« La certification Afnor était l'occasion de faire savoir le professionnalisme d'Ideal Audition. » Entretien avec Yaël Benouaisch et Laurent Lussato, co-fondateurs d’Ideal Audition

Ideal Audition fête ses 10 ans cette année. L’occasion de jeter un œil dans le rétro et d’évoquer les ambitions de l’enseigne, créée, en 2012, par Yaël Benouaisch, Laurent Lussato et Dan Bettach. Mais aussi de revenir sur les critiques qui ont pu leur être faites et d’évoquer les tensions en matière de recrutement ou les dérives.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
IA Assoc

Vous soufflez vos dix bougies cette année. Qu’est-ce qui vous a rapprochés en 2012 et motivés à créer un nouveau réseau ?

Yaël Benouaisch (YB) : Laurent et moi sommes opticiens et associés depuis 27 ans. Nous avions un centre d’optique à Bercy à l’époque. Dan Bettach, qui est audioprothésiste, s’est rapproché de nous, car nous avions des patients en commun. Il nous a proposé de mutualiser nos savoir-faire et d’ouvrir ensemble un centre d’audition. Il avait déjà le nom : Ideal Audition... Le projet nous a plu, à tel point que nous sommes partis d’emblée sur l’ambition de créer un réseau exclusif qui allait changer la vision du monde de l’audition.

Laurent Lussato (LL) : Dès décembre 2012, nous avons ouvert un centre à Bercy et deux supplémentaires, l’un à Charenton et l’autre à Asnières. Pendant trois ans, Dan s’est partagé entre ces trois adresses. Nous avons pris le temps d’écouter nos patients et d’étudier le secteur. Nous en avons tiré un certain nombre d’enseignements qui nous ont permis de positionner notre offre, là où nous considérions qu’il y avait des manques.

Quels ont été ces enseignements ?

YB : Tout d’abord, que le frein majeur d’un meilleur accès à l’appareillage était l’aspect financier. C’est pourquoi nous avons orienté notre positionnement sur l’accessibilité, avec une offre au prix juste.

Nous nous sommes également rendu compte que les audioprothésistes travaillaient en général sur deux-trois centres, perdant ainsi en proximité avec leurs patients. Nous avons donc pris le parti d’avoir un audioprothésiste 5 jours sur 7 dans chaque point de vente. Dans cette même volonté de garantir la meilleure qualité de service à nos patients, nous attachons une grande importance au binôme audioprothésiste-assistante.

LL : Dans le même esprit, nous avons également tout de suite proposé le tiers payant universel à tous ainsi que l’essai de 30 jours gratuit, qui n’était alors pas encore obligatoire.

Vous avez beaucoup axé votre communication sur les prix, avec une offre « 40 % en dessous des prix pratiqués » et le « haut de gamme à prix accessible »…

LL : Le frein majeur reste le prix avant l’esthétique. Lorsque nous avons créé le réseau, le secteur manquait d’une offre réellement accessible mais aussi de transparence sur cet aspect. Il a toujours été compliqué pour les patients de saisir ce qui était compris dans le coût d’un appareillage. Et puis, il s’agissait aussi pour nous de nous différencier... Nous avons ainsi affiché clairement nos tarifs, dès 2012.

YB : Cette communication s’est tout de suite déployée sur internet, avec un site le plus transparent possible. Cette stratégie nous a permis d’attirer une patientèle plus jeune ; la moyenne d’âge de nos patients avoisine les 60-65 ans.

Comment s’est poursuivi le développement du réseau ?

YB : Au bout de trois ans, nous avons développé notre concept de franchise. Nous pouvions miser sur notre expérience de ce modèle en optique ; nous en maîtrisions toutes les ficelles. Quant à Dan, il apportait sa vision, en tant qu’audioprothésiste, des attendus et des lacunes sur le secteur. très vite, des jeunes avec deux-trois années d’expérience et désireux de s’installer ont été attirés par notre offre. Nous proposions une franchise transparente, accessible et un accompagnement premium. Nous avons ouvert, fin 2016, notre premier centre franchisé, avec Joël Assayag.

LL : Ceci a marqué une étape importante de notre développement. le process d'accompagnement de nos franchisés est complet, du business plan, à l’aide à l'agencement, en passant par la négociation ou encore la visibilité de la marque à l’échelle nationale. La moyenne d'ouverture par franchisé Ideal Audition est de trois centres. Nous mettons autant de cœur pour l’ouverture des franchises que de nos succursales ; c’est ce qui fait la différence. Nous nous impliquons tous les trois personnellement et nous pouvons compter sur nos animateurs réseau, qui sont tous des audioprothésistes.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

LL : Nous avons ouvert 30 nouveaux magasins en 2021. Ideal Audition compte aujourd’hui 72 centres en France, dont 52 franchises. Nous en sommes à 80, entre les signatures et les travaux. Nous ambitionnons d’atteindre les 100 magasins en France et en europe à fin 2022. Et nous ne comptons pas nous arrêter là : nous projetons les 200 centres à échéance 2025.

YB : Chaque ouverture est une nouvelle aventure ; il y a toujours la même décharge d’adrénaline que pour la toute première. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli tous les trois en dix ans mais nous restons animés par les mêmes ambitions qui nous ont réunis à la création de l’enseigne. Nous cultivons le même esprit de famille. Nous maintenons un contact étroit et régulier avec nos équipes et nos franchisés. enfin, nous sommes attentifs à choisir ceux qui nous rejoignent et nous nous assurons qu’ils partagent nos valeurs et notre vision du métier.

Ces dix années ne se sont pas passées sans heurts. Vous avez essuyé quelques critiques. on vous a notamment reproché en 2019 l’iPhone gratuit pour deux appareils achetés et, plus récemment, l’organisation d’un événement en marge du congrès des audioprothésistes et à destination des étudiants. Que répondez-vous à cela ?

YB : Nous avons fait l’objet d’attaques très violentes au sujet de notre offre d’un iPhone gratuit. Nous avons été accusés de profiter de la Sécurité sociale et des complémentaires santé. Alors que notre préoccupation, au-delà de l’aspect marketing, était de permettre à nos patients de pouvoir accéder à des aides auditives qui étaient uniquement compatibles avec des iPhone. Sans doute nous sommes-nous montrés un peu naïfs dans notre approche, mais elle n’en était pas moins motivée par le souci de répondre au mieux aux attentes de nos patients.

Il faut maintenir le numerus clausus en même temps qu’il faut prendre des mesures pour empêcher les dérives.

LL : Cette fois-ci, c’est Ideal Audition qui s’est trouvée sous le feu des critiques. il y a quelques années, il s’agissait d’autres acteurs. Demain, ce sera quelqu’un d’autre. les nouveaux arrivants dérangent, surtout quand ils font bouger les choses.

Nous nous sommes sentis injustement critiqués alors que nos prix pour nos appareils haut de gamme sont inchangés depuis 2012 ! Quand nous avons offert un iPhone, c’est en prenant sur nos marges.

Quant à la soirée en mars, notre objectif n’était pas de faire polémique mais de rassembler les étudiants des écoles françaises à l’occasion d’un événement festif et de pouvoir leur faire découvrir Ideal Audition. Nous n’avions pas bien interprété la loi anti-cadeaux. il faut dire qu’elle n’est pas très claire.

En 2020, vous avez obtenu la certification Afnor. Est-ce une façon de répondre à ces critiques ?

YB : Mettre en place cette certification était en effet l’occasion de faire savoir le professionnalisme d’Ideal Audition. Mais, les critiques que l’on a pu nous faire n’ont joué que les accélérateurs d’une démarche que nous avions de toute manière déjà engagée. Nous y travaillons en effet depuis plus de quatre ans. Finalement, cette certification NF 518 n’a été que la labellisation des process que nous avions mis en place. Nous avons simplement dû intégrer en plus tout l’aspect traçabilité. C’est, surtout, une façon de proposer les meilleurs services à nos patients, de l’appel téléphonique jusqu’aux 4 ans de garantie. Cette certification assure un suivi normé, le même dans tous nos centres. le siège se porte garant des franchisés et nous n’en acceptons de nouveaux que s’ils acceptent de rentrer dans la démarche de certification.

LL : La certification garantit une prise en charge de qualité. Cela devrait être obligatoire.

La mise en place du 100 % Santé s’accompagne de l’ouverture de nombreux centres partout en France et certains alertent sur certaines dérives. De quel œil voyez-vous cela ?

LL : Avec inquiétude. Car nous avons assisté à certaines de ces pratiques en optique. Il ne faut pour autant pas stigmatiser tous les corners ; des acteurs font cela très bien. Et, cela peut-être un bon modèle dans certaines zones peu habitées. Le problème, c’est qu’il y a pas mal de petits acteurs invisibles qui s’y mettent juste pour récupérer un complément de remboursement. Ils sont très minoritaires, probablement installés surtout dans les grandes villes. Quand vous avez un audio présent une journée par semaine et qui facture des centaines de milliers d’euros par mois, il faut se poser de questions et mettre en rapport le temps travaillé et le chiffre d’affaires dégagé ! Une solution serait peut-être d’imposer une surface minimum pour l’espace audition dans les centres d’optique. Il est nécessaire de prendre des mesures car, cette situation, si elle perdure, risque de fausser les chiffres d’appareillage et, donc, les négociations avec les pouvoirs publics. On peut se demander s’il y a véritablement 50 % de la population appareillée… L’État a mis en place une belle réforme ; il serait dommage de laisser ces acteurs très minoritaires saper le bon travail de 100 % de la profession.

Néanmoins, nous n’avons rien contre les nouveaux venus. tout le monde a sa place et chacun a sa valeur ajoutée. Plus il y aura d’offres – dans une certaine limite –, et plus il y aura de demande. C’est une bonne chose car l’objectif est bien celui d’une meilleure pénétration de l’appareillage. tous ceux qui veulent bien faire leur travail sont les bienvenus.

Votre stratégie de développement pâtit-elle de la tension actuelle sur le marché de l’audioprothèse en termes de recrutement et pensez-vous qu’il faut revoir le numerus clausus ?

LL : Le problème des ressources humaines est en effet une limite, même si notre modèle est attractif. Je pense néanmoins que le numerus clausus est une bonne chose. Il faut le maintenir en même temps qu’il faut prendre des mesures pour empêcher son contournement par le recours massif aux diplômés étrangers et les mauvaises pratiques de prospérer. Mieux vaut accroître nos capacités plutôt que de délivrer autant d’autorisations d’exercice que de diplômes français. En l’augmentant ainsi de 50-100 places, le secteur n’aurait pas besoin d’aller chercher les diplômés ailleurs qu’à la sortie des écoles françaises.

YB : Même si l’on trouve de très bons éléments, le problème de cette « filière », c’est qu’elle attire beaucoup de jeunes bacheliers qui n’ont ni la maturité pour aborder ce métier et des patients seniors ni, souvent, les bonnes motivations.

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