Nous trouvons le centre de recherche d’Oticon, à 50 kilomètres du siège, près de la ville d’Elseneur (Helsingør), au Nord-Est de l'île de Seeland, au Nord de Copenhague au Danemark. Niché au coeur d’un décor bucolique, dans un complexe adossé à un manoir des années 1960-1970, Eriksholm est un lieu unique, dédié aux sciences auditives appliquées. Ouvert en 1977, il abrite aujourd’hui une équipe multidisciplinaire d’une cinquantaine de chercheurs et d’audiologistes venus du monde entier – il y cohabite douze nationalités différentes –, qui travaillent avec plus de 300 patients, également pris en charge gratuitement par des audiologistes sur le site. Ce centre hors norme – à michemin entre le monde académique et celui de l’industrie – collabore avec un réseau d’universités et d’hôpitaux du monde entier, participant activement à faire progresser l’audiologie au niveau international. Bien que partie intégrante du département R&D d’Oticon, Eriksholm fonctionne en totale indépendance. Une liberté qui lui permet de mener des recherches à long terme et d'imaginer les aides auditives qui seront développées demain par le fabricant. « Nous faisons partie du pipeline d'innovation d’Oticon mais nous restons complètement distincts du marketing, ce qui permet à nos chercheurs d’être créatifs et d’explorer librement de nouveaux concepts. Nous travaillons 5 à 10 ans – et parfois davantage – en amont des produits et bien que nos travaux participent à l’innovation technologique, une grande partie vise plutôt à améliorer les connaissances sur l’audition », nous explique James Harte, le directeur du centre Eriksholm.
C’est James Harte et Dorothea Wendt, directrice de la stratégie de recherche du groupe et l’une des chercheuses principales d’Eriksholm, qui nous dévoilent les coulisses du centre. « Chaque chose que nous faisons commence et finit avec les patients, explique James Harte. Chacun de nos projets doit bénéficier un jour à une personne malentendante. Ce que nous faisons à Eriksholm est de la recherche translationnelle, appliquée. Nous laissons les aspects fondamentaux aux universités et nous nous appuyons sur leurs travaux. » « La philosophie d'Oticon est "nous entendons avec nos oreilles, mais nous écoutons avec notre cerveau, poursuit le chercheur. La surdité est bien plus qu’un simple déficit sensoriel. Nous devons donc comprendre le comportement humain, les processus cognitifs et l'interaction de la technologie avec tous ces éléments. Comment pouvons-nous mieux réhabiliter la déficience auditive individuelle de quelqu'un avec la technologie, par une compréhension plus large de la surdité et ses conséquences, par une meilleure compréhension de la cognition auditive ? »
Les têtes chercheuses d’Eriksholm explorent quatre principaux domaines de recherche :
- l’audiologie personnalisée. « Pour cela, il y a deux moyens, explique James Harte. Soit on comprend mieux la perte d’audition des patients, soit on essaie de mieux caractériser leurs besoins. L'objectif, c’est que les patients soient satisfaits de leurs aides auditives le plus rapidement possible. On sait qu’ils le sont en général après deux ou trois rendez-vous de réglages, mais pour certains, il en faut beaucoup plus. Il faut parvenir à comprendre ce qui ne va pas pour ces patients. » Pour cela, le datalogging, est précieux. « On peut par exemple donner la possibilité à un groupe d’utilisateurs de changer les paramètres et les réglages de leurs aides auditives, tout en obtenant les informations sur le moment où ils font ces changements », précise-t-il. L’analyse de toutes ces données permettra ensuite de proposer des solutions adaptées à chaque utilisateur.
- la science cognitive de l’audition dont est issue l’approche BrainHearing de la marque. « C’est un champ de recherche très important pour nous, et ce, depuis des années », commente James Harte. Une partie est consacrée à l’effort d’écoute, dont Dorothea Wendt, est une experte. « Lorsque j’ai rejoint le groupe il y a dix ans, le concept d’effort d’écoute et la pupillométrie étaient relativement nouveaux, constatet- elle. Aujourd’hui, ce sont des éléments plutôt bien établis et qui ne sont plus vraiment questionnés. » Les chercheurs veulent notamment découvrir quelles sont les ressources nécessaires pour suivre une conversation, et si les individus sont prêts à faire cet effort ou bien si l'effort requis les pousse à se désengager. « Et aussi, comment peut-on aider les gens, par exemple, en leur donnant la possibilité de suivre leur investissement cognitif au cours de la journée », illustre la chercheuse.
- le décodage des intentions, qui vise à comprendre et prédire les comportements de communication des utilisateurs, la façon dont ils interagissent avec leur environnement, via différents capteurs physiologiques (EEG, EarEEG, pupillométrie, regard, rythme cardiaque...). La mise au point d’Oticon Intent a ainsi été permise par les découvertes des chercheurs d’Eriksholm. « C’est le début d’un long voyage », s'enthousiasme James Harte. L’objectif des travaux qui y sont menés est de développer des aides auditives capables de prédire quels sons de leur environnement sont importants pour les utilisateurs, de les rendre « plus conscientes du contexte sonore et de l’intention ».
- l’intelligence artificielle. C’est le « new kid on the block », selon les mots de James Harte, le champ de recherche le plus récent à Eriksholm et celui sur lequel se concentrent le plus gros des investissements. « L’IA ouvre tant de nouvelles voies », commente le chercheur. Deux axes sont poursuivis : optimiser les systèmes auditifs grâce à l’apprentissage machine et une base de 6 millions d’audiogrammes pour fournir le bon son au bon moment ; améliorer la précision des diagnostics et des adaptations des professionnels de l’audition grâce à l’audiologie computationnelle.