Est-ce que le fait de voir la parole permet de mieux entendre ? Si la vision apparaît comme un élément plus que secondaire dans la perception du discours, les professionnels manquent aujourd’hui d’outils pour évaluer cette intégration audiovisuelle de la parole.
Une liste de mots monosyllabiques
Le test consiste à répéter des listes de mots dans différentes conditions expérimentales qui départagent les modalités auditives et/ou visuelles. Les listes – au nombre de trois – sont formées uniquement de mots monosyllabiques pour éviter le recours à la suppléance mentale. Les mots sélectionnés sont des noms communs qui respectent l’occurrence des phonèmes dans la langue française.
Ces listes sont phonologiquement équivalentes : tous les phonèmes apparaissent selon l’ordre de fréquence. Chacune est constituée des mêmes quarante phonèmes.
La fréquence d’usage est vérifiée à l'aide des bases de données lexicales pour les enfants, Novlex [1] et, pour les adultes, Brulex [2]. Chaque liste est composée de mots « rares », de fréquence « moyenne » et « très fréquents ».
Le critère de lisibilité labiale a été validé. Chaque liste est composée de mots « faciles » et « difficiles ». Les listes ont été enregistrées sur un support audiovisuel en cabine insonorisée afin de garantir la fidélité de leur reproductibilité, ce qui les rend applicables dans la pratique clinique. La passation dure environ dix minutes.
Quatre conditions expérimentales
Ces listes de mots sont présentées dans quatre conditions expérimentales.
Dans les conditions audiovisuelle congruente (AVC ) et audiovisuelle incongruente (AVI ), le sujet dispose des informations auditive et visuelle pour répéter ce qu'il a compris. Il voit l'image et entend le son.
Dans la condition auditive (A), il dispose seulement de l'information auditive. L’image n’est plus visible (l’écran de l’ordinateur est tourné).
Dans la condition visuelle (V), il dispose uniquement de l'information visuelle. Le son est coupé.
Les trois conditions, AVC , A et V, sont présentées dans un ordre aléatoire. La condition AVI est présentée en dernier lieu afin de ne pas décourager les participants et pour ne pas découvrir la « supercherie » durant le test. La consigne est de répéter ce qui est compris dans les quatre conditions de l’épreuve. Pour les listes AVC , A et V nous réalisons deux types de correction – une lexicale et une phonémique – au moyen de grilles correctives, dont les résultats permettent d’établir un score.
Le cas de VD, âgé de 65 ans
VD est un homme de 65 ans, parfaitement bilingue (français et néerlandais). Il présente une surdité profonde bilatérale évolutive. Il est appareillé conventionnellement depuis l’âge de 57 ans. L’oreille droite (OD) s‘est dégradée moins vite que l’oreille gauche (OG). Il a bénéficié d’un implant cochléaire à l’OG en novembre 2017. Il garde sa prothèse conventionnelle à l’OD.
Le DEWA et ses quatre conditions expérimentales ont été proposés au patient en pré-implantation, avec ses prothèses conventionnelles, et en post-implantation à 1, 3, 6 mois et 1 an.
En pré-implantation, le patient présente le meilleur résultat dans la condition AVC (le son et la vision concordent). Dans la condition AVI (le son et la vision ne correspondent pas), il présente autant de captures visuelles complètes (CVC) que de captures auditives complètes (CAC). En post-implantation, les résultats montrent une amélioration de la condition AVC, prouvant l’efficacité de l’implant cochléaire.
Globalement, entre le bilan pré-implantation et 1 an post implantation, le patient a amélioré ses performances intégratives, auditives et visuelles, parce qu’il a amélioré son audition.
L’utilisation d’un matériel enregistré permet un point de comparaison fiable lors des contrôles pour objectiver l’évolution du sujet. Le clinicien peut donc suivre un patient en vérifiant si ses performances auditives s’améliorent ou se détériorent en fonction de la durée du port de l’IC et de sa participation aux séances de logopédie.