Guillaume Flahault : « C’est ensemble que nous pourrons dégager le meilleur de nos pratiques afin qu’elles soient appliquées par tous »

Impact de la crise sur le secteur, mise en place du 100 % Santé, négociations de conventionnement avec les complémentaires, bonnes pratiques… Guillaume Flahault fait le point de l’actualité de rentrée du Synea.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Guillaume Flahault, président du Syndicat national des entreprises de l'audition
Guillaume Flahault, président du Syndicat national des entreprises de l'audition

Audiologie Demain (AD) : Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur les entreprises du secteur ?

Guillaume Flahault (GF) : Nous n'avons pas suffisamment de recul pour faire un chiffrage complet à l'échelle de la profession. Avec un niveau de ventes à -30 % en cumul à fin juillet, l'année se terminera probablement avec une baisse du chiffre d’affaires à deux chiffres et donc un impact négatif en termes de rentabilité, malgré les mesures d'accompagnement du gouvernement, comme le chômage partiel en particulier. Le contexte sanitaire de la rentrée et l'attentisme de fin d'année lié au 100 % Santé risquent d’aggraver la situation économique du secteur.

AD : À quelques mois de la mise en place du 100 % Santé, quelles sont les propositions du Synea pour accompagner les entreprises d’audioprothèse ?

GF : Le suivi de la réforme est bien entendu au cœur de nos discussions avec le ministère de la Santé. Une réunion du comité de suivi du 100 % Santé, présidée par Olivier Véran, est prévue le 15 septembre. L'audioprothèse sera particulièrement à l'honneur. À l’occasion de ces échanges, nous souhaitons mettre en avant un certain nombre de propositions afin de soutenir les entreprises du secteur. Ainsi, nous demandons qu’elles bénéficient d’un allègement des charges et que la durée de l’essai des renouvellements soit libre. De même, nous souhaitons que le plafond de remboursement des aides auditives pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire soit remonté à 950 euros, contre 800 euros à l’heure actuelle, et que soit prolongée jusqu’au 31 décembre 2022 la prise en charge des renouvellements entre deux et quatre ans. Enfin, nous réclamons que l’année de référence pour le calcul du seuil de marché soit repoussée à 2022.

Outre ces propositions, nous souhaitons pousser un certain nombre de mesures structurelles d’amélioration de l’accès aux soins auditifs comme le maintien de la primo-prescription par les médecins généralistes tant que le nombre de praticiens formés à l’otologie médicale ne sera pas suffisant, l’adaptation de la réglementation en matière de télé-audiologie pour favoriser l’accès aux personnes en perte d’autonomie et l’organisation d’une campagne annuelle de repérage des troubles de l’audition des personnes de plus de 60 ans dès 2021. Nous demandons par ailleurs l’alignement a minima des remboursements par les complémentaires des appareils de classe 2 sur les appareils de classe 1. C’est une mesure prioritaire à nos yeux qui doit permettre de garantir la liberté de choix des patients mais également l’équilibre financier de la profession. Nous avions pour cela signé en 2019 un accord tripartite avec Kalixia et Harmonie Mutuelle afin d’instaurer un même niveau de remboursement pour les classes 1 et 2.

AD : Que pensez-vous du recueil de bonnes pratiques publié par le SDA en juillet ?

GF : Le Synea est très favorable à la mise en place de règles communes de bonnes pratiques. C’est une nécessité, a fortiori pour une profession de santé telle que la nôtre dont une partie des prestations est prise en charge par la communauté. Fin 2016, nous avions d’ailleurs corédigé avec le SDA, ex Unsaf, le Synam et le Collège national d’audioprothèse, une charte de bonnes pratiques, « Les dix engagements de l’audioprothésiste », affichée dans l’ensemble des centres que nous représentons. Ce document mérite aujourd’hui d’être actualisé et enrichi pour tenir compte de la mise en œuvre du 100 % Santé, de la crise sanitaire et des évolutions réglementaires. Mais, pour qu’il puisse être appliqué par l’ensemble de la profession, il doit être établi en concertation avec l’ensemble des acteurs. Un seul syndicat ne peut se substituer aux entreprises pour émettre de nouvelles règles communes. Plus de 50 % des centres d’audioprothèse sont tenus par des salariés pour lesquels les règles des sociétés qui les emploient s’appliquent.

AD : Quelle est notamment la position du Synea concernant la communication et l’exercice hors centre, deux sujets qui font l’objet d’articles dans le recueil du SDA ?

GF : Les appareils auditifs ne sont pas des biens de consommation. Nous sommes bien sûr favorables à une communication responsable, respectueuse en termes d’éthique et soucieuse de transparence. Pour autant, nous sommes conscients que la publicité, bien encadrée, s’est avérée très bénéfique pour notre profession en contribuant à améliorer son image et sa notoriété auprès du grand public et en participant à la démocratisation de l’appareillage auditif. S’il y a des pratiques illégales, ce n’est pas la responsabilité d’un syndicat de les sanctionner. Des instances, l’ANSM et la DGCCRF, ont pour rôle le contrôle de la publicité concernant les dispositifs médicaux et le respect des pratiques.

Concernant l’exercice hors du centre, il pose la question de l’accès aux soins auditifs des personnes en perte d’autonomie. À cet égard, il est important de faire évoluer la réglementation en vigueur en termes de prescription et de conditions d’exercice en dehors du local mais cette discussion doit s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la prévention de la perte d’autonomie et le repérage des troubles de l’audition à partir de 60 ans. Il faut sensibiliser le grand public sur l’importance de la prise en charge précoce de la perte d’audition et l’apport thérapeutique de l’appareillage. En outre, il est important de poursuivre l’amélioration de l’accès aux soins auditifs. La réforme a permis de régler la question du renoncement aux soins pour raisons financières. Il reste néanmoins 800 000 malentendants en perte d’autonomie, dont 250 000 malentendants présentant une perte moyenne à sévère. Il faut donc améliorer les services rendus à ces personnes en renforçant les capacités d’intervention des audioprothésistes, tout en garantissant sécurité et qualité de l’appareillage auditif.

AD : Début juillet, l’Unsaf a changé d'identité pour devenir le Syndicat des audioprothésistes (SDA) et a revendiqué à cette occasion une représentativité de tous les audioprothésistes. Que défend le Synea ?

GF : Le syndicat national des entreprises de l’audition fédère onze enseignes d’audioprothèse, soit environ 2 800 centres animés par près de 1 700 audioprothésistes. Nous constituons ainsi l’une des trois organisations représentatives du secteur aux côtés du SDA et du Synam. Bien sûr, chacune a ses spécificités mais il ne devrait pas y avoir d’opposition entre les différentes composantes de la filière. Au sein du Synea, nous sommes habitués à représenter toutes les sensibilités qui nous constituent, grandes entreprises, succursalistes, franchisés et indépendants, et chacune est légitime. Il est important de ne pas tomber dans les luttes picrocholines et, au contraire, d’afficher un front uni pour être efficaces et crédibles dans le cadre des négociations de conventionnement avec la Cnam notamment. C’est également ensemble que nous pourrons ainsi dégager le meilleur de nos pratiques communes afin qu’elles soient appliquées par tous.

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