En matière d’utilisation du son à des fins de relaxation ou de préparation à un état d’éveil, on connaissait les bols tibétains, les tambours chamaniques, la psalmodie de mantras… Place aux ASMR. Derrière l’acronyme campe un phénomène surprenant. De l’anglais autonomous sensory meridian response, que l’on peut traduire par réponse autonome des méridiens sensoriels, cette pratique est apparue en 2008 mais ne connaît un véritable essor que depuis peu. Il s’agit de provoquer un état de relaxation intense, d’extase sensorielle – d’aucuns parlent même d’orgasme cérébral – par l’association de stimuli sonores et visuels. Plusieurs dizaines de milliers de vidéos circulent sur Internet, certaines affichant plusieurs millions de vues… Loin d’être une bizarrerie du web, le mouvement a acquis une ampleur étonnante et fait l’objet de nombreux articles.
À chacun son déclencheur
Ronronnement de chat et crépitement du feu pour les plus classiques, mastication, brossage de cheveux, découpe de savon (!) ou encore tapping (bruit des doigts tapant le micro) pour les plus étonnants : la liste des sons ou déclencheurs (triggers) censés entraîner un état de bien-être chez ceux qui les visionnent/écoutent n’a de limite que l’imagination des adeptes ou « Asmrtistes » qui rivalisent d’inventivité dans la réalisation de leurs vidéos. Parmi eux, une américaine connue sous l’alias GentleWhispering (Doux Chuchotements), compte pas moins de 1,8 million d’abonnés… Ces vidéos, très prisées des insomniaques, provoquent chez certaines personnes ces fameuses ASMR, des réactions décrites comme des « massages cérébraux », des frissons ou encore des « picotements dans la tête ou la nuque » (tinglings). Ces réponses, « autonomes », varient d’une personne à l’autre ; on parle d’idiosyncrasie, de réaction propre à chaque individu.
Qu’en dit la science ?
Quelques études se sont intéressées à cette pratique. Elles tendent à montrer que le succès de ces vidéos ne serait pas un simple effet de mode et plaident pour des recherches approfondies en termes d’applications thérapeutiques. Dans une des premières études parue en 2015 dans la revue PeerJ1, 80 % des 475 personnes interrogées indiquent que les ASMR ont un effet sur leur humeur. Ces vidéos sont visionnées pour se relaxer (98 %), pour s’endormir (82 %) et diminuer le stress (70 %). Certains participants précisent les utiliser pour apaiser des douleurs chroniques ou les symptômes d’une dépression. Dans une étude plus récente, publiée en juin 2018 dans la revue PLoS One2, des chercheurs ont démontré que les personnes sensibles à l’ASMR présentent un rythme cardiaque moins élevé que les autres, ainsi qu’une conductance cutanée plus importante (activité électrique à la surface de la peau reflétant celle du système nerveux).
Si les mécanismes à l’œuvre ne sont pour le moment pas expliqués, quelques pistes peuvent être avancées. La technique d’enregistrement des sons en binaural et l’écoute au casque favorisent la sensation d’immersion de l’auditeur. Sentiment auquel s’ajoute le sens que peuvent revêtir certains sons pour chacun de nous, les réminiscences de l’enfance qu’ils suscitent… une madeleine de Proust. Autre piste évoquée : les personnes faisant l’expérience d’ASMR seraient douées de synesthésie, de la faculté d’associer différents sens. Chez elles, audition, vision et toucher sont étroitement liés. Le son peut ainsi avoir une « couleur » ou « caresser ».
Les bienfaits du son n’ont pas fini de nous surprendre...