À la sortie des épreuves classantes, vous auriez pu opter pour n’importe quelle spécialité. Pourquoi avoir choisi la voie de l’ORL ?
Déjà pour une raison familiale : mon père est ORL au Maroc, et donc j’ai été forcément sensibilisée à cette spécialité, même s’il m’avait conseillé de ne pas la choisir ! En fait, ce qui m’a attirée dans l’ORL, c’est que c’est une spécialité très large qui offre beaucoup de possibilités, d’activités différentes comme la microchirurgie, la chirurgie endoscopique, la chirurgie cervicale, etc. Et puis, j’ai eu un coup de foudre pour l’oreille en particulier au tout début de mon internat. J’ai réalisé mon premier stage à l’hôpital Saint-Denis, où le chef de service ne faisait que de l’oreille, et j’ai tout de suite trouvé qu’il s’agissait d’une belle chirurgie, extrêmement précise. Puis, c’est à l’occasion de mon internat dans le service du Pr Sterkers que j’ai pleinement embrassé l’otologie.
Votre activité de recherche à l’Institut de l’audition est sur le point de déboucher sur quelque chose d’historique !
En effet, nous arrivons à un moment charnière. Je travaille dans l’équipe de Yann Nguyen et Saaid Safieddine, et nos travaux ont un objectif translationnel : il s’agit de développer des thérapies géniques pour les surdités d’origine génétique. On connaît de plus en plus de gènes responsables de surdités génétiques isolées : 134 ont été identifiés jusqu’à présent. Chaque découverte permet d’avancer dans la compréhension du rôle du gène et donc des pathologies de l’oreille interne.
Dans l’équipe, nous travaillons sur deux pathologies : le syndrome d’Usher de type I et la surdité DFNB9. Pour le premier, nous avons montré que la thérapie génique restaure totalement l’équilibre et en partie l’audition [1]. Nous travaillons sur l’amélioration de la restauration auditive et nous essayons d’appliquer la thérapie sur des souris un peu plus âgées, afin que ce soit transférable chez l’homme, car il y a un décalage développemental entre l’humain et la souris.
Sur DFNB9, nous sommes plus avancés car la pathologie est plus simple : c’est une mutation qui désactive une protéine sur les cellules ciliées internes, qui restent intactes par ailleurs. Nous avons également montré qu’il était possible de restaurer l’audition même si la thérapie génique est apportée tardivement, vers 30 jours de vie – ce qui correspond à un enfant de 3-6 ans chez l’humain [2]. Donc ça fonctionne chez la souris et c’est transposable à l’humain !
Aujourd’hui, on est au stade de l’adaptation de la thérapie, du vecteur et de la voie d’administration, afin de mettre en place l’essai clinique. C’est le projet le plus proche d’aboutir et, dans les deux ans, si nous obtenons bien les autorisations, nous pourrons administrer ce traitement chez l’humain. C’est un super moment parce qu’on sent qu’on avance. Des thérapies vont bientôt arriver pour les patients, c’est quand même génial !
Vous recevez par ailleurs des patients atteints de surdités génétiques à la Pitié-Salpêtrière.
Oui, c’est un domaine qui m’intéresse vraiment. En collabortion avec la Dr Sandrine Marlin, qui accueille les enfants à Necker, j'ai une consultation dédiée à ces patients adultes. Je fais le bilan avec eux. C’est en lien étroit avec ce qu’on essaie de développer à l’Institut de l’audition. Aujourd’hui, on parvient à établir un diagnostic précis de la cause de leur pathologie. Et notre objectif est de parvenir à leur apporter un traitement spécifique qui va cibler leur surdité, un matériel génétique qui va résoudre le problème localement.
Vous menez également des activités de recherche clinique. En quoi cela consiste ?
Je suis responsable d’un projet qui va bientôt débuter au sein du Centre de recherche en audiologie de la Pitié-Salpêtrière dirigé par la Dr Isabelle Mosnier, qui consistera à évaluer le bénéfice d’une implantation cochléaire robotisée par rapport à une implantation classique, notamment en ce qui concerne la compréhension dans le bruit [3]. Nous pensons en effet qu’une insertion atraumatique provoque moins d’inflammation intracochléaire, ce qui permet une meilleure transmission électrique. L’objectif à terme est de réunir les deux projets car l’administration des thérapies géniques chez l’humain doit être la moins invasive possible, et elle nécessitera peut-être l’utilisation du robot pour la mise en place du cathéter.