Dans les années 1990, lorsque les premiers appareils auditifs numériques sont arrivés sur le marché, un écueil est apparu. Le traitement du signal, qui était pratiquement immédiat sur les modèles analogiques, affichaient des temps nettement moins avantageux pour les modèles numériques. En cause, les filtres numériques, les microphones, etc. Aujourd’hui, les temps de traitement varient entre 0,5 et 10 ms environ, selon les modèles.
Est-ce important pour l’utilisateur des aides auditives ? Le débat n’est pas réellement tranché. Le décalage entre le son traité par l’aide auditive et celui traité directement par l’oreille crée des distorsions qui donnent cette caractéristique métallique bien connue au son perçu par l’utilisateur.
Verrouillage de phase affecté
Mais ce n’est pas tout. Selon l’équipe de Samira Anderson, à l’université du Maryland, cela pourrait avoir une incidence sur les performances auditives [1]. C’est en effet ce qu’elle vient de montrer de façon objective, en analysant les réponses soutenues en fréquences (FFR, frequency following responses) chez des sujets appareillés avec des aides auditives dont le temps de traitement variait entre 0,5 et 7 ms. Le stimulus consistait en un signal de parole d’une syllabe, /da/, d’une durée de 50 ms. Les chercheuses ont regardé comment l’augmentation du délai modifiait les réponses en fréquence, en observant deux indices : le facteur de verrouillage de phase et la corrélation du STR (stimulus to response), qui fournissent des informations sur le verrouillage de phase et sur la morphologie de la courbe (si les pics sont bien dessinés). Ces deux critères sont tous les deux associés à des meilleurs capacités de compréhension, notamment dans le bruit. Or aucune différence significative n’a été observée entre les aides auditives dont le temps était de 5 ms et celles avec un temps de 7 ms, pour les deux indices. En revanche, avec les aides auditives à 0,5 ms de temps de traitement, le facteur de verrouillage de phase et la corrélation du SRT étaient plus importants.
Pour les autrices, ces résultats montrent que « les retards de traitement des aides auditives perturbent le verrouillage de phase en raison du mélange des sons traités et non traités dans le conduit auditif lors de l'utilisation de dômes ouverts », expliquent-elles dans leur conclusion. Ce qui pourrait être lié à une moins bonne compréhension de la parole dans le bruit. La prochaine étape consistera précisément à effectuer des tests comportementaux pour évaluer l’influence du temps de traitement sur la compréhension. C’est l’intention de cette équipe de recherche, « mais nous devons déterminer quelles mesures seraient les plus sensibles aux temps de traitements », précise Samira Anderson.
Perte de confort
Quand bien même la compréhension serait peu ou pas affectée, ce temps de traitement affecte le confort des utilisateurs, notamment ceux présentant peu de perte. En témoignent les résultats de travaux menés par les équipes de GN en 2004 [2] ou celles de Widex en 2022 [3]. Dans les premiers, les malentendants percevaient une gêne à l’écoute de leur propre voix avec un temps de traitement long, tandis que les normo-entendants, appareillés pour l’expérience, ressentaient eux aussi une gêne à l’écoute de leur voix, mais aussi à l’écoute d’un discours ou de musique, même quand le temps de traitement était moyen. Dans l’étude de Widex, les normo-entendants montraient une préférence encore plus prononcée que les malentendants pour le son provenant d’aides auditives avec un délai court. Le temps de traitement pourrait donc devenir important quand on sait qu’il est nécessaire d’appareiller plus précocement, donc davantage de jeunes seniors avec des presbyacousies naissantes... Il pourrait aussi permettre de faciliter l’adhésion des patients à leurs premiers appareils.