Vous prenez la présidence de la SFA. Que ressentez-vous ?
Les anciens présidents de la SFA sont tous extrêmement connus, reconnus et respectés dans la profession : que ce soit le Dr Isabelle Mosnier, le Pr Hung Thai-Van qui a présidé le congrès mondial, ou bien François Dejean qui est un audioprothésiste ayant marqué l’appareillage pédiatrique en France. Ils sont tous dotés d’une force de travail, d’une intégrité et d’une simplicité déconcertante. Je suis donc très honoré mais surtout impressionné de prendre leur suite, et j’espère être à la hauteur !
Comment se compose votre équipe ?
La réflexion sur la composition du bureau est en cours et celui-ci sera annoncé d’ici peu. J'aime bien l'idée de ne pas me précipiter, de composer une équipe en concertation avec les autres membres, et de trouver ainsi un équilibre tant en termes d’expérience avec la présence « d’anciens » et également avec l’arrivée de « nouveaux » qui pourront amener leur énergie.
J’aimerais donc faire appel, au sein des membres actuels, à des personnes susceptibles de s’investir davantage, d’apporter leur expertise au sein du conseil d’administration et qui, comme nos statuts le prévoient, pourront par la suite faire partie du bureau si elles le souhaitent. Il y a des pépites partout ; il faut les valoriser. Nous communiquerons sur ce nouveau bureau sans doute en début d'année prochaine mais je peux déjà vous dire qu’il va s’étoffer et que je serai attentif autant à sa parité, qu’au fait que toutes les professions constituant l’audiologie en France soient représentées.
Quelle est votre feuille de route pour votre mandat ?
Je souhaite m’inscrire dans la continuité des présidents successifs qui m’ont précédé et qui ont unanimement œuvrer à faire briller l’audiologie, tout en tentant d’amener une forme de nouveauté. Nous évoluons dans un monde en pleine mutation et l’audiologie n’y échappe pas. Je pense par exemple à renforcer notre communication digitale, à imaginer de nouveaux formats de congrès, à impliquer de nouveaux professionnels en rapport à l’audiologie comme des phonéticiens… Le tout en restant dans la dimension scientifique et la neutralité qui caractérisent tant la SFA.
La communication est-elle un axe important ?
Oui, je souhaite beaucoup travailler sur la communication car elle est indispensable. Je m’en suis chargé au Collège national d’audioprothèse et cela a été bénéfique. Je vais donc appliquer sensiblement les mêmes recettes : présence moderne et renforcée sur les réseaux sociaux, communication scientifique destinée aux professionnels, réflexion sur de nouvelles thématiques de recherche via des articles, les colloques... Je suis toujours étonné de voir que certains de mes confrères (et amis) ne sont pas informés de la vie de notre association. Cela veut dire qu'il existe encore un sacré travail pour arriver jusqu’à eux !
J'ai envie de communiquer davantage sur ce que l'on propose, comme les webinaires appelés « les mardis de la SFA », de format court (1 heure) et très « pratiques », gratuits, ouverts à tous, et pour lesquels il suffit de s’inscrire. On ne peut pas faire mieux en termes de modèle et d’accessibilité concernant la veille scientifique et technique !
La SFA organise aussi des colloques...
Historiquement, la SFA alterne entre un congrès mineur une année, puis un autre majeur l'année suivante. En 2024, c’était un peu différent car le WCA est venu bousculer notre cycle. J'ai à cœur de réfléchir à une nouvelle organisation, un nouveau modèle, peut-être sur un format hybride… S’il est important et agréable de se voir en présentiel, de se retrouver, d'échanger, j'aime bien aussi l’idée qu’on puisse assister plus facilement à une session en visio. Car en plus d’être écologique, c’est également un gain de temps non négligeable pour le praticien !
Très tôt, j’ai compris que l'audioprothésiste ne pouvait pas offrir une prise en charge optimale s’il exerçait « seul » dans son coin
Quel bilan dressez-vous du WCA qui a eu lieu en septembre ?
C'est une réussite historique ! Le programme scientifique concocté par le comité d’organisation a été splendide et unanimement salué. C’était très impressionnant d’être en première ligne et de rencontrer toutes ces personnes dont des sommités mondiales de notre discipline. La SFORL, co-organisateur de l’évènement a été un atout précieux dans cette réussite et je tiens à les remercier. Au total, il y a eu près de 2 400 congressistes, alors que le record était de 900 participants. Si je veux bien croire qu’on a pas mal contribué à cette attractivité, je dois relativiser car le déroulement des JO la même année à Paris, peu de temps avant le WCA, a certainement permis de catalyser les choses.
J’avais, depuis quelques années, la responsabilité de trésorier de la SFA et il m’a été confié celle du WCA. Nous sommes actuellement en train de dresser le bilan financier de l’évènement mais les premiers éléments économiques sont très satisfaisants même si, de mon point de vue, c’était avant tout l'aventure scientifique, technique et humaine qui étaient la priorité !
Comment allez-vous utiliser ces fonds ?
Notre société savante était déjà en très bonne santé économique. C’est le fruit d’années de présidence et de gestion financière adéquates. Avec le WCA, il va y avoir un bénéfice non négligeable que nous allons devoir utiliser convenablement. Je vais proposer des choses mais ce n’est pas mon argent donc nous allons y réfléchir tous ensemble, comme nous avons toujours fait au sein de la SFA.
Notre ambition va être de favoriser la recherche, la coordination des soins et, plus largement, de réutiliser ces fonds pour qu'il y ait un intérêt direct ou indirect dans la qualité de la prise en charge des patients malentendants.
Sur le plan scientifique, quels sont les projets à venir ? Des recommandations sont-elles dans les tuyaux ?
Nous avons des groupes de travail (GT) dynamiques qui étudient activement certains aspects de notre discipline, participent à la rédaction de recommandations... Dès que l'on arrive au bout d’un travail, nous n'hésitons pas, en fonction des volontés ou compétences de nos membres, à nous renouveler en clôturant certains GT pour en ouvrir d'autres. D’où l’intérêt et la nécessité d’investir de nouvelles personnes.
Par exemple, en 2024, Natalie Loundon a pu publier un document sur l’audiométrie vocale de l’enfant grâce au GT qu’elle a piloté très efficacement. Il y aura sans nul doute d’autres GT qui aboutiront très bientôt comme celui portant sur le diagnostic génétique et prénatal ou préimplantatoire des pathologies avec atteinte auditive, actuellement co-piloté par Sandrine Marlin et Arnaud Coez.
Avec l’aide du CA, j’'ai envie d’identifier de nouveaux besoins, ainsi que d’investir de nouveaux experts. Je pense par exemple à des chercheurs, faisant eux aussi partie intégrante de l’audiologie, comme Jean-Luc Puel, Jérôme Bourien, Balbine Maillou ou Joël Ducourneau qui nous ont rejoints et qui pourraient être amenés à diriger de nouveaux GT.
Vous souhaitez davantage de coopération entre les différentes professions. Concrètement, comment favoriser la pluridisciplinarité ?
Pour commencer, je dois préciser que les professionnels de l’audition ne m'ont pas attendu pour le faire. La SFA a toujours cultivé cet état d’esprit où chaque professionnel de l’audition est écouté et respecté et peut amener sa pierre à l’édifice. Cela se fait au sein de groupes de travail, au travers de la mise en place de programmes scientifiques, de projets, etc.
Au cours de mon mandat, j'aimerais peut-être donner une place plus importante à l'orthophonie. Sans doute parce que j’y ai été sensibilisé pendant mes études : j’ai passé un DU de phoniatrie qui m’a rapproché des orthophonistes et m’a permis de mieux comprendre leur contribution en audiologie. En effet, lorsque l’on parle d’audiologie, on place souvent l’ORL et l’audioprothèse en tête de liste, en mettant l’orthophonie au deuxième plan, c’est une erreur à mon avis. Bien que moins nombreux à la SFA, les orthophonistes présents dans notre société savante sont extraordinairement dynamiques et brillantissimes et leur expertise est précieuse. Les deux prochaines années, j’aimerais qu'ils puissent s'exprimer davantage, peut-être tout simplement par l’intermédiaire d’un webinaire spécialement dédié à leur prise en charge de la surdité. Plus largement, j’aimerais mettre un coup projecteur sur l’importance de leur implication, minorée à tort…
Vous avez croisé des spécialités différentes et fait de la recherche au cours de votre formation (cf. encadré). Cela vous a-t-il apporté une meilleure appréhension du secteur ?
C’est tout à fait exact. Très tôt, j’ai compris que l'audioprothésiste ne pouvait pas offrir une prise en charge optimale s’il exerçait « seul » dans son coin. La prise en charge est d’autant plus efficiente qu’elle est faite de façon globale en s’inscrivant dans un projet multidisciplinaire, avec l’ORL ou l’orthophoniste évidemment, mais également avec d’autres corps de métier. C’est tout l’intérêt de se retrouver au sein d’une structure comme la SFA. Pour ma part, j’implique par exemple beaucoup les médecins généralistes dans ma pratique quotidienne et j’essaie de m’entourer d’un maximum de professionnels dans les lieux où j’exerce (polyclinique, maisons/pôles de santé) avec des orthophonistes, mais aussi des psychomotriciens, kinésithérapeutes et ostéopathes, infirmiers…
En croisant nos pratiques, et en se connaissant mieux, c’est le patient qui est gagnant. Cela m’a apporté beaucoup de richesse et de pertinence dans ma prise en charge, alors c’est tout naturellement que je m’investis avec bonheur dans cette belle société qu’est la SFA, puisqu’elle est l’exemple même de diversité d’expertises conjointes.