La téléaudiométrie, ça marche !

Une récente étude vient confirmer que, du point de vue technologique et matériel, la téléaudiométrie fonctionne. une pierre de plus à l’édifice de la téléaudiologie. certains freins doivent néanmoins être levés pour le consolider.

Par Bruno Scala

Depuis 2020 et la crise du Covid, la télésanté a le vent en poupe. mais une question se pose souvent : cette modalité est-elle aussi efficace que la prise en charge en présentiel ? Une récente étude, menée par l’équipe du Pr Hung Thai-Van (Hospices de lyon), apporte de nouveaux éléments de réponse concernant la téléaudiologie. Elle confirme qu’une audiométrie réalisée à distance apporte des résultats tout aussi fiables que le même acte réalisé en présentiel [1].

teleaudiologie

Présentiel et distanciel ex-æquo

Dans cette étude, la solution testée est celle développée par l’entreprise Koalys (qui appartient désormais à Shoebox France, du groupe WSA). La plateforme est disponible sur Internet et le pack comprend notamment un transducteur pré-calibré, qui embarque une carte de son et un convertisseur analogique-numérique, ce qui permet de ne pas dépendre de celui de l’ordinateur. Le matériel est relié à ce dernier par connexion USB.

Pour évaluer cette solution, l’équipe lyonnaise a effectué, pour chacun des 41 patients enrôlés dans l’étude (âgés en moyenne de 74 ans), une audiométrie classique et une autre via la solution Koalys (dans un ordre aléatoire). Pour les deux modalités, deux audiométries tonales, conductions aérienne et osseuse, étaient réalisées. et les résultats sont probants. Globalement, pour les fréquences de 0,5 à 3 kHz, les mesures sont équivalentes : plus de 90 % d'entre elles ont un écart inférieur à 5 dB. les chiffres sont encore plus proches pour la conduction aérienne, avec 100 % des mesures affichant une différence inférieure à 5 dB pour ces fréquences. soit des écarts inférieurs à ceux observés dans des études de test-retest, utilisant le même matériel de mesure et le même patient.

Freins légaux et médicaux

Ces résultats vont-ils contribuer à déployer l’audiométrie en France ? Rien n’est moins sûr. Car le frein n’est pas technologique. On sait faire des otoscopies à distance (il suffit pour cela d’envoyer les images capturées pendant l’acte à un médecin) et on sait aussi réaliser des téléaudiométries. L’obstacle est en fait légal voire administratif, comme le signalait un groupe de travail de la société française d’audiologie (SFA) dans une récente publication [2]. Ces scientifiques relevaient par exemple que l’un des actes obligatoires du bilan pré-appareillage – l’otoscopie – ne peut être réalisé par un professionnel non-médical. C’est un médecin qui doit introduire l’otoscope dans l’oreille. Dès lors – sauf à imaginer qu’un médecin généraliste soit sur place et l’ORL à distance –, l’intérêt du distanciel est mince. Il est donc nécessaire de revoir le cadre de la loi afin d’autoriser que cet acte soit réalisé par un paramédical, ou procéder à une délégation de tâches. « Nous avons fait une demande en ce sens auprès de la HAS, mais au bout de trois ans, nous n’avons toujours aucun retour », se désole le Pr Frédéric Venail, qui dirige le groupe de travail sur la téléaudiologie à la SFA. D’autant que l’acte n’est pas si compliqué à réaliser, ni dangereux. Des infirmières sont d’ailleurs autorisées à prendre la température par voie tympanique, un acte qui nécessite sensiblement le même geste, rappellent les auteurs des travaux.

Les ORL qui voudraient faire une audiométrie à distance doivent alors facturer une consultation standard, tandis que les études montrent que cela prend environ 20 % de temps supplémentaire. Dans ces conditions, la téléaudiométrie n’attire pas les foules...

Pr Frédéric Venail, responsable du groupe de travail Téléaudiologie à la SFA

La cotation des actes est un problème supplémentaire : « Rien n’est prévu en téléaudiologie, alors que cela existe pour d’autres spécialités, comme la cardiologie, rapporte le médecin montpelliérain. Les ORL qui voudraient faire une audiométrie à distance doivent alors facturer une consultation standard, tandis que les études montrent que cela prend environ 20 % de temps supplémentaire. Dans ces conditions, la téléaudiométrie n’attire pas les foules... » Par ailleurs, la présence d’un facilitateur, qui se trouverait aux côtés du patient, n’est pas du tout prévue par les textes et, en conséquence, sa rémunération non plus.

Des promesses...

Ce genre de frein empêche donc pour le moment la téléaudiologie de se déployer. Certes, la France ne fait pas partie des pays ayant les besoins les plus importants en la matière, au contraire de l’Australie, des États-Unis et d’autres vastes contrées où il faut parcourir des centaines voire des milliers de kilomètres pour trouver un spécialiste de l’audition. Néanmoins, avec une population vieillissante, une démographie médicale en berne et la prévalence de la surdité qui ne cesse de croître, la France pourrait faire bon usage de la téléaudiologie. Et ainsi atteindre des malentendants habitants des zones sous-dotées en ORL, ayant des difficultés à se déplacer ou institutionnalisés. C’est d’ailleurs l’un des souhaits exprimés par les inspecteurs de l’Igas et de l’IGÉSR dans leur rapport sur la filière auditive [3].

« En cette période d’élections, le sujet des déserts médicaux a été remis sur la table par différents candidats, constate le Pr Venail. Il y a une prise de conscience que la situation est dommageable et que la télémédecine fait partie des solutions. Malheureusement, il n’y a pas de commune mesure entre les promesses électorales et les actes... »

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