L’entente cordiale qui a prévalu le temps de mener à bien les négociations du 100 % santé se fissure et les différences redeviennent clivantes. L’unité laisse place aux repositionnements à l’aune de la nouvelle réforme et, s’il est parfaitement légitime d’affirmer ce qui nous distingue et nous définit, il est bon de ne pas oublier ce qui nous rassemble. En effet, bien que la réforme soit sur des rails, il reste des questions dont la résolution nécessite encore des acteurs du secteur qu’ils se coordonnent et parlent d’une même voix.
Alors que l’arrêté du 14 novembre 2018 a vocation à améliorer l’accès aux soins auditifs, il semble bien que l’on s’achemine vers une contradiction. La réforme soulève une problématique cruciale : y a-t-il aujourd’hui suffisamment de spécialistes pour réaliser les bilans nécessaires au diagnostic de la surdité et, si besoin, pour prescrire l’appareillage auditif ?
Annoncée depuis une quinzaine d’années, la pénurie de spécialistes aptes à réaliser des explorations fonctionnelles commence à se faire sentir. Pour preuve, notamment, l’engorgement des services hyper spécialisés comme le service ORL de l’hôpital Necker-Enfants Malades. La Dr Natalie Loundon et le Pr Noël Garabédian tirent la sonnette d’alarme et insistent sur l’urgence de la situation, déplorant des cas d’enfants diagnostiqués trop tardivement... Cinq ans après la mise en place du dépistage néonatal systématique, ces pertes de chance représentent un pas en arrière, qu’un pays développé ne devrait pas tolérer.
Plusieurs pistes existent. Certaines moins réalistes que d’autres compte tenu de l’urgence du problème. Révision de la maquette de formation des ORL, création d’un corps intermédiaire d’audiologistes, délégation de compétences, assistants médicaux… Leur point commun : elles nécessitent toutes que l’ensemble des acteurs se mettent autour de la table pour repenser l’organisation de la filière auditive. Et gageons que c’est en se concentrant sur ce qui les rapproche que les professionnels du secteur parviendront à répondre à l’impératif d’une prise en charge sans délai et sans « trous dans la raquette », afin que tous, du nouveau-né au senior, puissent bénéficier de la même qualité de soins.