« L’intelligence artificielle pourrait améliorer l’implantation cochléaire »

ORL à Grenoble, Raphaële Quatre est spécialiste de l’implantation cochléaire tant dans sa pratique clinique que dans ses travaux de recherche. Dans le cadre de sa thèse de sciences, elle développe un algorithme d’intelligence artificielle. Avec pour objectif d’améliorer la prise en charge des patients atteints de surdité sévère à profonde, candidats à l’implantation cochléaire.

Propos recueillis par Katia Delaval
Espoirs de la recherche_Raphaele Quatre
IRM de diffusion avec séquences de tractographie cérébrale, montrant les voies auditives centrales en jaune chez un patient avant implantation.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à l’implantation cochléaire ?

Lorsque j’ai débuté mon internat en ORL dans le service de Sébastien Schmerber, au CHU de Grenoble, j’ai pu toucher à toutes les spécialités de cette discipline car c’est un service polyvalent. J’ai tout de suite été attirée par la prise en charge de la surdité. Je me suis spécialisée en otologie et en implantologie auditive en 4e année. Après l’obtention de mon poste de praticien hospitalier (PH), j’ai voulu aller plus loin dans cette thématique en me lançant, en 2021, dans une thèse de sciences.

Je souhaite appliquer l’intelligence artificielle, un secteur en plein développement, à l’implantation cochléaire. Cette thèse est au croisement de plusieurs technologies de pointe et je la réalise donc au sein de deux laboratoires grenoblois : la startup GeodAIsics,spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée à la médecine et dirigée par le neuroradiologue Arnaud Attyé, et le Brain- Tech Lab de l’université de Grenoble, sous la direction du Pr François Berger.

espoirs etapes quatre
Quel est l’objectif de cette thèse de recherche ?

L’idée est de développer un algorithme qui puisse prédire les résultats de l’implantation cochléaire sur la réhabilitation de l’audition des patients. L’objectif serait d’étendre les indications à l’implantation, de déterminer les délais optimaux pour la prise en charge de ces patients atteints de surdité sévère à profonde en fonction des résultats que nous obtiendrons. Certains facteurs cliniques de réussite de l’implantation cochléaire sont déjà connus : âge des patients, durée et étiologie de la surdité, durée d’appareillage auditif, etc. Concernant le rôle des voies auditives centrales dans la réussite ou l’échec de l’implantation cochléaire, on dispose en revanche de peu de données [1]. Des résultats d’IRM montrent qu’il y a une démyélinisation des fibres auditives périphériques et centrales chez les patients sourds et des études animales semblent indiquer une atteinte neuronale dégénérative antérograde dans les surdités d’origine cochléaire.

Comment construisez-vous cet algorithme prédictif ?

Pour créer cet algorithme, nous lui fournissons les données d’examens réalisés chez des patients avant et après implantation cochléaire, avec leur accord. Ce sont des personnes que nous prenons en charge et que nous opérons, le Pr Schmerber et moimême, au CHU. Plus précisément, nous utilisons à la fois des paramètres cliniques et des données d’imagerie – scanner du rocher et IRM des oreilles internes et des conduits auditifs internes – avant implantation.

Nous incluons ensuite les résultats de l’implantation à 12 mois, basés sur les tests d’audition et de qualité de vie. Ce que nous ajoutons à ces examens classiques, préconisés dans le cadre d’une implantation cochléaire, ce sont des données d’imagerie pré-implantation innovantes : des IRM des voies auditives centrales. Elles nous permettent d’estimer le volume des fibres auditives, qui pourrait être un indicateur de la réussite de l’implantation cochléaire. On ne peut toutefois pas utiliser ce type d’IRM après l’intervention chirurgicale car cela interfère avec l’implant cochléaire. Tous ces tests sont réalisés au CHU, puis leur intégration numérique pour créer l’algorithme se fait ensuite au sein de GeodAIsics. L’intelligence artificielle nous permet de faire évoluer les données d’entrée au fur et à mesure de leur acquisition, ce que ne permet pas un algorithme classique.

Cet outil promet d’être très novateur dans la prise en charge de l’implantation cochléaire. Quand pensez-vous qu’il sera fonctionnel ?

Pour avoir un algorithme puissant, il est nécessaire d’avoir des données robustes et donc, il nous faut prendre en charge et suivre une soixantaine de patients, qui ont reçu le même type d’implant. Après une implantation cochléaire, la réhabilitation auditive est progressive : il faut donc attendre au moins 12 mois pour obtenir des effets optimaux sur l’audition. J’espère pouvoir évaluer la pertinence de l’algorithme dans moins d’un an. Il pourrait ensuite être disponible dans les mois qui suivent…

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