Publicité : où en est-on ?

Sous l’influence du droit européen et des mutations de la demande sociale, le Gouvernement a déposé un projet de décret1 modifiant le Code de déontologie médicale. Il vise à mettre fin à l’interdiction générale et absolue de publicité pour les professionnels de santé. Un changement de paradigme qui ne concernera que les professions dotées d’un ordre.

Par Ludivine Aubin-Karpinski
(c) Simple Line AdobeStock

L’interdiction générale et absolue de la publicité pour les professionnels de santé2 vit sans doute ses dernières « heures ». La raison : ce principe serait contraire au droit européen dans le sens où il restreint la libre prestation de services, en violation de la directive 2000/31 sur le commerce électronique. En mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne avait en effet jugé que les traités fondateurs de l’UE s’opposaient à une législation nationale qui interdirait de manière générale et absolue toute publicité3. Un an plus tard, le Conseil d’État réalisait une étude sur la règlementation applicable en matière d’information et de publicité aux professionnels de santé4 et formulait un certain nombre de propositions. Et, le 6 novembre 2019, il prenait acte des évolutions de la jurisprudence européenne et se prononçait en faveur de la suppression de l’interdiction générale et absolue de la publicité directe ou indirecte, qu’il jugeait illégale, pour poser le principe de libre communication de l’information par les praticiens au public5. Toutefois, il rappelait à cette occasion la nécessité d’en définir les conditions d’utilisation « compatibles avec les exigences de protection de la santé publique, de dignité des professions concernées, de confraternité entre praticiens et de confiance des malades envers les praticiens ».

Liberté oui, mais encadrée

L’introduction de ce nouveau principe marque un net changement de perspective, vers une libéralisation de la communication des professionnels de santé dans un objectif de transparence en matière d’offre de soins. Pour autant, les digues ne seront pas complètement ouvertes. S’inspirant fortement des recommandations du Conseil d’État et après concertation avec les ordres des professions concernées, le Gouvernement a déposé un décret le 10 septembre 2020 auprès de la Commission européenne.

Le principe de « libre communication des informations » remplace « l’interdiction générale et absolue de publicité que le médecin est « libre de communiquer au public, par tout moyen, y compris sur un site Internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice ». Mais, sa communication doit respecter certaines règles et rester « loyale et honnête ». Par ailleurs, elle doit délivrer une information claire et accessible sur les honoraires pratiqués, les modes de paiement acceptés.

Quid des audioprothésistes ?

Le cadre est posé. Mais, ces nouvelles dispositions réglementaires qui se dessinent ne concerneront que certaines professions de santé, celles qui sont dotées d’un ordre (à l'exception des pharmaciens). Pour les autres, c’est le statu quo qui prévaut... Les audioprothésistes, pour lesquels le sujet de la publicité constitue un serpent de mer, resurgissant à intervalles irréguliers, ne sont donc pas concernés par le projet de décret, pas plus qu’ils ne font l’objet aujourd’hui d’une interdiction générale et absolue de tout procédé publicitaire. Et, alors que celle-ci est en passe d’être levée pour certains, les audioprothésistes semblent quant à eux s'engager à contre-courant et appellent un meilleur encadrement de leurs pratiques en la matière. Un sondage mené en juin 2020 par le Syndicat des audioprothésistes a en effet révélé que 70 % des professionnels interrogés estimaient que les règles n’étaient pas suffisantes. La situation ne devrait donc pas évoluer dans l’immédiat car, comme le souligne le Pr Lionel Collet, rapporteur devant le Conseil d'État des projets de décret relatifs au code de déontologie des professions de santé, les audioprothésistes, inscrits au registre du commerce, sont « dépourvus d'un ordre professionnel et par suite d'un code de déontologie ». La quadrature du cercle.

Malgré cela et même si les évolutions réglementaires vont davantage dans le sens de la libéralisation que de la restriction, il est probable que les contradictions inhérentes à la profession d’audioprothésiste trouvent une issue prochaine. La réforme du 100 % Santé et les évolutions du parcours de soins des malentendants confirment les audioprothésistes en tant que professionnels de santé. Et, les pouvoirs publics ne manqueront sans doute pas de s'interroger sur l'adéquation d’une réforme destinée à améliorer l’accès aux soins auditifs avec une marge permettant d'offrir un iPhone...

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