18 Novembre 2025

« Entendre appartient à ses adhérents »

Entendre défend une vision singulière dans le monde de l’audioprothèse : celle d’une coopérative détenue par ses adhérents, au service de leur indépendance. Face au développement des grands réseaux, le groupement mise sur la liberté, la pérennité et le collectif pour attirer une nouvelle génération d’audioprothésistes. Entretien avec Nicolas Tribut, son président, dans les locaux flambant neufs que l’enseigne a inaugurés fin septembre.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Nicolas Tribut
Nicolas Tribut, président d’Entendre

Qu’est-ce qui distingue Entendre des autres réseaux en France ?

Entendre est une coopérative d’audioprothésistes indépendants. Cela signifie que l’enseigne appartient à ses adhérents. Ceux-ci sont à la fois actionnaires et décideurs : ils participent aux orientations stratégiques via un conseil d’administration exclusivement composé d’audioprothésistes diplômés. Le groupement tire sa force de cette gouvernance collégiale, qui s’incarne dans le principe « une personne, une voix ». Chaque membre peut s’impliquer, faire entendre sa voix et contribuer à l’avenir de l’enseigne. Surtout, c’est un modèle pérenne : une coopérative ne peut pas être vendue...

Quels sont les avantages concrets de rejoindre une coopérative ?

La liberté avant tout ! Les adhérents Entendre choisissent librement leurs fournisseurs. Tous les fabricants sont référencés à des prix compétitifs, grâce au travail de Laurent Cros. Les audioprothésistes ont ainsi la garantie de pouvoir faire le meilleur choix pour leurs patients. Nous n’intervenons jamais pour leur dire avec qui travailler. Le fait de ne pas être lié à une marque est souvent une motivation importante pour nous rejoindre.

En parallèle, la coopérative propose plus d'une centaine de services : communication, formations, assistance juridique, logiciels métier, gestion des mutuelles, et même aide au recrutement. C’est considérable. Notre objectif est de faire gagner du temps à nos adhérents, pour leur permettre de se consacrer à leur cœur de métier. Finalement, une coopérative, c'est un peu une organisation d'intégrés mais au service de l'entrepreneuriat individuel. Nous proposons pratiquement les mêmes avantages mais avec la liberté d'en disposer ou non.

Malgré cela, nos cotisations restent modestes – 0,6 % du chiffre d’affaires plus 200 € par centre et par mois – et les excédents peuvent être redistribués aux coopérateurs. C’est un modèle particulièrement actuel et vertueux.

Enfin, adhérer à une coopérative permet de ne pas se sentir isolé dans sa pratique. Notre mission est de permettre à chaque audioprothésiste de rester libre et économiquement solide, tout en lui faisant bénéficier de la force et des atouts d’un collectif.

Est-ce un modèle qui attire les jeunes audios ?

Oui, et de plus en plus ! Beaucoup découvrent Entendre dès leurs études, via un stage ou un proche adhérent. Le parcours est souvent le même : stage, embauche, puis installation et adhésion. Quand nous échangeons avec les étudiants, nous pouvons constater qu’environ 75 % souhaitent un jour s’installer. Pas forcément tout de suite, mais c’est une profession où le désir d’entreprendre est chevillé au corps. L’âge médian au sein du groupement est de 45 ans – et ce depuis cinq ans. 17 % de nos membres ont moins de 35 ans et 27 % moins de 45 ans. Sur les dix-huit derniers mois, nous comptons parmi nos nouveaux adhérents, une dizaine d'audioprothésistes de moins de 30 ans.

Ce dynamisme, nous le devons à une communication modernisée – sur les réseaux sociaux, via nos vidéos-portraits d’adhérents ou encore le challenge inter-écoles avec Mac Lesggy – et à une présence accrue dans les écoles.

Une coopérative, c'est un peu une organisation d'intégrés mais au service de l'entrepreneuriat individuel.

Les indépendants sont les cibles privilégiées de l’appétit des grandes chaines. Est-ce un modèle en danger ?

Le marché reste composé à 40 % par les indépendants. Il y aura toujours de la place pour des audioprothésistes qui exercent leur métier comme des professionnels de santé. L’indépendant dispose d'atouts essentiels : la stabilité, l'ancrage local et la réputation, des valeurs auxquelles les patients – et les médecins – sont sensibles.

Certes, nous avons connu quelques rachats mais nous parvenons toujours à réinstaller, avec succès, des centres Entendre dans les zones concernées. En tant que coopérative, nous n’avons pas vocation à posséder des centres ; notre mission, c’est d’accompagner nos adhérents, dans les installations ou les reprises.

L’indépendant est par nature agile. Il s'adapte aux problématiques locales, s’appuie sur sa réputation. Au contraire d'un centre intégré ou succursaliste, il n’a pas de grille tarifaire à respecter ou des parts de marché à réaliser chez tel ou tel fabricant...

Enfin, nous encourageons aussi la transmission progressive des laboratoires, une alternative vertueuse à la vente à un réseau intégré ou succursaliste et qui incarne bien l’objectif de pérennité de notre modèle.

Quels sont les axes de développement de la coopérative ?

Nous visons les 400 centres d’ici deux ans (contre environ 350 aujourd’hui, NDLR). Pour cela, nous avons recruté, il y a dix-huit mois, Guillaume Bichet, afin de développer le réseau aux côtés de Sébastien Léty. Longtemps centrés sur la croissance interne, nous misons désormais aussi sur le développement externe. C'est pour nous un axe stratégique.

Pour cela, nous facilitons les installations grâce à des exonérations de cotisation, des aides à l’achat ou à la reprise, et proposons un accompagnement financier personnalisé. L’objectif : lever les freins à l’indépendance et grandir, sans perdre notre esprit collectif.

Quelle implantation privilégiez-vous ?

Nous sommes présents sur l’ensemble du territoire et notamment dans la plupart des grandes villes. Les habitudes changent : les emplacements « numéro 1 » en centre-ville sont devenus couteux et moins accessibles pour nos patients. La tendance est aux implantations de proximité, souvent en périphérie, près des pharmacies ou dans les zones commerciales, avec un parking. Et l’expérience montre que la patientèle suit.

Nous défendons les centres exclusifs – qui répondent selon nous à des exigences de service et de qualité –, pas les corners dans les magasins d’optique. Ce sont deux métiers différents.

À quelles difficultés les indépendants sont-ils confrontés aujourd’hui ?

La période est complexe. Les mauvaises pratiques et les fraudes contribuent à brouiller l’image du métier et créent un sentiment d’injustice chez les audioprothésistes. Ils ont l’impression de ne pas jouer à armes égales. Mais avec le temps, le tri se fait. Les patients savent reconnaitre la compétence et l’éthique professionnelle.

La règlementation nous protège mais elle suscite une surcharge de travail administratif dans les centres. D'où l’intérêt d’adhérer à une enseigne qui assure la veille règlementaire, la formation des équipes et fournit les outils de mise en conformité.

Les audioprothésistes doivent aussi composer avec les réseaux de soins et les mutuelles. C’est parfois complexe, mais inévitable. L’essentiel est de garder la maitrise de notre pratique.

Pour ou contre un ordre des audios ?

La profession est partagée, mais j'y suis plutôt favorable. Il nous faut une instance capable de sanctionner les dérives. Un ordre permettra aussi de contrôler l’afflux de diplômés formés à l’étranger ou d’imposer un contrôle des connaissances.

En contrepartie, cela impliquera sans doute de redéfinir les rôles respectifs du syndicat et du collège, et nous imposera de nous acquitter de cotisations obligatoires.

Comment vous assurez-vous de l’éthique de vos adhérents ?

Pour rejoindre la coopérative, il faut être audioprothésiste diplômé d’État ou être autorisé à exercer. Nos coopérateurs s'engagent en outre à respecter la réglementation même si nous n’avons pas vocation à les contrôler et cela est spécifié dans notre contrat d’enseigne.

D’une manière générale, les adhérents d’Entendre sont plutôt bons élèves et ont envie de bien faire. Pour preuve, 90 % ont validé leurs obligations DPC.

La menace de la dissociation plane. Quelles pourraient être les conséquences pour les indépendants ?

On ne sait pas encore si cela s’appliquera à l’audioprothèse. Toutefois, une dissociation entre l’appareil et le suivi fragiliserait l’économie des centres et réduirait l’observance. Nous passons beaucoup de temps avec nos patients, y compris pour résoudre des problèmes de connectivité, pour nettoyer des appareils... Si le suivi devient payant, certains ne reviendront plus et les appareils finiront dans les tiroirs.

Le modèle français fonctionne bien aujourd’hui, avec un taux de satisfaction élevé. Il faut consolider le système, pas le déstabiliser. Mieux vaudrait encadrer la publicité et renforcer les outils d’évaluation de la qualité, comme les questionnaires de satisfaction que nous attendons depuis la mise en place du 100 % Santé...

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