Les aides auditives ralentissent bien le déclin cognitif... dans certains cas

Les résultats de l’étude interventionnelle menée par l’équipe de Frank Lin – baptisée ACHIEVE – ont enfin été publiés, et mettent presque un terme au débat sur les possibles liens entre déclin cognitif et appareillage. 

Par Bruno Scala
audioprothese cerveau profil

C’était l’étude la plus attendue dans le secteur de l’aide auditive. Les résultats de l’essai clinique ACHIEVE* mené par l’équipe de Frank Lin, à la Johns Hopkins Medical School de Baltimore (États-Unis), viennent d’être publiés dans The Lancet [1]. Cette étude, lancée il y a plus de 6 ans – Frank Lin en parlait déjà lors du congrès de l’Ifos qui s’est déroulé à Paris en 2017 –, devait statuer sur les liens entre appareillage et déclin cognitif. Elle devait confirmer ou infirmer les résultats de l’étude observationnelle et rétrospective d’Hélène Amieva [2], suggérant que l’appareillage permet de freiner le déclin cognitif lié à l’âge. Seule une étude interventionnelle – on donne des aides auditives à certains patients, pas à d’autres, et on regarde l’évolution de la cognition sur plusieurs années – en était à même de le faire. 

Et, en effet, l’étude interventionnelle de Frank Lin vient – partiellement – confirmer celle d’Hélène Amieva : « L'appareillage pourrait réduire les changements cognitifs sur 3 ans chez les populations d'adultes âgés à risque accru de déclin cognitif », écrivent les auteurs dans leur conclusion. Notez l’emploi prudent du conditionnel (« might » dans la version originale), indiquant que ces conclusions nécessitent d’être reproduites pour être confirmées. Par ailleurs, les effets à plus long terme devront être observés. Surtout, les auteurs précisent que cet effet n’a en revanche pas été observé sur les « populations à risque réduit de déclin cognitif ». 

Un effet sur les sujets à risque 

Que signifie cette nuance ? En fait, lors de leur analyse globale, les chercheurs n’ont pas observé de différence de déclin cognitif entre les personnes appareillées et les sujets contrôles. Mais ils ont procédé à une analyse plus fine de leurs résultats, en créant des sous-populations : d’un côté des personnes étant engagées dans un autre essai clinique, et en moyenne plus âgées, avec des capacités cognitives déjà moins importantes au début de l’essai clinique et présentant certaines comorbidités liées à un risque de déclin cognitif ; de l’autre, des personnes recrutées spécifiquement pour l’essai clinique ACHIEVE. Or, chez le premier groupe, l’appareillage a eu un effet bénéfique : le déclin cognitif global a été sensiblement ralenti, de 48 %. Ces résultats doivent néanmoins inciter à la prudence, car ils ne concernent que deux aspects de la cognition : la cognition globale et le langage. Aucune amélioration n’a été notée pour les fonctions exécutives ou la mémoire. 

En d’autres termes, ces résultats suggèrent que l’appareillage ne permet sans doute pas de réduire le déclin cognitif d’une personne de 60 ans en bonne santé, avec une presbyacousie naissante. En revanche, le déclin de certains aspects cognitifs sera probablement ralenti pour une personne plus âgée, avec déjà une cognition affaiblie et présentant certains facteurs de risques de déclin cognitif. « L'appareillage chez les adultes âgés de 70 ans et plus qui présentent un risque accru de déclin cognitif et de démence pourrait avoir un effet important sur la réduction des changements cognitifs dans les 3 ans », résument ainsi les auteurs dans la publication. 

*ACHIEVE, pour Aging and Cognitive Health Evaluation in Elders 

Newsletter

Newsletter

La newsletter Audiologie Demain,

le plus sûr moyen de ne jamais rater les infos essentielles de votre secteur...

Je m'inscris