Est-il l’heure de passer à la caisse ? Bercy fait ses comptes... et les dépenses de santé sont clairement dans le collimateur des ministres de l’Économie et des Comptes publics. Après s’être désengagé des soins dentaires, le gouvernement envisage en effet de doubler le montant des franchises médicales, actuellement fixé à 50 centimes par boîte de médicaments et un euro par consultation chez un médecin libéral. L’exercice confine à l’équilibrisme...
« Depuis 2017, on a augmenté l’accès à la santé, aux lunettes, aux prothèses audio, aux soins dentaires, on continue à financer une santé accessible à tous, mais on doit aussi, en responsabilité, trouver parfois de nouvelles sources de financement pour garantir notre modèle », a justifié Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics, lors d’une interview sur France 2, le 25 août. À en croire le locataire de Bercy, le 100 % Santé serait à l’origine du déséquilibre des comptes de la Sécu... Certes, les remboursements ont fortement augmenté en audioprothèse, mais pas pour les deux autres postes. En 2021, la Cour des comptes écrivait que la réforme coûterait 87 M€ par an à l’Assurance maladie : 140 M€ pour les aides auditives, mais compensés par des économies sur les autres postes (53 M€). Même si les ventes d’aides auditives ont largement dépassé les prévisions du gouvernement depuis la mise en place de la réforme, on est loin des 500 à 600 millions d’euros, rapportés par Le Monde, que permettrait le doublement de la franchise médicale.
Et c’est aussi oublier que la réhabilitation de l’audition est un investissement de santé. Laurence Hartmann et Jean de Kervasdoué l’avaient quantifié dès 2016 et, en 2022, une étude publiée dans The Lancet Global Health estimait que dans les pays à hauts revenus, chaque dollar investi dans la santé auditive permet un retour sur investissement de 37 dollars. En 2019, l’Assurance maladie a remboursé 158 M€ d’aides auditives. En 2022, 381 M€. Ces 223 M€ supplémentaires permettraient donc in fine de récupérer plus de 8 milliards d’euros... Alors que la réforme du 100 % Santé vise justement à lever le frein économique pour juguler le renoncement aux soins des Français, le doublement de la franchise médicale semble venir contredire cet objectif et risque par ailleurs de pénaliser les populations plus précaires. En 2019, un sondage réalisé par l’Institut Opinionway pour Les Échos et Harmonie Mutuelle, révélait que 29 % des personnes interrogées déclaraient avoir renoncé à des soins médicaux au cours des 12 derniers mois pour des raisons financières.