« La planète audiologie a rendez-vous à Paris »

Après les JO, la France accueillera cette année un autre événement d’envergure internationale. Du 19 au 22 septembre 2024, le monde de l’audiologie est attendu à Paris pour le 36e congrès mondial d’audiologie. Son président, le Pr Hung Thai Van, et l’audioprothésiste Morgan Potier, battent le rappel des professionnels de l’audition français.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
MOrgan Potier Hung Thai Van
Morgan Potier et le Pr Hung Thai Van, de la SFA

Le Congrès mondial se tient dans six mois. Qu’est-ce qui en fait un événement unique ?

HTV : Tout d’abord, le lieu : la planète audiologie a rendez-vous à Paris. Rappelons que la dernière fois qu’il s’est tenu en France, c’était il y a 50 ans. Ce congrès intervient par ailleurs dans un contexte inédit. Il bénéficie d’une formidable conjonction d’avancées, tant scientifiques qu’en termes de santé publique. Les résultats de l'étude ACHIEVE, menée sur 1 000 participants, seront présentés par l’équipe du Pr Frank Lin de Baltimore, en décrivant dans quelles circonstances le port des aides auditives prévient le risque de démence, toutes causes confondues. Une autre étude vient d’établir que le port de la prothèse auditive réduit le risque de mortalité chez l’adulte souffrant de surdité.

Ce congrès se tiendra aussi à l’heure où débutent les premiers essais de thérapie génique, aux États-Unis, en Espagne, en Chine et en France pour soigner les surdités DFNB9 de l’enfant (anomalies du gène OTOF). La Pr Christine Petit, fondatrice de l’Institut de l’Audition, donnera une conférence inaugurale, et mes collègues la Pr Natalie Loundon et la Dr Sandrine Marlin présenteront les avancées françaises.

Et puis, il y a évidemment tout le chapitre de l'innovation. Celle-ci se déclinera au travers de l’actualité des essais cliniques dont nous venons de parler mais aussi des big data et de l'intelligence artificielle en audiologie. Elle s'exprime enfin au travers de nouveaux outils de diagnostic audiovestibulaire. Les Prs Bernard Fraysse et Peter Santa Maria (université de Pittsburgh), organiseront des sessions dédiées à l'innovation, avec un prix qui sera remis en séance plénière.

MP : C’est aussi et surtout, notamment pour les audioprothésistes, une formidable occasion de rencontrer tous les « faiseurs » mondiaux et de s’informer des travaux menés en Europe et ailleurs dans le monde, de confronter les pratiques et d’imaginer le futur de l'audiologie en France pour les années à venir. Il est important de saisir cette opportunité inédite d’approcher ces têtes d'affiche. Ça n’arrive que peu de fois dans une vie. À titre personnel, je suis impressionné à l’idée de rencontrer certains d’entre eux, dont je lis les papiers depuis de nombreuses années, comme Brian Moore, la star mondiale de la psychoacoustique, ou toute l’équipe DSL de l’Ontario, experte en appareillage pédiatrique.

En résumé, quasiment tous les pans de l’audiologie seront abordés avec les meilleurs acteurs du moment au niveau mondial !

Pr Hung Thai Van

Le programme est dense. Pouvez-vous nous en donner un avant-goût ?

HTV : Nous aborderons les troubles auditifs, périphériques et centraux, leurs répercussions sociétales, économiques et cognitives. Une place très importante sera faite aux acouphènes, aux troubles du langage, aux vertiges, car on ne peut aborder les pathologies de l'oreille interne sans prendre en compte ses deux composantes – auditive et vestibulaire. Des sessions seront également dédiées à l’électrophysiologie et l’ototoxicité. Le Pr De Wet Swanepoel (Afrique du sud) sera présent pour animer une session sur la téléaudiologie avec notre expert français, le Pr Frédéric Venail. En résumé, quasiment tous les pans de l’audiologie seront abordés avec les meilleurs acteurs du moment au niveau mondial !

Quelles seront les autres têtes d'affiche ?

HTV : Avec la volonté d’offrir des sessions destinées à l’amélioration des pratiques en audioprothèse, le comité scientifique du congrès a souhaité organiser des ateliers, d’ores et déjà ouverts à l’inscription. Le Dr Dirk Oetting de l'équipe d'Oldenburg en Allemagne en animera notamment un sur les techniques innovantes d’appareillage. Par ailleurs, des représentants de la British Society of Audiology comme la Pr Gabrielle Saunders, des audiologistes américains et canadiens seront présents aux côtés de la Pr Ariane Laplante-Lévesque de l’OMS pour présenter et comparer les spécificités de différents parcours de soins en audiologie dans le monde.

Au programme, nous pouvons évoquer également la participation d’orateurs exceptionnels sur les thématiques de la prise en charge des surdités légères, des surdités asymétriques et unilatérales, des nouvelles techniques d’appareillage auditif. Ainsi, nous accueillerons Brian Moore – que Morgan a déjà cité – ; pour la recherche en audioprothèse, Torsten Dau ; pour l’appareillage pédiatrique, Edilene Boechat, Andrea Bohnert, et bien d’autres ; pour les troubles du développement du langage les Pr Louise Hickson (présidente de la Société internationale d’audiologie), Liat Kishon-Rabin...

Il est impossible de vous citer tous les noms des conférenciers mais une centaine de figures de l’audiologie et de l’otologie mondiale ont répondu présent. Et bien sûr toutes les stars françaises, sans exception ! Le programme scientifique est régulièrement mis à jour.

Y aura-t-il des sessions dédiées aux audioprothésistes ?

HTV : Elles sont nombreuses et même majoritaires. En lien avec le président du Collège national d’audioprothèse, Matthieu Del Rio, et leurs collègues internationaux, leur programme a été concocté par un groupe d'audioprothésistes experts composé de Morgan Potier, Arnaud Coez, Nicolas Wallaert, David Colin, Charlotte Balet, Pierre Devos et Thomas Roy, et coordonné par François Dejean. Nous tenions à ce que les différentes composantes de la SFA – ORL, audioprothésistes et orthophonistes –, soient parties prenantes dans l’élaboration de ce congrès. C'est le travail de toute une équipe ; on ne peut rien faire tout seul, encore moins à l’occasion d’un événement de cette envergure.

MP : Le programme scientifique est très attractif pour notre profession, d’autant que l'événement associe également les congrès de l’Afrépa et de la SFA, et celui de la SFORL en joint meeting. Hung a d’ailleurs accepté d’augmenter le nombre d’heures d’audioprothèse dans le programme ; c’est un signal fort. Par ailleurs, pour être parfaitement accessibles à tous, les sessions se tiendront en anglais et seront retranscrites en temps réel dans la même langue par le système Ava. L’intégralité des conférences plénières du jeudi, notamment celles de Susan Shore, Jose Lopez-Escamez, Karen Gordon, Andrej Kral et Mark Laureyns, seront traduites en français à travers un casque, donc aucune inquiétude à avoir avec la langue de Shakespeare !

Comment se sort-on de la contradiction d’organiser le congrès mondial de l’audiologie dans l’un des seuls pays à ne pas disposer d’audiologistes... ?

HTV : Impossible n’est pas français ! Nous avons en effet un mode organisationnel unique à l'échelle planétaire. Nous sommes trois professions à nous occuper quotidiennement des troubles de l'audition en France : les ORL, les audioprothésistes et les orthophonistes. C'est un modèle atypique dans le paysage de l’audiologie mondiale, une exception culturelle que nous sommes fiers de porter et qui est l'ADN de la SFA, depuis sa création. Nous n'avons pas à en rougir : ce modèle a permis des réalisations notables ces dernières années, comme la généralisation du dépistage néonatal, le remboursement de l'appareillage auditif, les indications d'implant cochléaire pour les surdités unilatérales, ou encore les progrès indéniables dans la reconnaissance des acouphènes (même si des progrès restent à accomplir dans leur prise en charge).

La tenue de ce congrès en France est aussi le résultat des efforts déployés ces dix dernières années par les membres de nos sociétés savantes pour se remettre dans le bain de l’audiologie internationale. Finalement, peu importe le pedigree des acteurs de l’audiologie française : la visibilité de leur activité scientifique et clinique s’est indéniablement accrue. Notre ambition est vraiment de démontrer le dynamisme de notre communauté et de prouver que nous sommes non seulement dans la course, mais également en pole position de l’audiologie mondiale.

Combien de congressistes attendez-vous ?

MP : Nous ambitionnons d’accueillir plusieurs milliers de congressistes. J’encourage à cet égard les participants à s’organiser pour le logement et à s’inscrire le plus tôt possible. Nous attendons une forte mobilisation des professionnels de l’audition français, notamment des audioprothésistes, pour représenter notre modèle. Ce congrès promet d’être à l'image de son président, extrêmement dynamique !

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