Petits conflits entre voisins

Le coq Maurice trop matinal, le chant des cigales trop agaçant, l’odeur des étables trop nauséabondes... ils sont désormais protégés par la loi 2021-85 votée le 29 janvier 2021 au titre de patrimoine sensoriel de nos campagnes. Une solution juridique indispensable afin de mettre fin à des conflits entre voisins pouvant aller jusqu’aux tribunaux, selon le député Pierre Morel-À-L’Huissier, à l’origine de cette loi.

Par Laura Huynh Quang
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Qui ne s’est jamais plaint de son voisin ? Certains conflits de voisinage ont résonné jusque dans les médias. La polémique du coq Maurice a notamment fait jaser dans les chaumières, et poussé la sphère politique à se pencher sur le sujet. En 2019, sur l’île d’Oléron, deux agriculteurs retraités logeant dans leur résidence secondaire se sont plaints des nuisances sonores de Maurice, le coq de leur voisine. En effet, ils ne supportaient plus le cri du gallinacé, jugé trop puissant et trop matinal. L’affaire, portée devant le tribunal, a fait le buzz, allant jusqu’à mobiliser les ruraux et agiter les médias. Maurice est devenu un symbole malgré lui : tee-shirt à son effigie, pétitions... Finalement, le tribunal a jugé qu’il pouvait continuer de faire ses vocalises matinales à sa guise. Les plaignants ont dû payer 1 000 euros de dommages et intérêts à sa propriétaire ainsi que les frais de justice.

Protéger à tout prix le son des campagnes

Cette anecdote de voisinage n’est pas anodine, et les conflits ruraux sont de plus en plus fréquents. Face à la hausse de ces derniers, Bruno Dionis du Séjour, le maire de Gajac, un village en Gironde, a proposé en 2019 que les « bruits de campagne », au même titre que les odeurs, soient protégés en tant qu’éléments du patrimoine national. Parmi ces sons : le chant du coq, le meuglement de la vache, et plus généralement tous les bruits d’animaux, mais également le son des clochers. L’élu girondin avouera plus tard dans la presse avoir été surpris par le déferlement médiatique qui s’en est suivi, mais aussi par le nombre de témoignages de soutien reçus, venant parfois d’au-delà de nos frontières françaises.

Le son de la ruralité n’est finalement pas inscrit au patrimoine national comme Bruno Dionis l’avait suggéré, mais cette initiative a inspiré le député Pierre Morel-À-L’Huissier, qui, accompagné de plusieurs de ses collègues, a déposé le 11 septembre 2019 une proposition de loi visant à protéger le patrimoine sensoriel des campagnes. Bien que les ambitions du député soient revues à la baisse par les parlementaires, une loi protégeant ces bruits et odeurs a été définitivement adoptée en janvier 2021 [1].

Une méconnaissance du territoire

Pour le député, les conflits viennent avant tout d’une incompréhension de certains riverains envers leur environnement : « La sociologie des campagnes a changé. Désormais, on y trouve un panel d’activités professionnelles bien plus large. Malheureusement, certaines personnes ont une méconnaissance du travail des autres. Lorsque l’on habite à la campagne, on ne peut pas se plaindre du tracteur à sept heures du matin ou du meuglement des vaches. C’est le même problème pour les odeurs : parfois la ferme, ça ne sent pas bon, mais le fermier ne peut rien y faire. C’est comme le chant des cigales, on ne peut pas l’éradiquer comme certains l’auraient voulu ; il fait partie intégrante du “paysage” sonore de Provence. »

La loi protège ainsi « le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. » Concrètement, cela signifie qu’un individu ne pourra pas porter plainte contre son voisin en cas de trouble de voisinage causé par un bruit ou une odeur protégés. Reste à en dresser l’inventaire, comme le stipule l’article 2 de la loi. Chaque préfet doit établir une liste exhaustive définissant les sons et les odeurs caractéristiques de son territoire. « En effet, chaque région a sa particularité, poursuit Pierre Morel-À-L’Huissier. Nous attendons ce rapport pour également pouvoir donner une définition précise des troubles anormaux de voisinage, qui n’existe pas encore dans le code civil. » Les ruraux ne peuvent donc plus se plaindre des animaux de leurs voisins, aussi matinaux soient-ils... Entendez- vous, dans nos campagnes, meugler, ces féroces bovins...

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