DEWA, un test d’intégration audiovisuelle

Évaluer les capacités de compréhension de la parole d’un patient et déterminer la prise en soin orthophonique adéquate en s’appuyant sur les stimuli auditifs, visuels ou la combinaison des deux, tels sont les objectifs du DEWA, premier test en français d’intégration audiovisuelle.

Par Justine Wathour et Naïma Deggouj

Est-ce que le fait de voir la parole permet de mieux entendre ? Si la vision apparaît comme un élément plus que secondaire dans la perception du discours, les professionnels manquent aujourd’hui d’outils pour évaluer cette intégration audiovisuelle de la parole.

dewa ouverture web
C’est l’objet du test DEWA – du nom de ses conceptrices, Naïma Deggouj et Justine Wathour –, utilisé quotidiennement par les logopèdes (ou orthophonistes) du centre d’audiophonologie des cliniques universitaires St-Luc de Bruxelles en Belgique. Fruit d’une série de mémoires et de travaux de fin d’études, il permet de déterminer dans quelle mesure une personne sourde ou malentendante est capable d’améliorer sa compréhension orale en se servant des stimuli auditifs, visuels (lecture labiale) et en les combinant. Étalonné sur une population normo-entendante de 194 sujets âgés de 4 à 80 ans, il est le premier test en français à évaluer les capacités de compréhension de la parole sous différentes modalités : audition seule, visuelle seule et audiovisuelle congruente (le son et la vision concordent) et incongruente (le son et la vision diffèrent). Tester ces quatre modalités chez un patient sourd permet d’appréhender son niveau de compréhension de la parole et de proposer une prise en soin adéquate en ciblant le canal déficitaire pour le renforcer par le biais d’exercices et/ou d’une meilleure adaptation des aides auditives ou de l’implant cochléaire.

Une liste de mots monosyllabiques

Le test consiste à répéter des listes de mots dans différentes conditions expérimentales qui départagent les modalités auditives et/ou visuelles. Les listes – au nombre de trois – sont formées uniquement de mots monosyllabiques pour éviter le recours à la suppléance mentale. Les mots sélectionnés sont des noms communs qui respectent l’occurrence des phonèmes dans la langue française.

Ces listes sont phonologiquement équivalentes : tous les phonèmes apparaissent selon l’ordre de fréquence. Chacune est constituée des mêmes quarante phonèmes.

La fréquence d’usage est vérifiée à l'aide des bases de données lexicales pour les enfants, Novlex [1] et, pour les adultes, Brulex [2]. Chaque liste est composée de mots « rares », de fréquence « moyenne » et « très fréquents ».

Le critère de lisibilité labiale a été validé. Chaque liste est composée de mots « faciles » et « difficiles ». Les listes ont été enregistrées sur un support audiovisuel en cabine insonorisée afin de garantir la fidélité de leur reproductibilité, ce qui les rend applicables dans la pratique clinique. La passation dure environ dix minutes.

Quatre conditions expérimentales

Ces listes de mots sont présentées dans quatre conditions expérimentales.
Dans les conditions audiovisuelle congruente (AVC ) et audiovisuelle incongruente (AVI ), le sujet dispose des informations auditive et visuelle pour répéter ce qu'il a compris. Il voit l'image et entend le son.
Dans la condition auditive (A), il dispose seulement de l'information auditive. L’image n’est plus visible (l’écran de l’ordinateur est tourné).
Dans la condition visuelle (V), il dispose uniquement de l'information visuelle. Le son est coupé.
Les trois conditions, AVC , A et V, sont présentées dans un ordre aléatoire. La condition AVI est présentée en dernier lieu afin de ne pas décourager les participants et pour ne pas découvrir la « supercherie » durant le test. La consigne est de répéter ce qui est compris dans les quatre conditions de l’épreuve. Pour les listes AVC , A et V nous réalisons deux types de correction – une lexicale et une phonémique – au moyen de grilles correctives, dont les résultats permettent d’établir un score.

Le cas de VD, âgé de 65 ans

VD est un homme de 65 ans, parfaitement bilingue (français et néerlandais). Il présente une surdité profonde bilatérale évolutive. Il est appareillé conventionnellement depuis l’âge de 57 ans. L’oreille droite (OD) s‘est dégradée moins vite que l’oreille gauche (OG). Il a bénéficié d’un implant cochléaire à l’OG en novembre 2017. Il garde sa prothèse conventionnelle à l’OD.

Lire la suite

Le DEWA et ses quatre conditions expérimentales ont été proposés au patient en pré-implantation, avec ses prothèses conventionnelles, et en post-implantation à 1, 3, 6 mois et 1 an.

En pré-implantation, le patient présente le meilleur résultat dans la condition AVC (le son et la vision concordent). Dans la condition AVI (le son et la vision ne correspondent pas), il présente autant de captures visuelles complètes (CVC) que de captures auditives complètes (CAC). En post-implantation, les résultats montrent une amélioration de la condition AVC, prouvant l’efficacité de l’implant cochléaire.
Globalement, entre le bilan pré-implantation et 1 an post implantation, le patient a amélioré ses performances intégratives, auditives et visuelles, parce qu’il a amélioré son audition.
L’utilisation d’un matériel enregistré permet un point de comparaison fiable lors des contrôles pour objectiver l’évolution du sujet. Le clinicien peut donc suivre un patient en vérifiant si ses performances auditives s’améliorent ou se détériorent en fonction de la durée du port de l’IC et de sa participation aux séances de logopédie.

Critères des mots utilisés pour la condition AudioVisuelle Incongruente (AVI)

DEwa
Détail des types de réponses possible au test DEWA.
La liste AVI comprend 20 mots monosyllabiques, dont la moitié est congruente, c’est-à-dire que l’auditif (mot entendu) concorde avec le visuel (mot labial) et l’autre moitié non congruente (par ex. : « biche/ bâche »). Les paires de mots choisis pour tester cet effet varient uniquement au niveau de leur première consonne ou voyelle. Les paires incongruentes et congruentes sont réparties de manière aléatoire. Les mots présentés en AVI comprennent des phonèmes reconnus dans la littérature pour donner un effet McGurk* ([b]-[g], [p]-[k], [m]-[n] et [a]-[i]). Par exemple, le son d'un mot contenant le phonème [b] est couplé avec la vision d'un mot contenant le phonème [g]. Les dix mots sont également présentés en modalité audiovisuelle congruente (AVC) afin que les sujets ne se rendent pas compte du « trucage ». Pour les dix mots présentés en condition AVI, la correction est qualitative et décrit le type de production (voir tableau).

Newsletter

Newsletter

La newsletter Audiologie Demain,

le plus sûr moyen de ne jamais rater les infos essentielles de votre secteur...

Je m'inscris