« Donnons aux audioprothésistes les moyens de faire leur métier correctement »

2021 coïncide pour la CDA avec un anniversaire, les 25 ans de sa création, mais marque également une nouvelle étape de son histoire, avec sa fusion avec Revaudio. L’occasion pour la centrale de se revendiquer comme la « première force indépendante » du secteur, à même de soutenir les audioprothésistes face aux enjeux du 100 % Santé. Entretien avec Marc Klein, directeur de la CDO/CDA.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Marc Klein directeur de la CDO CDA
Marc Klein, directeur de la CDO/CDA.

Audiologie Demain (AD) : La CDA fête cette année ses 25 ans. Où en est la centrale aujourd’hui dans le paysage audioprothétique français ?

Marc Klein (MK) : Cet anniversaire marque un tournant pour la centrale. Notre ambition affichée, au sein du groupe, est de monter en puissance sur l’activité audio. Cela passe par un développement fort, par une croissance organique mais aussi par le rachat d’acteurs sur le marché et par la structuration de notre centrale. Depuis sa création en 1996, la CDA était intégrée à la CDO et donc à une structure optique. Nos adhérents audioprothésistes veulent se retrouver avec des professionnels qui partagent leurs problématiques dans une entité qui leur soit totalement dédiée. Nous travaillons à finaliser cette réorganisation globale qui devrait être prochainement validée par notre conseil d’administration.

25 ans, cela coïncide pour nous avec l’affirmation de la CDA comme un acteur à part entière sur le secteur. Grâce à notre fusion récente avec le réseau Revaudio, nous représentons aujourd’hui 750 centres, ce qui nous confère la place de première centrale des audioprothésistes indépendants en France. Nous sommes ainsi en mesure de faire valoir leurs spécificités et de faire rayonner de manière encore plus forte ce mode d’exercice.

AD : Comment s’intègre la fusion avec Revaudio dans votre stratégie ?

MK : C’est avant tout le rapprochement de deux structures qui partageaient une philosophie commune. Cette fusion doit permettre d’allier le savoir-faire des deux centrales, dans un contexte concurrentiel fort. Il nous a en effet semblé opportun de nous rapprocher pour constituer une structure représentative, capable de soutenir les indépendants. Nous créons une entité à part entière, forte de l’apport des deux réseaux. Grâce aux synergies et aux atouts de chacun, nous nous enrichissons mutuellement pour être à même d’offrir un niveau de services des plus complets du marché. Nous avons profité de l’occasion pour nous remettre en question, réfléchir à nos orientations et redéfinir nos prestations. Ce n’est pas la juxtaposition de deux entités, mais bien la fusion de deux forces qui nous permet d’accroître notre empreinte sur le marché et de rapprocher plus encore la CDA des audioprothésistes indépendants. Il s’agit d’un premier pas. Nous représentons aujourd’hui 360 indépendants sur un millier environ, soit un tiers des audioprothésistes « libéraux ». Nous avons par conséquent passé un cap qui nous permet de peser davantage et nous donne une impulsion nouvelle. La prochaine étape pour nous est de convaincre les 10 à 15 % d’audioprothésistes qui ne sont encore affiliés à aucune structure de nous rejoindre.

AD : Quels sont vos arguments pour cela ?

MK : L’avantage en rejoignant la CDA, c’est de pouvoir conserver son indépendance, vivre sa diversité, sans rester isolé. Nous sommes là pour accompagner les audioprothésistes dans leur développement et accroître leur productivité. Nous travaillons aussi à susciter les vocations des salariés, à leur apporter les outils nécessaires à leur installation, à les aider dans leurs premiers pas et à en faire des chefs d’entreprise. Ce sont en général des professionnels très férus de technique mais ils manquent souvent de connaissances en matière de management, d’organisation, de communication, d’achats, de veille règlementaire... Notre centrale est structurée pour leur apporter le support dans tous ces domaines d’expertises et leur permettre d’exercer leur profession avec les bons outils. En définitive, nous proposons les mêmes services qu’une enseigne mais sans redevance. Nos services leur garantissent de pouvoir se consacrer à leur coeur de métier en gagnant du temps sur les tâches chronophages comme l’administratif, la gestion du tiers payant, les appels d’offres... Nous travaillons ainsi à déployer pour les audioprothésistes le service TP Cash, dédié à la gestion de la télétransmission des dossiers de facturation aux organismes payeurs et à l’avance de paiement à J + 2. Nous venons par ailleurs de lancer un programme de fidélité innovant, « Ouïe Love You », qui récompense les achats de nos adhérents, en leur donnant accès à toute une palette de services destinés à booster leur activité. Tous les achats transitant par la CDA leur permettent de gagner des points fidélité à dépenser dans la boutique en ligne Ouïe Love You où ils ont accès à un large choix d’actions marketing : mailing de relance patients, opération anniversaire, campagne de SMS, présence sur les réseaux sociaux…

Enfin, nous lançons, en juillet, notre label d’identification « Audioprothésiste de proximité » au travers duquel nos adhérents pourront communiquer sur ce qui fait leur force. En effet, ce qui caractérise l’indépendant, c’est cette proximité, à la fois géographique, dans son bassin de vie, en étant acteur de son écosystème et référent dans sa zone en matière d’audition. Mais, c’est aussi sa proximité avec ses patients, sa capacité à fidéliser et le fait d’être celui que l’on s’attend à voir quand on franchit la porte de son centre.

La prochaine étape pour nous est de convaincre les 10 à 15 % d’audioprothésistes qui ne sont affiliés à aucune structure de nous rejoindre.

AD : Vous intensifiez votre politique de recrutement. Comment qualifieriez-vous le marché aujourd’hui ?

MK : Très tendu. Depuis le début de l’année, les offres se multiplient de manière anarchique. Tout le monde cherche des audioprothésistes, y compris parfois dans l’Europe entière, pour ouvrir des centres et surtout des espaces dans des magasins d’optique. Il devient très difficile de recruter des collaborateurs de qualité. La croissance du marché explique cette frénésie. Le secteur a réalisé en un trimestre 50 % des ventes d’une année classique ! Si cette tendance s’installe, il ne suffira pas d’améliorer la productivité pour répondre correctement à l’afflux de patients du 100 % Santé. La situation nécessite-t-elle pour autant une révision du numerus clausus ? Probablement. On peut au moins s’en inquiéter et se poser la question mais il est très difficile aujourd’hui de prédire si cet effet de vague va se réguler ou non. On ne calibre pas les autoroutes sur le trafic du mois d’août, sinon elles feraient toutes douze voies. Il faut faire très attention à ne pas trop ouvrir les vannes non plus, comme cela s’est passé en optique, au risque de déprécier le diplôme. Il ne faut pas s’arrêter à la demande d’aujourd’hui et agréer n’importe qui à tour de bras… mais, plutôt avoir une vision à plus long terme et envisager des outils de régulation, permettant d’adapter le nombre de diplômés aux besoins réels et avec une exigence de qualité.

AD : Quel effet va avoir, selon vous, le 100 % Santé sur la structuration du marché ?

MK : Tout va dépendre du comportement des audioprothésistes. La réforme du 100 % Santé est une aubaine si elle sert de tremplin aux professionnels pour valoriser leur expertise au travers de solutions personnalisées. Mais elle peut aussi induire une forme d’opportunisme de la part de certains acteurs qui vont jouer la carte du volume et multiplier les centres en trouvant des dépositaires du diplôme pour vendre de la classe I... Si on n’appareille pas en fonction des pathologies ou des besoins, si on abandonne le patient en cours de route sans un suivi de qualité, c’est une perte de chance. On ne peut pas considérer les patients « à l’économie » sous prétexte que l’aide auditive choisie coûte moins cher. Il n’y aura pas d’observance et de telles pratiques se solderont par des patients déçus et des aides auditives dans le tiroir.

De même, il ne faudrait pas que la baisse du panier moyen due à la classe I amène les audioprothésistes en quête de productivité à négliger toute la part entrepreneuriale de leur métier, comme par exemple la télétransmission du suivi. Nous sensibilisons nos adhérents à ces obligations et nous leur fournissons les outils pour pouvoir se concentrer sur leur coeur de métier et négocier sereinement ce virage.

Par ailleurs, une volumétrie en progression de la classe I pourrait impacter les fournisseurs en provoquant une érosion de leurs marges. Ceci pourrait avoir des répercussions sur leurs offres de services, ou leurs investissements en France. Il est important de maintenir une certaine stabilité du mix produits à la fois d’un point de vue de la qualité de l’appareillage pour les patients et du point de vue de l’équilibre économique de tout le secteur.

AD : Comment éviter ces écueils ?

MK : Une des solutions est de garantir un niveau de remboursement des appareils de classe II au moins équivalent à celui des appareils de classe I. Cela assurerait aux patients une véritable liberté dans le choix de leur appareillage. Il est important que chacun puisse bénéficier de l’appareil le plus adapté à sa pathologie, à ses besoins, à son profil. Sans cela, nous risquons de voir le taux de satisfaction des personnes appareillées en France baisser drastiquement. Ce n’est pas l’esprit de la réforme. Il faut donner aux audioprothésistes les moyens de faire leur métier correctement.

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