Elle a suivi la voie ouverte par les algologues, qui ont été les premiers à mettre en place des équipes pluridisciplinaires de prise en charge de la douleur chronique. S’il y a à l’évidence de grandes différences entre les deux symptômes, notamment l'universalité de la douleur que n’a pas l’acouphène, il y a aussi plusieurs analogies, notamment le fait que quand il s’installe dans la chronicité, le symptôme devient une entité en soi, indépendamment de sa cause et doit être traité comme tel. Il ne se limite plus alors à une atteinte périphérique, à travers les voies de la douleur ou les voies auditives. Il est de nature pluridimensionnelle et sa prise en charge requiert l’apport de plusieurs compétences.
C’est déjà ce que nous avaient transmis Jastreboff et Hazell dans les années 1990 en introduisant l’émotion dans leur modèle neurophysiologique de l’acouphène. Aujourd’hui, les différentes techniques d’imagerie fonctionnelle viennent à l’appui de ces hypothèses cliniques en montrant l’implication de nombreux réseaux neuronaux extra-auditifs dans la perception et l’intégration de l’acouphène, qu’il s’agisse de structures intervenant dans l’émotion, l’attention ou la cognition. Ces études viennent nous conforter dans la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire.
La pluridisciplinarité est le recours à des disciplines complémentaires.
La pluridisciplinarité est le recours à des professionnels de disciplines différentes mais complémentaires. C’est une juxtaposition de compétences et il est communément admis qu’outre l’ORL, il est nécessaire de recourir à l’audioprothésiste et aux professions susceptibles d’agir sur les aspects émotionnels et comportementaux, sophrologue, psychologue clinicien ou comportementaliste ou encore hypnothérapeute. Notre objectif à l’Afrépa a été d’aller plus loin en constituant des équipes interdisciplinaires où les différents intervenants ne sont plus juxtaposés mais en interaction. Cela suppose d’établir un échange continuel d’information qui est une caractéristique essentielle de ces structures. Cet échange s’exprime à deux niveaux : l’information du patient et l’information au sein de l’équipe.
L’information du patient est incontournable. C’est un élément majeur de la réussite. Il arrive le plus souvent avec des idées fausses sur son symptôme qu’il croit être uniquement un problème d’oreille. Il faut donc lui faire comprendre les phénomènes en jeu, la guérison que l’on peut lui apporter, l’habituation, qu’on peut assimiler à une sorte d’indifférence au symptôme, alors qu’il était venu chercher le silence. C’est donc un travail long et difficile et informer le patient est le rôle de chaque intervenant. Il faut donc avoir un langage commun que l’on va forger petit à petit au sein du groupe. Même si le contenu du discours à transmettre est le même, chacun va l’exprimer avec le vocabulaire et la culture de sa profession. Ainsi délivré par plusieurs sources convergentes, le message sera beaucoup plus efficace.
De telles structures apportent au patient une qualité de soins qu’un acteur isolé, médical ou paramédical, ne peut pas assurer.
L’échange d’information au sein de l’équipe est tout aussi important. Il commence par la mutualisation des connaissances de chacun pour atteindre le but commun qui est d’amener le patient à l’habituation. Chacun doit connaître le travail de l’autre de façon à pouvoir valoriser ses compétences auprès du patient. C’est en premier lieu le travail de l’ORL qui, pour nous, doit être le coordinateur de l’équipe. Il se doit de préparer son patient à aborder dans les meilleures conditions les différentes étapes de sa prise en charge en lui expliquant quel va être le rôle des différents intervenants et ce qu’il sera en droit d’en attendre. Mais ce travail est aussi celui de chacun des membres : l’audioprothésiste doit être capable de relayer l’information sur le rôle du sophrologue ou du psychologue et vice versa. L’information circulant au sein de l’équipe, entre les membres et avec le patient, cela permet de glisser facilement d’une d’adapter ainsi continuellement la stratégie à l’état du patient qui doit se sentir constamment soutenu et guidé vers la guérison. De telles structures apportent au patient une qualité de soins qu’un acteur isolé, médical ou paramédical, ne peut pas assurer. Elles remettent le patient au centre du système de soins, alors qu’on a tant reproché à la médecine de ne voir que la maladie et d’ignorer le malade. Mais les bénéfices sont aussi pour les membres de l’équipe qui apprennent à travailler ensemble et dont la pratique s’enrichit de celle des autres. en mettant en commun leurs différences, ils forgent petit à petit un outil performant qui leur permet d’assurer leur mission avec la plus grande efficacité.