13 Novembre 2023

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Première mondiale : l’audition entre dans l’ère de la thérapie génique

Une équipe chinoise a annoncé avoir effectué la première thérapie génique au monde pour une surdité génétique. Les résultats sont très prometteurs et font entrer l’audiologie dans une nouvelle ère.

Par Bruno Scala
montage

C’est à n'en pas douter la plus grande révolution du secteur depuis l’implant cochléaire ! Pour la première fois au monde, des enfants ont reçu une thérapie génique afin de traiter leur surdité profonde. L’événement a eu lieu en Chine en décembre dernier. « Nous avons rapporté les résultats de cinq patients âgés de 2 à 6 ans, lors du congrès de la Société européenne de thérapie génique et cellulaire, qui s’est tenu en octobre 2023 », indique le Pr Yilai Shu, de l’université Fudan à Shanghai (Chine), qui a mené les travaux. Un jour avant (ce n’est sans doute pas une coïncidence), la biotech américaine Regeneron, qui a racheté, en septembre dernier, la biotech spécialisée dans les traitements de l’oreille Decibel, avait annoncé avoir également traité, de la même manière, un enfant de moins de deux ans.

Dans les deux cas, les patients étaient atteints d’une mutation sur le gène OTOF, qui code l’otoferline, une protéine indispensable au bon fonctionnement des synapses des cellules ciliées internes de la cochlée. Cette mutation est à l’origine d’une surdité baptisée DFNB9.

Ça marche !

Après le traitement, sur les cinq patients dont les résultats ont été présentés au congrès, quatre ont eu une restauration auditive avec des seuils de 50 dB en moyenne.

Pr Yilai Shu, université Fudan de Shanghai

Et les résultats sont très encourageants. Depuis octobre 2022, l'équipe chinoise a recruté une douzaine de patients âgés de 1 à 6 ans, tous sourds profonds : « En dessous de 95 dB, les ABR étaient plats », rapporte l’ORL chinois. « Après le traitement, sur les cinq patients dont les résultats ont été présentés au congrès, quatre ont eu une restauration auditive avec des seuils de 50 dB en moyenne, soit 60 à 65 % de l’audition normale, détaille le Pr Shu. Aux meilleures fréquences, les seuils étaient à 25 dB. » La vidéo qui accompagne la publication de ces résultats, montrant une fille de 6 ans ayant reçu ce traitement, atteste de ces performances. Concernant le patient qui n’a pas récupéré son audition, les chercheurs suspectent une réaction immunitaire au vecteur viral transportant la version saine du gène OTOF.

Pour Regeneron, c’est le Pr Manohar Bance, de l’université Cambridge, qui a réalisé la thérapie. Peu de détails ont été fournis. Il faut dire que l'injection est plus récente. La biotech se montre néanmoins positive : « Des améliorations ont été notées 6 semaines après traitement, explique Tammy Allen, directrice de la communication de Regeneron. Ces résultats fournissent une preuve de concept précoce et encourageante pour le traitement potentiel de la perte auditive liée à l’otoferline. » Des résultats plus complets devraient être annoncés trois mois après traitement. Dans l’étude chinoise, Yilai Shu indique néanmoins que « l’efficacité de la thérapie génique apparait après deux à six semaines ».

Pas encore de traitement

Si, suite à la thérapie génique, les patients récupèrent une audition qui fait toujours d’eux des candidats à l’implantation cochléaire, car l’Assurance maladie ne paiera pas pour les deux.

Nawal Ouzren, PDG de Sensorion

L’audiologie met donc un pied dans l’ère de la thérapie génique, du curatif. Mais attention : ces premières injections ne signifient pas que le traitement est disponible. Et encore moins en France. Pour qu’un traitement débarque sur le marché français, il ne peut pas se contenter de résultats encourageants : « C’est l’un des principaux enjeux, explique Nawal Ouzren, PDG de Sensorion. Si, suite à la thérapie génique, les patients récupèrent une audition qui fait toujours d’eux des candidats à l’implantation cochléaire [discrimination de 50 % à 60 dB, NDLR], ça ne sera pas suffisant, car les financeurs [l’Assurance maladie, NDLR] ne paieront pas pour les deux. » Pour cela, la biotech française, partenaire de l‘Institut de l’audition, reste dans la course. Elle a déposé des demandes d’essais clinique en Grande-Bretagne et dans plusieurs pays européens dont la France. Les réponses sont attendues pour début décembre. Pour elle et ses concurrents, il s’agit maintenant de présenter les meilleurs résultats en termes de restauration de l’audition, afin de pouvoir prétendre à la production d’un traitement.

Audiologie Demain
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