Le secteur de l’audioprothèse italien épinglé pour son opacité

Manque de transparence, asymétrie de l’information et couplage appareil / prestations d’adaptation et de suivi... Une enquête sectorielle de l’Autorité de la concurrence italienne pointe du doigt plusieurs dysfonctionnements du marché de l’audioprothèse transalpin et préconise notamment de découpler produit et services.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
Italie

Comme son équivalent français en 2016, l’autorité de la concurrence italienne (AGCM) vient d’achever une enquête sur le secteur de l’audioprothèse, initiée en septembre 2023. Les conclusions, adressées au parlement italien et à d’autres institutions publiques, ont des airs de déjà-vu. Elles mettent en évidence un défaut de transparence tant de l’offre proposée par les acteurs du secteur privé italien que de celle dispensée dans le cadre du service de santé national.

Dans un communiqué de presse, l’AGCM rappelle qu’au moins 7 millions d'Italiens souffrent de problèmes d’audition, parmi lesquels environ 2,5 millions sont appareillés, soit environ 35 %. Un taux d’adoption « nettement inférieur à celui observé où le soutien du service de santé national est plus important (comme la France) », souligne l’instance. « Il s'agit d'un domaine où il existe une marge de croissance et qui semble mériter l'attention, compte tenu des avantages économiques et sociaux associés à l'utilisation des aides auditives, y compris en termes de prévention », est-il indiqué dans le rapport. Autre point de comparaison avec l’Hexagone : les prix moyens des aides auditives en Italie « tendent à être plus élevés que ceux observés sur le marché français » et bénéficient de moins de prise en charge financière.

Surtout, le rapport révèle « une situation profondément enracinée et généralisée de manque de transparence à l'égard des consommateurs ». « [Ils] peinent à obtenir des informations claires, tant sur les aspects techniques que sur le prix des appareils et des services connexes, qui sont généralement vendus ensemble et sans aucune distinction », explique l’instance dans un communiqué. Or, poursuit-elle, « les services représentent la principale dépense du forfait, un fait qui n'est pas perçu par les consommateurs » et ne permet pas la comparaison des prix. L’instance va plus loin et observe : « Le système actuel tend à absorber la valeur du service dans la vente de l'appareil, modifiant l'équilibre et rendant floue la relation entre la valeur commerciale du bien et celle de la prestation du professionnel, qui est décisive pour l'issue du processus de réhabilitation prothétique ». Ces conclusions font écho à celles de l’Autorité de la concurrence française dans son enquête de 2016 sur le secteur de l’audioprothèse hexagonal et à l’issue de laquelle celle-ci avait préconisé la dissociation du prix de l’appareillage initial de l’achat des prestations de suivi. L’instance italienne semble plutôt privilégier le découplage, à savoir « une indication claire et distincte du prix du dispositif par rapport au prix des services associés proposés à l’utilisateur », « sur la base d’informations fournies de manière transparente et compréhensible ». Les motivations sont les mêmes que celles avancées par l’instance française en 2016 : une réduction du coût du « ticket d’entrée » pour s’équiper, ou encore la liberté de choix d’un audioprothésiste différent pour le suivi en cas d’insatisfaction, avec pour avantages d’inciter les professionnels à baisser leurs prix et à améliorer la qualité de leurs prestations pour garder leurs patients ou en attirer de nouveaux.

Le service de santé national italien n’est pas épargné non plus. Le rapport identifie des dysfonctionnements dans les procédures de passation des marchés publics pour l’achat des appareils auditifs. Enfin, dans un souci de « garantir l'efficacité des dépenses publiques et renforcer les mécanismes de concurrence », l’Autorité de la concurrence italienne préconise de rembourser non plus le professionnel mais directement le bénéficiaire grâce à l'introduction d'un « bon d'audition », comprenant à la fois le produit et le service.

Autre recommandation qui n’est pas sans rappeler une demande récurrente de la filière auditive française : l’AGCM plaide pour une grande campagne de sensibilisation à la santé auditive.

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