Laurent Piron, président d'Entendre : « Avec le 100 % Santé, les indépendants bénéficient des meilleurs atouts »

En novembre 2019, Entendre a fêté ses 40 ans. Au même moment, le groupement choisissait de quitter le Synea et annonçait la création de la Fédération des enseignes d’indépendants avec deux autres réseaux. Son président, Laurent Piron, rappelle les valeurs fondamentales de la coopérative, l’indépendance plus que jamais chevillée au corps.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Laurent Piron president de l enseigne d audioprothesistes independants Entendre

Audiologie Demain (AD) : Courant novembre, Entendre quittait le Syndicat national des entreprises de l’audition (Synea) et créait la Fédération des enseignes d’indépendants avec Audition Conseil et Dyapason. Deux actes forts motivés par quelles raisons ?
Laurent Piron (LP) : Entendre a rejoint le Synea en 2014 à une époque où il nous semblait important de nous unir à une instance capable de représenter la profession, la faire connaître et la défendre. Il était logique de nous associer à cette structure auprès d’autres enseignes et réseaux du secteur. Toutefois, avec le temps, il nous est apparu qu’il y avait une certaine contradiction entre les valeurs des audioprothésistes indépendants de notre coopérative, par nature alignés sur la position de l’Unsaf, et les intérêts défendus au sein du Synea. Plus simplement, il était compliqué pour nos adhérents d’être à la fois membres d’un syndicat à titre personnel et membres de l’autre via leur groupement. Par ailleurs, si l’union s’imposait au moment des négociations du 100 % Santé, certaines enseignes du Synea affichent des positionnements très différents du nôtre, vis-à-vis des réseaux de soins, de la publicité… Dès lors, il était incohérent de faire partie du même syndicat que des réseaux dont nous ne partageons pas la vision du marché.

La réforme du 100 % Santé a confirmé les audioprothésistes comme de véritables professionnels de santé. Dans ce contexte, nous avons décidé avec Audition Conseil et Dyapason, deux autres enseignes nationales d’audioprothésistes indépendants, de créer une fédération pour communiquer ensemble sur les spécificités de notre modèle. En effet, l’indépendance a des avantages méconnus : liberté, confraternité, responsabilité, engagement, entrepreneuriat, investissement dans sa réputation professionnelle, proximité, participation à la vie économique locale, autonomie financière… Depuis une dizaine d’années, nous avons entendu s’exprimer toujours les mêmes. Or, les enseignes d’indépendants représentent une majorité silencieuse qui « pèse » aujourd’hui près de 1 000 audioprothésistes, de 1 000 centres, 150 000 appareils et près de 20 % du marché. C’est une force qui doit prendre la parole et faire entendre sa vision de la profession.

AD : Quelle est cette vision ?
LP :
Avec Audition Conseil et Dyapason, nous partageons avant tout des valeurs, d’autant plus importantes dans le contexte actuel. Nous souhaitons rappeler ces fondamentaux sur lesquels repose notre fédération. Nous avons ainsi rédigé une charte commune libellée en cinq piliers : la liberté de la prise en charge du patient dans le respect des obligations légales (devis, tests, suivi…) ; la liberté complète du choix des fabricants, sans quotas imposés ; la liberté de céder son entreprise ou de quitter l’enseigne ; une gouvernance associant des audioprothésistes ; et une information responsable, honnête et éthique. La fédération va nous permettre de concevoir des actions communes, d’avoir un discours commun auprès des étudiants, du corps médical, du grand public. Nous souhaitons communiquer sur qui nous sommes, ce qui nous définit, nos valeurs en tant que professionnels de santé. On ne peut pas avoir cette responsabilité et, d’un autre côté, s’adonner à une publicité non éthique. Ces pratiques ne tirent pas la profession vers le haut.

Notre expertise est la clé de la satisfaction de nos patients car l’humain est au cœur de la réussite de l’appareillage

AD : Avez-vous en tant qu’indépendants la même capacité que des réseaux intégrés à vous adapter aux changements induits par le 100 % Santé ?
LP :
Nous pensons que les indépendants bénéficient des meilleurs atouts à l’heure du 100 % Santé. Cette réforme est à mon sens plus favorable à notre modèle car elle va nous permettre de nous distinguer sur le terrain du professionnalisme en désamorçant l’argument prix dont certains nouveaux acteurs sur le secteur usaient à mauvais escient. Nous allons pouvoir travailler de façon plus sereine, sans être agressés par de multiples devis, en insistant au contraire sur notre valeur ajoutée. Deux visions différentes vont s’exprimer : une davantage tournée vers le commercial, l’autre orientée vers une approche plus paramédicale. Cette réforme remet selon moi en avant ce qui est important. Notre expertise est la clé de la satisfaction de nos patients car l’humain est au coeur de la réussite de l’appareillage : continuité de prise en charge, disponibilité, implication dans la satisfaction du patient dans la durée, intérêt du patient avant l’intérêt économique, liberté de nos choix prothétiques, de notre équipement de travail, de nos programmes de formation… On ne peut séparer la technique et le suivi, le relationnel. Notre métier est « phygital », à la croisée entre une haute technicité, le numérique et l’humain. Nous devons nous positionner sur ces terrains-là au cours des prochains mois.

AD : Quelles sont les spécificités d’entendre ?
LP :
Nous sommes les seuls à présenter ce modèle de coopérative qui repose sur le principe égalitaire d’une personne, une voix. Entendre est un réseau d’indépendants réunis autour de valeurs communes. Chaque chef d’entreprise gère et anime son propre centre. Il s’engage personnellement. La direction est entre les mains d’un conseil d’administration composé exclusivement d’audioprothésistes et dont le mode d’élection favorise le renouvellement. Ce conseil élit un président pour le représenter au niveau national, pour faire le lien avec les adhérents. Il doit avoir une vision stratégique de l’enseigne. J’ai moi-même été élu en 2017. C’est un rôle intéressant quoique parfois difficile car nous travaillons avec des professionnels indépendants. Les audioprothésistes Entendre ont la réputation de gens sérieux, qui exercent leur métier de façon professionnelle, avec une forte empreinte paramédicale. Adhérer à une coopérative est un état d’esprit, tourné vers le partage, l’égalité. Nous n’avons pas la volonté de nous développer à tout crin. Entendre permet aux indépendants de profiter des avantages d’une enseigne tout en conservant leur liberté. Nous bénéficions d’un nom qui est une référence de qualité, d’une communication nationale, d’une centrale d’achats, d’outils marketing nombreux, de formation. Toute une palette permettant à l’audioprothésiste de se recentrer sur son coeur de métier. Il est aujourd’hui difficile d’exercer cette profession tout seul. Adhérer à un réseau d’indépendants permet d’exister de façon sereine si on ne souhaite pas rejoindre la verticalisation, le discount ou l’optique…

AD : Comment se porte le groupement ?
LP :
Nous comptons aujourd’hui 320 centres et 120 adhérents. À cela s’ajoutent des audioprothésistes salariés. Le groupement a traversé une période de départs à la retraite d'adhérents historiques et certains de nos confrères ont pu parfois douter et être tentés par la vente de leur affaire au profit d'un statut salarié. Il est vrai que des acteurs du secteur propagent des discours particulièrement anxiogènes. Aujourd'hui, nous en sommes sortis. Sur ce marché en développement, l’exercice indépendant, grâce à ses atouts, a pleinement sa place. Depuis deux ans, nous avons su redonner de l’optimisme à nos adhérents. Nous avons réalisé de bons résultats en 2019. En effet, nous avons bien anticipé la réforme du 100 % Santé et bien communiqué.

Par ailleurs, dès mon élection, j’ai souhaité qu’Entendre investisse le numérique. Nous avons mené un important travail pour être présents sur Internet et nous bénéficions aujourd’hui d’un bon référencement. Nous avons créé une page facebook et mis en place un réseau Slack (réseau privé et dédié à nos adhérents). Cette convivialité est formarenforcée par la tenue d’événements nationaux et en régions. Autant d’occasions de se retrouver et d’échanger entre adhérents. La dernière en date a eu lieu en novembre pour célébrer ensemble nos quarante ans d’existence. Une belle longévité sur ce secteur. Nous comptons dans nos rangs un certain nombre d’audioprothésistes adhérents depuis plus de trente ans et même des enfants d’adhérents… [notamment Marine, la fille de Laurent Piron, NDLR]

AD : Quelles perspectives pour 2020 ?
LP :
En 2019, notre développement a été très soutenu. De nombreux projets sont prévus pour 2020, tant en interne qu'avec de nouveaux adhérents. Chez Entendre, parce que nous comprenons l'investissement que peut représenter l'ouverture d'un centre, nous accompagnons l'adhérent en lui versant une subvention forfaitaire pour la création de son centre, sa rénovation ou son déménagement. Notre communication numérique se renforce, nos outils de communication s'élargissent et nous avons développé (avec comme réalisateur Pascal Elbé), deux nouveaux spots Tv, toujours avec notre message « Bien appareillé c'est pas pareil ! ». Nous continuons notre avancée sur une démarche qualité. Des programmes de formation sont également prévus aussi bien pour nos adhérents que pour les assistants, le Challenge Inter-Ecoles...

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