meilleure réhabilitation

Les bénéfices procurés par les aides auditives varient grandement selon les utilisateurs car l’appareillage se base sur les seuls résultats de l’audiométrie. D’autres mesures de perception peuvent être utiles pour mieux comprendre les particularités de chaque perte auditive et ainsi adapter les stratégies d'appareillage à chaque individu. Explications avec Torsten Dau, directeur du Hearing Systems Group à l’université technique du Danemark, suite à sa présentation lors du 16e congrès de la SFA.

Propos recueillis par Stéphane Davoine
SFA

Audiologie Demain (AD) : Avec vos collègues Raul Sanchez et Jens Hjortkjær, vous avez développé une nouvelle approche pour caractériser les profils auditifs sur la base des distorsions. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

Torsten Dau (TD) : Alors que la perte auditive neurosensorielle peut être abordée sous l’angle de la physiologie ou sous celui de la perception, la réhabilitation auditive est, elle, principalement basée sur les résultats de l’audiogramme tonal. Au sein d’un projet à grande échelle, le « Better Hearing rehabilitation in Denmark » (BEAR), nous avons mis sur pied une nouvelle approche basée sur le profilage des déficits de perception auditifs. Nous avons émis l’hypothèse que la perte auditive d’un individu résultait de deux types indépendants de « distorsions auditives ». Dans cet espace à deux dimensions, nous avons ainsi identifié quatre profils auditifs. L’analyse s’est appuyée sur un groupe hétérogène d’auditeurs évalués selon les critères de la re-connaissance de la parole, de la perception de la sonie, de la capacité de traitement binaural et de la résolution spectro-temporelle. Les résultats ont montré qu’un premier type de distorsion était associé à des seuils auditifs dégradés dans les hautes fréquences ainsi qu’à un démasquage temporel réduit, et était corrélé avec des seuils d’intelligibilité de la parole dans le bruit élevés. Le second type de distorsion a été principalement associé à des pertes auditives dans les basses fréquences et à des fonctions de sonie anormalement abruptes. Ces profils auditifs recouvrent quatre sous-populations robustes de malentendants présentant divers degrés de distorsions de perception.

AD : Auriez-vous pu inclure d’autres facteurs dans votre analyse pour l’enrichir ?

TD : Notre approche de la caractérisation de la perte auditive basée sur des données est intentionnellement limitée aux mesures psychoacoustiques et à l’utilisation de tests ayant un potentiel d’application clinique. Nous avons choisi de ne pas inclure de mesures physiologiques, tels les oto-émissions acoustiques et les potentiels évoqués de manière à nous concentrer sur la caractérisation des conséquences en termes de perception. Les facteurs cognitifs sont également importants pour caractériser dans sa globalité le « profil d’écoute » d’une personne malentendante, comme le suggèrent plusieurs études. dans notre approche, les facteurs cognitifs sont considérés comme une variable confondante plutôt qu’une part manquante du profilage auditif. Toutefois, il serait tout à fait intéressant d’explorer ces facteurs puisque la cognition peut altérer la perception des stimuli auditifs de la batterie de tests utilisés, et que les capacités cognitives de l’auditeur sont à même d’être affectées par les distorsions reflétées dans les profils auditifs et conduire à une expérience compliquée en termes d’effort d’écoute.

AD : Pensez-vous que cette approche pourrait influencer les pratiques des audioprothésistes ?

TD : Notre profilage auditif peut tout à fait avoir un impact sur le travail des audioprothésistes – c’est en tout cas l’objectif en lien avec le projet BEAR –, car la plupart de nos tests peuvent être appliqués dans la pratique clinique. Mais il reste encore à démontrer que l’application de stratégies de compensation des aides auditives selon le profil auditif apporte un réel bénéfice pour les patients par rapport aux bonnes pratiques actuelles. Cela est actuellement évalué au sein du projet BEAR par diverses cliniques audiologiques, universités et fabricants d’aides auditives au Danemark.

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