Tout travail mérite salaire. Cet adage n’est visiblement pas universel. Dans le secteur du paramédical, les étudiants qui réalisent des stages tout au long de leur cursus ne reçoivent pour cela aucune rémunération ni aucune gratification. Quant aux indemnités, elles ne sont pas obligatoires. Une exception à laquelle la Fnéa aimerait bien mettre un terme. Dans une interview que nous a récemment accordée son président, Josselin Masset, il expliquait : « Nous proposons la mise en place d’une indemnité obligatoire et normée qui permettrait aux étudiants un plus large choix dans le lieu de stage. Les frais engendrés pour les déplacements, le logement et la restauration ne devraient pas être des freins. Un taux horaire pourrait ainsi être calculé sur la base de coefficients définis en fonction de l’année d’étude et du nombre d’heures effectuées. » Aujourd'hui, aucune démarche concrète n’a été réalisée dans ce sens. « Nous avons simplement inséré ce souhait dans notre contribution à la réingénierie de la formation », détaille le futur audioprothésiste. Et pour cause, la réingénierie reste aujourd’hui le dossier prioritaire de la Fnéa.
Pas de bénéfice, pas de gratification
Mais pourquoi les étudiants paramédicaux ne perçoivent-ils pas de gratification ? La loi Égalité des chances de 2006 en avait instauré l’obligation pour tout stage supérieur à une durée de 2 mois. Elle s'élevait à environ un tiers du smic. Dans le secteur de l’audio, comme le rapportait l’audioprothésiste Xavier Delerce dans un billet de blog de 2009, cela avait « provoqué une certaine raréfaction des offres de stages ».
Mais en 2009, la loi HPST venait exclure les étudiants et élèves auxiliaires médicaux de cette disposition. La raison ? Le stage n’a pas « pour effet d'accroître l'activité rémunérée de ces praticiens [les maîtres de stage] ». Et puisque le maître de stage ne peut pas obtenir de bénéfice financier de la présence de son stagiaire (ce qui reste à démontrer), le législateur a considéré qu’il n’y avait donc aucune raison pour que le stagiaire perçoive une rémunération ou une gratification. Une vision que conteste Josselin Masset : « Sur le papier, c’est vrai, mais dans les faits, c’est différent. Certes, nous ne sommes pas autonomes pour appareiller – nous n’en avons pas le droit – mais nous le sommes pour certaines tâches, comme l’entretien des appareils, la prise en charge de certaines pannes, les prises de rendez-vous, l’accueil des patients... Le stagiaire peut libérer du temps et contribuer à l’optimisation du planning de l’audioprothésiste et de son équipe. »
Il ne faut pas que le choix du terrain de stage d’un étudiant soit influencé par le montant des indemnités qu’il pourrait toucher.
Josselin Masset, président de la Fnéa
En 2011, la loi Cherpion semait le doute en généralisant la gratification à tous les étudiants. Mais une circulaire de 2012 venait confirmer l'exception paramédicale. « Cette exclusion des stagiaires paramédicaux du champ de la gratification continue à s’appliquer », pouvait-on notamment y lire. Au SDA, on n’est pas favorable à la gratification des stagiaires. « Cela ferait passer la relation formateur-formé, à une relation employeur-employé, explique Brice Jantzem, président du syndicat. Ce qui aurait pour conséquence d’inciter les étudiants à choisir leur maître de stage en fonction de la rémunération et non de leurs qualités. » En outre, pour Brice Jantzem, si la gratification devait être instaurée, il ne faudrait pas qu’elle soit à la charge de l’audioprothésiste.
En revanche, le SDA ne s’oppose pas à une indemnisation pour les contraintes liées à l’accomplissement du stage, ce qu’autorise d’ailleurs la loi. « C’est ce que font certains maîtres de stage audioprothésistes, commente Brice Jantzem, en remboursant le logement sur la base des quittances de loyer, par exemple. » Pour Josselin Masset, tout le monde doit être logé à la même enseigne : « Il ne faut pas que le choix du terrain de stage d’un étudiant soit influencé par le montant des indemnités qu’il pourrait toucher. Et il ne faut pas que le facteur financier empêche un étudiant de s’orienter vers un maître de stage qui correspond à la spécialité qu’il souhaite, comme la pédiatrie. Certaines filières ont déjà mis en place de tels systèmes d’indemnités, avec des indicateurs pour chaque année... Les choses sont bien bornées. »Haro sur les indemnités
En effet, plusieurs professions de santé se sont engouffrées dans la brèche des indemnités. Ainsi, depuis un accord de 2007, les futurs pharmaciens touchent pour leur stage de 6e année (d’une durée de 6 mois à temps plein), une indemnité de 55 fois le taux horaire du smic par mois. Soit environ 600 €. Les infirmiers ne sont pas aussi bien traités : leur indemnité s’élève à 36 € par semaine de stage (sur une base de 35 h de travail par semaine, soit un peu plus d’un euro de l’heure), en première année, 46 € par semaine en 2e année, et 60 € par semaine en 3e, auxquels il faut ajouter les remboursements des frais de transport. Les kinésithérapeutes bénéficient grosso modo du même traitement, qui correspond donc à environ 250 € par mois.
On est ici très loin du tiers du smic de gratification des autres secteurs. Mais c’est toujours mieux que rien. Et pour les élèves pour lesquels l’obstacle financier serait trop grand, il est aussi possible de suivre la voie de l’apprentissage.