Les promesses du stéréoBiCROS sous l’œil expert de Morgan Potier

Dans le cadre de son doctorat, l’audioprothésiste s’intéresse notamment aux potentialités de ce dispositif qu’il a été l’un des premiers à tester et à baptiser.

Par Stéphane Davoine
(c)Andrii Yalanskyi AdobeStock

L’innovation n’est pas qu’un produit de la R&D, elle peut aussi résulter de la pratique quotidienne. Le stéréoBiCROS (ou TriCROS) – qui permet l’appareillage des subcophoses associées à une oreille controlatérale malentendante – en est un exemple. En 2015, Morgan Potier a fait partie des précurseurs du dispositif. « Cette année-là, nous avons pu, en laissant actif le mode d’écoute téléphonique binaural, détourner la fonction initialement prévue à autre chose, pour router le signal vers la meilleure oreille – comme un CROS – tout en stimulant la plus atteinte : un mode de stimulation que l’on attendait depuis longtemps pour les patients subcophotiques », explique l’audioprothésiste indépendant de Narbonne et membre du bureau de la SFA.

S’il qualifie donc volontiers ce système détourné de « bidouille », Morgan Potier est avant tout un passionné de recherche, lui qui a entamé un doctorat en Neurosciences à l’université d’Aix-Marseille au sein du laboratoire CNRS UMR 7291 d’Arnaud Noreña. Ciblant précisément les compensations novatrices dans le cadre des réhabilitations auditives neurosensorielles asymétriques, ses travaux ont déjà donné lieu à une publication [1] montrant les avantages du système en conduction osseuse Adhear (MED-EL) sur la compréhension dans le bruit chez les personnes présentant des surdités unilatérales.

Même si l’implant donne de meilleurs résultats, les ratios coût/efficacité et coût/risque du StéréoBiCROS suggèrent que ce dernier n’est pas en reste et qu’il doit être testé pendant un mois avant d’envisager l’implantation pour les subcophoses

Morgan Potier, audioprothésiste et doctorant

Un autre pan de la thèse de Morgan Potier explore, chez les patients souffrant de pertes asymétriques, l’effet sur les acouphènes de diverses stratégies de réhabilitation dont le StéréoBiCROS qui produit une baisse de la sonie et de la gêne de l’acouphène comparable à celle observée par l’implantation cochléaire [2]. « Même si l’implant donne de meilleurs résultats, les ratios coût/efficacité et coût/risque du StéréoBiCROS suggèrent que ce dernier n’est pas en reste et qu’il doit être testé pendant un mois avant d’envisager l’implantation pour les subcophoses », explique Morgan Potier.

Progressivité dans la délivrance de l’amplification

L’adaptation d’un stéréoBiCROS présente des spécificités. « Pour parvenir à une stimulation optimisée, on doit délivrer encore plus progressivement qu’à l’accoutumée notre amplification car l’oreille la plus atteinte n’est pas apte à recevoir d’emblée une amplification définie sur les bases de calculs habituelles », révèle Morgan Potier. La gestion des basses fréquences, pénalisées par l’effet « filtre en peigne » dû au retard entre le temps d’arrivée (analyse) du son routé par rapport au son naturel dans la meilleure oreille est un autre écueil. « Contrecarrer cet effet est ardu. La solution actuellement acceptée est de diminuer drastiquement le gain jusqu’à 750-1 000 Hz, ce qui est contre-intuitif », précise encore l’audioprothésiste.

Pour vérifier les promesses du stéréoBiCROS, les fabricants devront permettre des réglages aujourd’hui inaccessibles et donc limitants pour les professionnels. Pour Morgan Potier, trois sont essentiels : « L’accès à une directivité microphonique adaptative, pour améliorer le rapport signal/bruit, aujourd’hui omnidirectionnel, l’intégralité des algorithmes de reconnaissance de la parole et de filtrage du bruit – non disponibles en mode téléphone binaural – et enfin la possibilité d’une modification du niveau de flux pour le renvoi entre la mauvaise et la bonne oreille ». Un sujet passionnant qui ne manquera pas d’animer les nombreuses sessions du 36e Congrès Mondial d’Audiologie (19-22 septembre 2024, Cnit – La Défense – Paris) qui seront consacrées aux surdités asymétriques.

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