Les Deaflympics, des olympiades pour sourds peu connues

Autrefois baptisés « Jeux mondiaux silencieux », les Deaflympics reviendront à l’automne 2025 à Tokyo. Moins connues que les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques, ces olympiades pour sportifs sourds ou malentendants peinent à s’organiser alors que l’évènement reste la compétition phare des sports sourds.

Par Violaine Colmet Daâge
Losange web

Paméra Losange n’était pas à Paris pour célébrer le début des Paralympiques. Pas plus que pour les JO. Il y a un an pourtant, la jeune sprinteuse atteinte de surdité et championne de France sur 200 mètres pensait fouler les pistes parisiennes aux côtés des athlètes dits valides et participer à la fête. Mais une blessure a emporté son rêve. En 2022, la championne avait décroché l’or aux Deaflympics, les olympiades pour sportifs sourds ou malentendants, qui se sont tenues à Caxias do Sul, au Brésil.

Un siècle d’olympiades pour sourds ou malentendants

Créés à Paris en 1924 par Eugène Rubens-Alcais, les Deaflympics rassemblent les meilleurs sportifs mondiaux sourds ou malentendants. Pour y participer, le règlement stipule que les athlètes doivent être atteints d’une perte auditive d’au moins 55 dB à la meilleure oreille et ne pas utiliser leurs implants ou appareils auditifs au cours des épreuves. Initialement baptisée « Jeux mondiaux silencieux », la compétition a évolué au fil des années, « notamment en termes de niveaux de performance », souligne le directeur des sports du Comité paralympique et sportif français – également en charge des Deaflympics – Jean Minier. L’évènement a aussi gagné en importance : de 148 sportifs issus de 9 pays en 1924 à près de 3 000 athlètes en provenance d’une centaine de pays aujourd’hui. Comme les JO et les JOP, les Deaflympics proposent en alternance tous les deux ans une sélection de sports d’été et d’hiver.

En 2022, la France s’est glissée dans le top 10 des nations les plus primées, les 56 athlètes français qui s’étaient envolés à Caxias do Sul ont rapporté 16 médailles, dont 8 d’or. Paméra Losange en avait décroché deux. « Les Deaflympics m’ont permis de découvrir la compétition chez les sourds, c’était ma première compétition avec le handisport », raconte-t-elle. « La compétition est multisports et nous représentons la France, apprécie le double-médaillé de bronze en bowling Ludovic Bartout. C’est donc plus de pression mais aussi plus de soutien de la part des autres sportifs. » Pour la communauté sourde, « c’est un moment unique, les sportifs sont hyper investis et très heureux de s’y rendre », témoigne aussi Marion Sahbani de la Fédération française handisport (FFH)*.

Une visibilité à la peine et une organisation chaotique

À distance des JO et des JOP largement médiatisés, les Deaflympics peinent toutefois à trouver un équilibre. « Le comité international des sports sourds (ICSD) ne dispose pas des mêmes moyens que le CIO ou l’ISD, regrette Jean Minier. Par exemple, il n’a pas les moyens de produire des images. Par conséquent, les médias télévisuels se désintéressent de l’évènement ». Depuis 2022, le Comité paralympique français prend en charge le transport et l’hébergement de la délégation hexagonale mais l’organisation internationale reste chaotique. En 2022 par exemple, au Brésil, « l’épreuve de bowling a été déplacée au dernier moment… en Malaisie ! », se souvient la bowleuse Noémie Raynaud. Des couts difficiles à supporter quand les budgets sont serrés. Résultat : la sélection des athlètes est sévère. « Nous n’envoyons aux Deaflympics que les sportifs dont les performances permettent d’espérer des médailles », regrette Marion Sahbani.

Se rapprocher des JO ou des JOP

Au cours des années 1980, l’ICSD avait signé des accords avec le Comité paralympique. Mais en raison de différends entre les fédérations internationales, le comité sourd a repris son indépendance. Un rapprochement qui semble aujourd’hui toujours impossible. « Les jeux olympiques et paralympiques disposent d’un nombre limité de places : aux alentours de 10 000 athlètes pour les JO, et 4 000 pour les JOP, explique Jean Minier. Or, les Deaflympics représentent à eux seuls plus de 2 000 athlètes et 20 sports. S’il y a un rapprochement, ce ne sera que portion congrue. »

Du côté des athlètes, les avis sont partagés. Pour Paméra Losange, « même s’il faut garder les compétitions internationales des sourds », les athlètes devraient être intégrés automatiquement aux JOP et, selon leurs résultats, aux JO. « Il faut s’ouvrir à l’autre, faire un effort pour s’intégrer et ne pas rester isolés entre les JO et JOP. C’est mon grand regret pour Paris 2024. » À l’inverse, Noémie Raynaud apprécie le regard spécifique porté à la surdité et aux problèmes d’audition, grâce aux Deaflympics. « S’ils étaient regroupés avec les JOP, peut-être seraient-ils noyés parmi les autres sportifs », s’interroge aussi Marion Sahbani.

Atteindre le haut niveau

Le chemin vers le haut niveau pour le sportif sourd est semé d’embuches : trouver le bon club, le bon entraineur ou les financements adéquats. Depuis 2017, le ministère des Sports propose aux fédérations nationales d’inclure les sportifs sourds. Certaines, comme celle de badminton, le font, les autres restent dépendantes de la FFH. Quant aux soutiens financiers, ils demeurent difficiles d’accès. « Tous les sponsors qui m’ont approchée, c’était (...) pour préparer les JO 2024 à Paris, note la sprinteuse. Pour les Deaflympics, aucune aide. Même pas de la FFH ». Même après deux médailles d’or au Deaflympics.

* À partir de septembre 2024, la Fédération française handisport ouvrira la pratique sportive aux malentendants plus légers, dès 30 dB de perte auditive.

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