Un congrès mixte
La 27e édition des Assises Face et Cou a de nouveau pris ses quartiers à Cannes, avec succès. La ville et le Palais ont une fois de plus conquis leur public : l’évènement a rassemblé environ 3 200 participants, dont 2 300 médecins et internes et 600 audioprothésistes. Une affluence équivalente à celle de 2024.
225 heures de programme scientifique ont été dispensées sur deux jours et demi. Un contenu dense, tourné vers la pratique et « construit par des pairs, avec l’aide des sociétés savantes de chaque surspécialité, ou avec les syndicats et le Collège d’audioprothèse, sur des sujets très variés et transversaux », comme l’indiquait le Pr Laurent Castillo, président des Assises, en amont de la manifestation. L’offre destinée aux audioprothésistes a été renforcée de 30 %, notamment avec l’ouverture d’une troisième salle, consacrée aux implants. Un cocktail qui en fait un des rendez-vous majeurs de la filière, tant du côté ORL que des audios.
La téléaudiologie soulève des interrogations
Il y avait du monde pour suivre l’atelier consacré à la téléaudiologie, animé par le Dr Nils Morel, président du Snorl, et le Pr Jérôme Nevoux, ORL à l’hôpital Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Comme l’a rappelé le premier, la question de la primo-prescription d’aides auditives en télémédecine, « dans l’immensité de notre activité en ORL, accapare la majeure partie des discussions sur les forums ». Et pour cause, la lecture des textes règlementaires est sujette à des interprétations divergentes. « D'un point de vue règlementaire, c’est hyper compliqué d’être complètement dans les clous », résume Nils Morel. Pour la téléconsultation, difficile en effet de respecter les principes de parcours de soin, de territorialité, et d’alternance distanciel/présentiel, obligatoires pour la pratique de la télémédecine selon le Conseil de l’ordre des médecins. Et avec la téléexpertise, la règle du prescripteur-testeur inscrite dans le décret de novembre 2018 n’est pas respectée.
Mais comme l’a démontré le Pr Jérôme Nevoux, ces règles ne sont pas toujours appliquées en présentiel. « Qui fait les audiométries ?, a-t-il interrogé. En CHU, on utilise beaucoup les compétences des audioprothésistes. » Quant au respect du parcours de soin, « on prend tous des consultations en ORL sans lettre du médecin traitant ».
Plusieurs fois lors de sa présentation, Nils Morel a invité l’audience à interpréter la règlementation à travers le prisme du bon sens. Mais pour que les deux coïncident parfaitement, le CNP d’ORL a déposé un dossier d’article 51, visant à tester la téléaudiologie dans des zones sous-denses. Ce dernier n’a toujours pas été validé...
La réflexion concernant l'évolution du parcours de soins progresse à petits pas
Pour le syndicat des audioprothésistes, il faut « autoriser les prescripteurs à utiliser les audiogrammes des audioprothésistes » et permettre la téléconsultation pour la primo-prescription, « mais seulement avec l’accord des autorités et pas de manière disruptive », commente Brice Jantzem, son président, qui estime également qu’il faut réserver la téléexpertise aux actes après appareillage.
Parcoursup, on fait le bilan
En 2019, la formation en audioprothèse a été intégrée à Parcoursup. Cinq ans plus tard, Jean-Charles Ceccato, de l’équipe pédagogique de l’école de Montpellier, a dressé un bilan du dispositif. Il note plusieurs avantages : l'absence de concours, pour lesquels les étudiants les plus aisés se formaient grâce à des prépas privées, a diminué la sélection par l’argent. Simultanément, le taux de boursier parmi les admis a augmenté et les profils socio-économiques se sont diversifiés. Le chercheur note en revanche une légère augmentation des abandons en cours de route et une diminution du niveau en première année.
La prochaine étape importante de la formation sera la réingénierie, espérée depuis tant d’années, et pour laquelle il faut notamment construire un référentiel de compétences métier.
La table ronde qui a suivi a vu émerger un débat entre différents directeurs d’école : six de ces établissements (Bordeaux, Fougères, Paris, Nancy, Lyon, Montpellier) sont regroupés dans les vœux Parcoursup (en cas d’admission, l’étudiant choisit l’une des six villes), les autres sont indépendants. À Montpellier, Jean-Charles Ceccato et Jean-Luc Puel plaident pour un regroupement généralisé, notamment pour diminuer les couts pour les étudiants (80 € par vœu pour les non boursiers). Mais certaines écoles isolées y sont plutôt défavorables, car elles veulent conserver leur spécificité à l’entrée, notamment un entretien oral des étudiants admissibles, qu’elles jugent indispensable. Le Pr Jean-Luc Puel a ouvert la porte en indiquant qu’il accepterait d’ajouter un oral dans le cadre du regroupement, si cela permettait de généraliser ce dernier.