11 Décembre 2025

« Nous devons défendre la réalité de nos métiers face à des décideurs politiques qui raisonnent avant tout en contraintes budgétaires »

Nommé au printemps à la tête de WS Audiology France, Nicolas Sériès déroule une feuille de route ambitieuse. Rompu aux transformations industrielles, l’ancien patron de Zeiss France s’est lancé dans la réorganisation des marques du groupe et de ses services, et souhaite notamment retisser le lien avec les ORL. Une stratégie guidée par deux boussoles : l’innovation et l’expérience client.

Propos recueillis par Ludivine Aubin-Karpinski
Nicolas SERIES
Nicolas Sériès, président de WS Audiology France

Vous avez pris vos fonctions de directeur général de WS Audiology France en avril 2025. Qu'a recherché le groupe en vous confiant cette mission ?

J’ai passé quinze ans chez Zeiss, où j’ai piloté la transformation de l’entreprise avec pour priorités de rapprocher la marque de ses clients et des consommateurs et d’améliorer l’expérience client. Le groupe WSA voulait quelqu’un capable de conduire une nouvelle étape pour la filiale française, après la fusion internationale de Widex et Sivantos, pour gagner en cohérence et en efficacité.

Sur un plan personnel, cette nouvelle mission m’enthousiasme. Là où en optique le parcours patient et le fait de s’équiper sont désormais banalisés, l’audition touche à quelque chose de plus complexe. La surdité reste stigmatisée, alors que l’appareillage améliore la qualité de vie et participe au maintien des fonctions cognitives. Les progrès technologiques sont méconnus tandis que les aides auditives d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec celles d’il y a 10 ou 15 ans. Aux côtés des professionnels nous devons rassurer, expliquer, montrer les bénéfices et… rendre ces produits plus « désirables ». Nous devons accompagner nos clients audioprothésistes dans ce travail de pédagogie.

La création d’une entité unifiée WS Audiology France s’accompagne d’une réorganisation d’ampleur. Depuis le 1er octobre 2025, les sociétés Signia, Widex et Biotone (distributeur des marques Rexton et Audio Service) ont fusionné. Quelle est votre boussole dans cet exercice ?

Ce qui me guide, c'est l'expérience clients. La création de WS Audiology vise à leur offrir une qualité de service homogène, quelle que soit la marque, tout en préservant l’identité de chacune. L’harmonisation de nos process ainsi que le regroupement de nos backoffices vont permettre de simplifier et renforcer nos relations avec nos partenaires. Dans un premier temps, nous avons regroupé les marques Signia, Rexton et Audio Service sous le leadership de Sylvain Rigouleau, et nous avons demandé à Denis Martin, ancien directeur commercial de Rexton, de prendre la direction de la marque Widex.

Début mai, tout cela sera encore plus concret avec la réunion des trois entités sur un site unique, à Saint-Ouen.

Comment éviter la perte d’identité des marques en chemin ?

C'est en effet un beau challenge. Mais nous avons un avantage unique : nous disposons de deux plateformes technologiques totalement distinctes. Bien sûr, comme chez nos concurrents, nous avons une marque premium et une marque secondaire – Signia/ Rexton – adaptées à des canaux de distribution ou des profils de clients spécifiques, mais nous proposons en outre deux approches audiologiques différentes portées par deux R&D, Widex et Signia.

Nos études montrent que sur 100 patients, 20 préfèrent le son Widex, 20 préfèrent le son Signia/Rexton et 60 ne perçoivent pas de différence majeure. Cela veut donc dire que, pour un audioprothésiste, proposer deux marques WSA permet de couvrir 100 % des préférences sonores de ses patients.

Quelle est la proportion de clients travaillant avec vos deux marques ?

Elle est très faible et c'est normal parce que, historiquement, elles étaient gérées séparément. Mais c'est une formidable opportunité : nous pouvons désormais inviter nos clients actuels – et les autres – à travailler avec plusieurs marques WSA pour offrir une « préférence de son » à leurs patients. Nous allons développer des passerelles pour ceux qui souhaitent bénéficier d'une offre globale et avoir ainsi la possibilité de proposer les meilleurs produits dans leurs centres.

Quelles sont vos autres priorités pour WSA France ?

Continuer à innover. Nous investissons massivement en R&D et nous sommes n°1 en termes de dépôt de brevet. Signia IX en est l'incarnation : c’est aujourd’hui la seule technologie du marché capable de séparer la parole du bruit en temps réel grâce à deux puces dédiées. Widex, de son côté, est le premier acteur à avoir lancé un logiciel dans le cloud, permettant des mises à jour automatiques et régulières. D'autres lancements majeurs se préparent courant 2026.

Plus globalement, nous représentons autour de 30 % du marché en France et comptons conserver notre leadership, en continuant de progresser auprès de tous les audioprothésistes, notamment ceux qui n'appartiennent pas à un fabricant. Au contraire de nos deux principaux concurrents, nous ne possédons quasiment pas de retail. Par conséquent, nous avons un marché accessible plus restreint qui nous impose d’être présents partout.

En effet, WSA ne possède pas de réseau verticalisé, à l'exception des centres SoluSons. Est-ce une stratégie vouée à évoluer ?

SoluSons appartient à WSA depuis longtemps et compte aujourd’hui 65 centres, mais c’est une exception et, pour le moment, la stratégie du groupe est plutôt au statu quo. Toutefois, disposer de ce réseau nous aide à rester connectés au terrain et au parcours patient. Et nous comptons en tirer les leçons au bénéfice de notre approche clients.

Plutôt que la verticalisation, vous avez opté pour une stratégie de partenariat, illustrée par l'activité d’Audibene...

Avec Audibene, nous disposons d’un outil puissant de génération de leads, que nous souhaitons aujourd’hui mettre exclusivement au service de nos partenaires. Quand nos concurrents investissent massivement pour orienter vers leurs propres réseaux, nous avons fait un autre choix, celui de soutenir nos clients. Et avec un modèle transparent : ils ne paient que lorsque le lead aboutit à une vente.

Face aux défis des déserts médicaux et de la baisse du nombre d’ORL, il n’est simplement plus raisonnable de s’opposer à la téléconsultation.

WSA dispose d'une autre marque, Shoebox. Où en est son activité et notamment le déploiement de sa solution de téléconsultation ?

Début décembre, nous avons regroupé nos solutions logicielles et matérielles de diagnostic (Koalys Consult et Unity 4) au sein d'une nouvelle entité : WSA Diagnostics sous la direction de Thibaut Martin.

En parallèle, nous engageons une remise à plat de notre solution de téléaudiologie Koalys Remote – en stand-by actuellement dans l’attente de décisions réglementaires –, pour aboutir à une formule validée par l’ensemble de l’écosystème et la présenter ensuite aux pouvoirs publics. Il faut sortir de l’impasse. Face aux défis des déserts médicaux et de la baisse du nombre d’ORL, il n’est simplement plus raisonnable de s’opposer à la téléconsultation.

Enfin, nous avons créé un nouveau pôle santé auditive, placé sous la direction d’Yves Lasry, directeur scientifique de WSA France, avec pour objectif de renforcer notre présence auprès de la communauté ORL.

L’audiologie traverse une zone de turbulences réglementaires, concurrentielles, organisationnelles... Quelle partition doivent jouer les industriels auprès des pouvoirs publics ?

Nous devons défendre la réalité de nos métiers face à des décideurs politiques qui raisonnent avant tout en contraintes budgétaires. Avec le Snitem et les organisations professionnelles, nous préparons nos échanges avec la Direction de la Sécurité sociale (DSS) afin de porter, dès que le paysage politique sera stabilisé, une lecture juste de notre filière et de ses enjeux et éviter ainsi des décisions aux effets désastreux.

Nous devons continuer de sensibiliser les pouvoirs publics pour éviter que les audioprothésistes ne soient réduits à vendre de la classe I.

Quelles seraient les conséquences d'une dissociation et d'un encadrement des marges ?

La France présente le meilleur taux d’adoption d’Europe avec des niveaux de satisfaction excellents, grâce à la qualité de l’accompagnement des audioprothésistes. La dissociation fragiliserait cet équilibre et conduirait à un suivi dégradé, avec un impact sanitaire et économique certain. Les pouvoirs publics ont d’autres leviers à actionner ; ne cassons pas un système qui a fait ses preuves.

Quant à l’encadrement des marges, il est inapplicable en l’état en audioprothèse : dissocier, référence par référence, la valeur de l’appareil et celle de la prestation relève de l’usine à gaz. En outre, la réforme ouvrirait la voie à des modèles uniquement centrés sur la tarification. Nous devons continuer de sensibiliser les pouvoirs publics pour éviter que les audioprothésistes ne soient réduits à vendre de la classe I, un scénario que la DSS ne mesure pas, focalisée sur la maitrise des couts.

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