S’il n’est pas surprenant que les estimations des ventes d’aides auditives diffèrent légèrement selon que l’on se place en amont, du côté des industriels, ou en aval, en sortie de caisse, du point de vue des points de vente, force est de constater que les sons de cloches n’ont jamais été aussi discordants que sur les trois premiers trimestres 2019. Il existe en effet un différentiel à ce point inédit qu’il suscite un certain nombre d’interrogations dans le landerneau de l’audioprothèse.
Industrie vs Distribution
Selon les statistiques du Snitem (Syndicat national de l'industrie des technologies médicales), 645 140 aides auditives ont été vendues aux trois premiers trimestres 2019 contre 595 296 aux trois premiers trimestres 2018, soit une progression de 8,37 %. Un score dont le secteur aurait pu se réjouir si ce n’avait été le ressenti des audioprothésistes sur le terrain, impactés par l’attentisme des malentendants, enclins à différer le moment de s’appareiller jusqu’à 2021 et l’instauration du « reste à charge zéro ». Ressenti que confirment les chiffres issus de la distribution et qui font état d’une baisse de 5,4 % des ventes pour cette même période. Où est donc passée cette hausse enregistrée par les fabricants alors que les centres constatent eux une baisse de leurs ventes ?
Un essai obligatoire de 30 jours
Des éléments de réponse se trouvent dans la conjonction de plusieurs paramètres aux effets inverses. Au premier rang desquels figure bien sûr la réforme du 100 % Santé et notamment l’instauration d’un essai obligatoire de 30 jours avant facturation. Si l’on estime qu’avant le 1er janvier 2019, la norme était à 15 jours en moyenne de prêt, alors la réforme a allongé de deux semaines la durée moyenne de ces essais. Il y a donc un décalage des ventes aux patients et un nombre d'appareils en essai qui a augmenté corrélativement. Ce qui représente, sur neuf mois, un retard de facturation pour les distributeurs, de l’ordre de 5,1 %, par rapport aux fabricants (2 semaines sur les 39 premières semaines de l’année).
Des ventes « en ferme »
Par ailleurs, 2019 marque un changement de paradigme dans le mode opératoire de certains fabricants qui dorénavant pratiquent la vente « en ferme » à la place de la vente différée en dépôt. Certains nouveaux produits sont aujourd’hui facturés dès l’achat, c’est le cas de nouvelles plates-formes rechargeables équipées de batteries lithium-ion. Cette incidence sur le marché peut être estimée entre + 4 et + 5 % pour les industriels, ce qui représente une hausse que l’on pourrait qualifier d’artificielle. Ainsi, le véritable niveau des ventes des fabricants serait donc plus proche de + 3 à 4 % sur les neuf premiers mois. La somme de ces deux changements de fond crée donc un écart qu’il est aujourd’hui difficile d’analyser objectivement et surtout quantitativement.
Des facteurs secondaires
Ajoutons enfin à cette situation un marché du côté des industriels plutôt galvanisé par les promotions et les nouveaux produits, le fait que le passage à quatre ans des renouvellements a sans doute freiné aussi un peu les ventes au niveau de la distribution. De même il faudrait s’assurer de la bonne prise en compte dans les chiffres de la distribution de l’impact dans leurs deux premières années des 200 nouveaux centres qui ouvrent chaque année. Enfin, si on analyse les remboursements Ameli (régime général) et qu'on leur applique les corrections liées aux changements de remboursements (aides auditives et allocation forfaitaire), on estime sur les neuf premiers mois une hausse de l’ordre de + 3 % des remboursements sur les seules aides auditives (en volume).
