La 21e Semaine du son ausculte notre cerveau

À Paris, puis dans une quarantaine de villes françaises et une vingtaine de pays, la 21e édition de la Semaine du son proposait du 15 au 28 janvier de nombreux événements. L’occasion d’alerter sur le déferlement de pathologies auditives liées à un usage excessif du son compressé.

Par Violaine Colmet-Daâge
JJW SdS UNESCO

Manoukian Pasdeloup

Deux parrains réunis sur scène pour lancer la Semaine du son

Le jazzman André Manoukian (photo) et l’orchestre Pasdeloup (photo), les deux parrains de cette 21e édition, étaient réunis sur scène le 15 janvier, au siège de l'Unesco, à Paris, pour la soirée inaugurale. Dirigés par la cheffe d’orchestre Mélanie Levy-Thiébaut (photo), ils ont proposé un répertoire varié, allant du gospel au rap, en passant par le jazz ou le chant lyrique, en compagnie de la violoncelliste Camille Thomas, de la chanteuse lyrique Mariamielle Lamagat et du rappeur Baloji. Cet événement a également lancé les célébrations pour le 30e anniversaire du projet Routes des personnes mises en esclavage de l’Unesco à travers la performance musicale afro-caribéenne de la chanteuse Maë Defays, et ses musiciens.

Sensibilisation, réglementation : les deux volets de la prévention

Shelly Chadha
À l’occasion de la soirée dédiée à la santé auditive, organisée le 17 janvier au ministère de la Santé, la Dr Shelly Chadha (photo), de l’OMS, a rappelé qu’un quart de la population mondiale (soit 2,5 milliards de personnes) souffrira d’une déficience auditive, à des degrés divers, d’ici 2050. Parmi elles, 700 millions auront besoin de soins auditifs. Il est donc essentiel de prévenir les comportements à risque et de mieux encadrer la diffusion. Après avoir produit une série de recommandations destinées aux lieux festifs, via l’initiative Make listening safe, l’OMS s’attelle désormais à déterminer les standards pour la pratique des jeux vidéo, qui séduisent quelque 3 milliards de personnes à travers le monde. Selon une récente étude [1], les jeux vidéo sont une source « fréquente d’écoute dangereuse », les gamers présentant un risque accru de perte auditive permanente et/ou d’acouphènes. Shelly Chadha a insisté sur la nécessité d’impliquer gouvernements et industriels. Autre public à risque, les musiciens doivent être particulièrement informés, ont rappelé les audioprothésistes Arnaud Coez et Bernard Hugon. En France, si 10% de la population est touchée par des problèmes auditifs, ils sont 30% chez les musiciens, et même 60% pour ceux qui jouent du rock. Ils devraient s’auto-tester régulièrement, ont-ils insisté, en utilisant des applis tels Niosh et Höra.

Visioconférence : un nouveau mal pour nos oreilles ?

AndreaCANIATO
Optimisation des déplacements et des prises de contacts, meilleur équilibre entre vies professionnelle et personnelle, le télétravail séduit. Mais attention aux effets pervers de la visioconférence, a averti le représentant de l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC) Andrea Caniato (photo). Elle est source d’une fatigue accrue [2] liée à un usage augmenté des écrans et une piètre qualité sonore. Les fréquences émises en visioconférence sont globalement plus élevées que celles perçues en face-à-face, a souligné Christian Hugonnet. Les logiciels permettant d’optimiser le son ont aussi tendance à homogénéiser le volume des locuteurs, rendant l’écoute bien plus éprouvante. Une fatigue que connaissent bien les traducteurs des grandes instances européennes qui peuvent passer jusqu’à 10 heures par jour, écouteur à l’oreille.

Pourquoi le son compressé abîme nos oreilles ?

Luque&Gille
Depuis les années 1960-70, l’utilisation progressive de la compression a fait disparaître les micro-silences de nos bandes son. Ils sont pourtant nécessaires pour le confort d’écoute et la préservation de notre audition, a averti le directeur du Ceriah, le Pr Paul Avan. Ses travaux menés sur des cochons d’Inde ont montré que l’exposition prolongée au son compressé entraîne une fatigue et une diminution des réflexes auditifs. À l’aide d’une cartographie reliant les notes de confort attribuées par un panel de témoins à 120 morceaux et les caractéristiques acoustiques de 1 000 morceaux, Pablo Martin Luque et Florian Gille (photo), de l’Ircam-Amplify, ont mis en exergue plusieurs paramètres associés à un moindre confort d’écoute, tels que la faible présence de micro-silences ou les fréquences moyennes. Un modèle qu’ils espèrent améliorer afin de pouvoir, à terme, identifier les morceaux susceptibles de dégrader la santé auditive. D’ici 2025, un label « qualité sonore » devrait voir le jour, soutenu par la Fondation Écouter Voir. Il vise à garantir « l’absence de toute compression excessive du son, dans un souci de respect de la création artistique, de la qualité musicale, et de la santé auditive », explique la Semaine du son.

Des ateliers musicaux contre Alzheimer

Panel SanteAuditive
Musique ou cuisine, en Ehpad ? La Pr Séverine Samson (à gauche sur la photo, aux côtés de Shelly Chadha, Emmanuel Bigand, Christine Petit, Anne-Lise Giraud, Paul Avan et Arnaud Coez), neuropsychologue, a comparé les effets de ces deux activités sur le bien-être et la cognition des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Résultats positifs sur ces deux items, chez l’ensemble des patients ! « Ce n’est pas étonnant, la musique et la nourriture activent les mêmes structures du plaisir que les jeux d’argent ou les plaisirs érotiques », a-t-elle remarqué. L’activité musicale (en live uniquement) apporte toutefois un bénéfice supplémentaire, pour le bien-être des aidants. Un avantage qui permettrait de « réduire l’absentéisme, les burn-out, la maltraitance et peut-être l’usage de médicaments ».

Quand le son crée l’image…

Depuis 3 ans, la Semaine du son organise le concours international « Quand le son crée l’image ». A partir d’un thème musical commun, les concurrents issus du réseau des écoles associées de l’Unesco doivent créer l’image pour l’accompagner, un film brut sans ajout de son ni de sous-titre. Le résultat : « 3 à 400 (propositions basées) sur le même son, qui nous viennent d’Afrique du Sud, de Norvège, d’Europe, s’est réjoui Christian Hugonnet. C’est un instantané du ressenti mondial, au travers des créations de ces jeunes. » Les 20 meilleurs films présélectionnés seront diffusés le 16 mai, lors du festival de Cannes. Les élèves lauréats, accompagnés de leurs enseignants respectifs, verront leur prix remis à cette occasion. Cette année, le thème est « agir pour la paix et le développement durable » et la bande son est signée Rone.

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