Michaël Tonnard, directeur général d’Audika : « Notre stratégie axée sur l’expertise, la proximité et l’accessibilité reste d’actualité et nous accélérons sa mise en œuvre »

Après une importante phase de structuration initiée après le rachat par le groupe Demant, Audika engage un plan de développement ambitieux. Le réseau s’appuie sur les valeurs qui ont fait son succès ainsi que sur son caractère pionnier pour viser les 800 centres.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Portrait Michael Tonnard
Michaël Tonnard, directeur général d'Audika

Votre père, Jean-Claude Tonnard, est décédé en octobre 2023. Avec son frère, Alain Tonnard, il a fondé Audika, il y a 45 ans. Est-ce une page qui se tourne pour l’entreprise ?

Audika est née d’une démarche visionnaire. Alain et Jean-Claude Tonnard ont sorti l’audioprothèse de l'arrière-cour où elle était cantonnée et révolutionné le secteur en dédramatisant et démocratisant l’appareillage. Dès l’origine, ils ont su s’entourer de collaborateurs très investis avec lesquels ils ont contribué à faire bouger les lignes. Ils ont introduit la plupart des innovations technologiques en France, et notamment le premier intra, bien conscients que la principale demande des patients était la discrétion et que celle-ci participait à améliorer l’acceptation. D’une startup reposant sur un modèle de franchises, ils ont su faire grandir l’entreprise. Son introduction en bourse en 1998 a marqué un véritable tournant en lui permettant d’évoluer vers un modèle succursaliste. Dix-sept ans plus tard, ils ont su prendre un autre cap avec l’entrée du réseau dans le groupe Demant. Cette décision a accéléré le développement d’Audika et lui a donné les moyens de s'inscrire dans la durée au sein d’un marché de plus en plus concurrentiel. Le nombre de nos centres a ainsi fortement augmenté entre 2015 et 2023, passant de 450 à plus de 600 points de vente. Nous comptons aujourd’hui 1 400 collaborateurs et entretenons l’esprit familial originel et les valeurs fortes sur lesquelles l’entreprise s’est construite.

L’appartenance à Demant est désormais parfaitement assumée. Comment faire coïncider cet héritage avec la vision d’un groupe international ?

C'est un peu mon sujet quotidien depuis ma nomination à la direction générale d’Audika il y a quatre ans ; c’est aussi une sorte d'hommage à mon père et mon oncle, qui souhaitaient développer le réseau à l’international. Demant a choisi de faire d'Audika sa marque de distribution et la déploie partout dans le monde.

Je tiens à entretenir cet héritage, à continuer de construire sur nos valeurs historiques tout en les adaptant au monde d’aujourd’hui et en les conjuguant à celles du groupe Demant. C’est un subtil équilibre pour à la fois rester fidèles à qui nous sommes mais aussi accompagner le groupe là où il souhaite aller. Nous avons, pour cela, la chance de partager un savoir-faire exclusif en matière de santé auditive et des valeurs communes autour des notions d’équipe, d’engagement positif, de confiance et de performance ; et le tout associé à une attention portée au client. La signature d’Oticon, « People First », fait écho à ce qui anime les équipes Audika au quotidien : aider le plus grand nombre à entendre mieux et changer leur vie. Il s’agit de la mission initiale de l’entreprise créée par Alain et Jean-Claude Tonnard et qui repose sur trois piliers : proximité, expertise et accessibilité. Notre stratégie axée sur ces trois notions reste d’actualité. Nous accélérons sa mise en œuvre pour une expérience client toujours plus pointue.

Nous sommes plus que jamais investis dans la poursuite de notre développement et toujours en conquête.

Comment se traduisent ces priorités stratégiques en 2024 ?

Nous continuons de capitaliser sur la proximité, pour être au plus proche et à l'écoute de nos clients. Nous sommes plus que jamais investis dans la poursuite de notre développement et toujours en conquête. L’année dernière, nous avons dépassé les 600 centres avec une quinzaine d'acquisitions. Pour 2024 et les années suivantes, nous nous sommes fixé un plan ambitieux d’intégrations mais également de créations. Nous visons ainsi les 800 centres pour améliorer encore notre maillage territorial.

Cette proximité est également importante dans les relations que nous construisons avec nos collaborateurs. C’est un aspect auquel nous sommes historiquement attachés chez Audika et sur lequel nous avons beaucoup travaillé depuis 2015. Je suis convaincu du bienfondé du principe de symétrie des attentions, c’est pourquoi je tiens à continuer de mettre l’humain au cœur du projet de l'entreprise. Un collaborateur heureux au travail sera plus impliqué et s’occupera encore mieux de ses patients. Ainsi, nous portons une attention toute particulière à améliorer la qualité de vie au travail et à l’engagement de nos équipes. Nous les aidons également à être plus performantes pour augmenter encore le savoir-faire et l’expertise, notamment au sein des centres Audika. Nous avons mis en place un certain nombre d’outils nouveaux et collaboratifs. En 2022, nous avons bâti notre nouvelle marque employeur en co-construction avec nos collaborateurs en mettant en avant notre culture d’entreprise. De même, nous finalisons un travail destiné à évaluer les moments clés du parcours de nos clients afin d’améliorer leur expérience à chaque étape. Enfin, nous attachons une grande importance au processus d’intégration et à la construction des équipes. Nous avons nommé des managers de proximité qui accompagnent nos audioprothésistes et coordinatrices de centre et prennent une part active dans leur formation continue sur le terrain.

Quid du troisième pilier, l’accessibilité ?

Cela fait 45 ans qu'Audika œuvre pour améliorer l’accessibilité aux solutions auditives. Nous avons créé une marque, connue et reconnue en communiquant pour dédramatiser le fait de s’appareiller. Aujourd’hui, cela devient une norme, alors que c’était un tabou. Par notre communication, nous avons aussi largement contribué à développer le marché et la reconnaissance du secteur par le grand public, mais aussi par les autorités. Aujourd’hui, nous continuons dans ce sens, tout en allant davantage sur le terrain pour sensibiliser et mener des actions de prévention, comme au travers de la campagne « Pour une meilleure audition », auprès des entreprises membres de la Silver Alliance dont nous faisons partie ou encore au sein de résidences seniors. Ce volet prévention nous paraît essentiel aujourd'hui dans la mesure où, malgré le 100 % Santé, trop de personnes malentendantes ne sont toujours pas appareillées. Il faut aller vers elles et nous mettons un point d'honneur à faire connaître la réforme, bien sûr, mais aussi et surtout ce qui l’a motivée, à savoir l’importance de prendre soin de son audition. Audika se doit de continuer à faire bouger les lignes sur le marché.

Envisagez-vous des solutions de télésanté pour répondre à cet enjeu de l’accessibilité aux soins ?

L’un des freins à l’accessibilité est en effet la problématique des ressources humaines dans notre filière, dans certains territoires : le manque d'audioprothésistes mais également d’ORL et plus globalement les difficultés d'accès à la prescription médicale. Ce sont des paramètres plus prégnants aujourd’hui qu’auparavant. Je pense qu’il nous faut trouver des outils innovants pour faciliter le parcours des patients et se rapprocher d’eux.

Néanmoins, la réglementation pour recourir à la téléaudiologie reste très complexe et toujours en discussion. Si demain la situation évolue, nous sommes prêts ; la technologie est là. Il est en effet essentiel de fixer un cadre pour éviter les dérives. Passons maintenant aux expérimentations, ce qui nous permettra de choisir la meilleure solution et d’identifier les écueils pour apporter des réponses satisfaisantes pour le bénéfice du patient.

Audika attache beaucoup d’importance au binôme audioprothésiste-coordinatrice de centre. Est-ce le moyen de pallier le manque d'audios ?

Nous avons une coordinatrice par centre – ce qui n’est pas le cas des audios. Pour cette raison, nous sommes particulièrement rigoureux dans leur intégration et leur recrutement. Leur métier couvre à la fois des aspects relationnels, commerciaux, administratifs et techniques ; elles doivent être très polyvalentes pour permettre à nos audioprothésistes de se concentrer sur leur cœur de métier. Le poids de l’administratif est de plus en plus lourd pour nos équipes et le 100 % Santé a normé beaucoup de tâches mais certaines pourraient, à mon avis, être déléguées. Je pense qu’un décret de compétences clarifierait clairement ce qui relève de la responsabilité de l’un et de l’autre. Ce serait l’occasion de réfléchir à mieux répartir certaines tâches sans valeur ajoutée pour le métier d'audioprothésiste afin de leur faire gagner du temps pour accompagner et suivre leurs patients.

Un peu de prospective : comment envisagez-vous l'évolution du marché les prochaines années ?

Après une année 2024 plus ou moins à l'identique de 2023, on peut compter sur une nouvelle période de croissance avec les renouvellements des patients appareillés en 2021. Surtout, j’ai bon espoir que nous aurons trouvé des leviers pour améliorer l’accès aux soins et notamment aux primo-prescriptions. Le Synea est engagé, avec les autres acteurs de la filière, dans une réflexion sur ces enjeux. Nous allons continuer à communiquer pour faire connaître nos solutions au plus grand nombre. La technologie évolue, nos produits sont toujours plus innovants et notre expertise toujours plus grande. Le marché devrait continuer de progresser. Il repose sur trois dimensions très porteuses : une population de malentendants croissante, dont l'espérance de vie s’allonge et qui s’équipe de plus en plus tôt. Je suis très optimiste, ce qui explique notre ambitieux plan de conquête.

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