Plaidoyer pour une nouvelle mesure universelle de l’acuité auditive

L'actualité scientifique commentée par les spécialistes. Aujourd'hui : des praticiens américains proposent un nouveau système pour caractériser l'acuité auditive.

Par Bruno Scala
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Dans un récent article « point de vue », l’audiologiste Nicholas Reed et l’ORL Frank Lin (université Johns- Hopkins) plaident pour une mesure universelle de l’acuité auditive1. Aujourd’hui, on caractérise une perte auditive selon quatre catégories : légère, moyenne, sévère et profonde (puis totale pour la cophose). Un système catégoriel que les deux Américains jugent vague, appliqué de manière peu cohérente, et marginalement informatif. Il se base en effet sur une moyenne et les catégories sont assez vastes : on ne change pas de catégorie si on passe d’une perte de 21 à 39 dB. À la place, ils proposent d’utiliser quatre chiffres : la perte en audiométrie tonale à quatre fréquences au sein du spectre de la parole (0,5, 1, 2 et 4 kHz). Ce système serait selon eux plus parlant, aussi bien pour les patients que pour les cliniciens non spécialistes, et présenterait plusieurs avantages : il est universel, compris de tous les cliniciens à travers le monde et standardisé quel que soit le pays (ce qui n’est pas le cas de l’audiométrie vocale), il a un sens clinique (les fréquences choisies sont déjà celles qui servent pour le système catégoriel) et il est important pour la recherche. En effet, de nombreuses études épidémiologiques se servent de ces données pour mesurer l’acuité auditive.

L'avis de Morgan Potier

« Le système de catégories actuellement utilisé me semble assez universel et compréhensible par tous. La démarche de ces deux chercheurs renommés en audiologie n’est pas incohérente pour les non-experts et je comprends le souhait d'obtenir un niveau de sensibilité supérieur, universel et comparable par tous. Aujourd’hui par exemple, les audiologistes français se basent, à juste titre, sur la classification européenne du Biap. Mais force est de constater qu’il existe un décalage de 10 dB entre cette classification et celle de l’OMS et ce, à partir des surdités sévères.

S’il fallait reconsidérer cette classification, je m’orienterais plutôt vers une méthode plus écologique, avec certes un niveau de sensibilité accru mais surtout en accord avec la gêne fonctionnelle du malentendant. Les quatre fréquences choisies par Lin & Reed sont déjà celles que l’on explore aujourd’hui lorsqu’on réalise un bilan. Il serait donc judicieux d’intégrer d’autres paramètres quantitatifs ou semi-quantitatifs du bilan : pourquoi ne pas renseigner certaines fréquences intermédiaires qui sont tout aussi importantes, comme 1,5 ou 3 kHz ? Cela obligerait d’ailleurs le praticien à les explorer… mais c’est un autre débat !

On pourrait également ajouter des pondérations sur les fréquences suivant leur importance dans l’intelligibilité de la parole, ou même appliquer des majorations en fonction du coefficient de la pente de la courbe tonale (descendante, ascendante en cupule…), car elles ne retentissent pas toujours de la même façon sur le patient. On pourrait même ajouter des pondérations en fonction de l’asymétrie interaurale (problème de localisation…), ou de la présence ou non d’un acouphène gênant associé…

Je suis conscient que cela pourrait rendre les calculs un peu plus complexes mais avec les outils informatiques d’automatisation à notre disposition aujourd’hui, je pense que c’est un faux problème. Il faudra se poser sérieusement la question dans les années à venir car, trop souvent, on constate une dichotomie entre la classification théorique de la perte du patient et sa réelle gêne fonctionnelle.

En revanche, à mon sens, la tonale seule ne signifie pas grand-chose ; il faudrait également inclure des éléments factuels de la vocale dans le silence et dans le bruit si on veut être vraiment juste et plus proche de ce que le patient vit au quotidien ! »

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