Le CNP d’ORL entend évaluer le service médical rendu de l’appareillage auditif

Le Pr Vincent Darrouzet, président du CNP d’ORL, a annoncé le déploiement prochain d’un registre de données PROM en audiologie, destiné à recueillir et comparer les bénéfices rapportés par les patients appareillés. L’objectif : évaluer la qualité des soins non plus seulement à travers les moyens, mais surtout à l’aune des résultats, et s’assurer que les dépenses de santé engagées sont bien pertinentes.

Par Ludivine Aubin-Karpinski

Les Patient-Reported Outcome Measurements (PROM) ou résultats des soins rapportés par les patients pourraient bien révolutionner le système de santé dans les années à venir. Ils étaient au cœur de la conférence internationale « Transformer les systèmes de santé avec les résultats patients », qui s’est tenue le 16 juin à Paris au Conseil économique social et environnemental (CESE), en présence du ministre de la Santé et du directeur général de l’Assurance maladie.

Proms web
Les Pr Vincent Darrouzet, président du CNP d'ORL, et Grégory Katz, titulaire de la chaire Value in Health, de la faculté de médecine – université Paris Cité, et président de PromTime.
 « Depuis des décennies, la mesure de la qualité des soins se focalise sur les moyens mis en œuvre plutôt que sur les résultats, a expliqué le Pr Grégory Katz, titulaire de la chaire Value in Health, de la faculté de médecine – université Paris Cité, et président de PromTime, société spécialisée en datascience. Cette conférence vise à initier un changement de paradigme en accélérant l’émergence des registres de données PROM en France. »

Renforcer la qualité et lutter contre les dérives

Une première expérimentation article 51 a déjà été lancée en 2020 en ophtalmologie sur la cataracte, financée par l’Assurance maladie et déployée par PROMTime. D’autres registres PROM devraient être déployés prochainement et notamment en ORL... sur l’appareillage auditif. Le président du CNP, le Pr Vincent Darrouzet, partie prenante de ce projet, en a présenté les objectifs : « Depuis le 100 % Santé, les Français s’équipent massivement d’audioprothèses, mais est-ce en toute pertinence ? La volonté des ORL est de construire un registre PROM visant à renforcer la qualité de la prise en charge audioprothétique. Il s’agit aussi de lutter contre les dérives constatées dans la filière. » Car les PROM visent à la fois à pousser à l’amélioration des pratiques mais également à réduire les actes non pertinents et les complications évitables, qui représentent, selon l’OMS et l’OCDE, 30 % des dépenses de santé. Dans les pays où ils existent déjà comme en Suède, ils ont permis à la fois l’amélioration des performances – le registre suédois sur les maladies coronaires a entraîné une augmentation de la moyenne nationale des scores de 13 à 29 % entre 2006 et 2009 –, ainsi qu’une économie de 7 milliards d’euros par an pour un investissement de 70 millions d’euros par an, autrement dit 100 euros économisés pour 1 euro investi. En France, 24 % des ophtalmologistes qui comparent les résultats PROM de leurs patients changent leurs pratiques dans les 6 mois.

Des vertus de la comparaison

Concrètement, le registre PROMAudio comparera le score de « Gain de santé » des patients appareillés à travers un questionnaire numérique évaluant leur qualité de vie. Sur la base du volontariat, les ORL enverront les audiogrammes avant-après appareillage et les patients seront invités à remplir un questionnaire pour mesurer leur confort auditif appareillés. La différence des scores après-avant permet de calculer le « Gain de santé ». Le registre établira une moyenne permettant aux praticiens de se comparer pour s’améliorer. « Les registres PROM démontrent que la comparaison des résultats est un puissant catalyseur de changements des pratiques pour les professionnels », a indiqué le Pr Grégory Katz. « Au-delà de son impact attendu sur les prescriptions inutiles et les fraudes, ce système permettra également d’améliorer la qualité des prescriptions et de pousser ORL et MG formés en otologie médicale à réaliser des audiogrammes de qualité, ce qui n’est pas toujours le cas », a précisé Vincent Darrouzet.

Reste à définir une méthodologie standardisée à travers une gouvernance collégiale, associant patients et professionnels de santé, et à déployer une plate-forme numérique interopérée. Mais également à dépasser la « résistance aux changements » des praticiens, comme l’explique le président du CNP d’ORL, qui espère néanmoins le soutien d’un consortium des entreprises de l’audition, fabricants et enseignes, pour financer PROMAudio.

Et, enfin, il faudra se sortir de la contradiction d'un dispositif d'évaluation de la qualité du service audioprothétique laissé entre les mains des ORL (ce qui n'est pas le cas dans le cadre de l'expérimentation sur la chirurgie de la cataracte où les ophtalmo se comparent à leurs pairs).

Newsletter

Newsletter

La newsletter Audiologie Demain,

le plus sûr moyen de ne jamais rater les infos essentielles de votre secteur...

Je m'inscris