Quand les oiseaux se taisent, les humains déchantent

Peut-être avez-vous remarqué une différence ? Une étude parue début novembre dans Nature Communications [1] constate le déclin de la population des oiseaux en Amérique du Nord et en Europe, et par répercussion, l’appauvrissement acoustique des paysages sonores. Menée pendant les vingt-cinq dernières années, elle révèle notamment la perte de diversité des espèces, au profit d’espèces dites « généralistes » – comme le pigeon ramier, le pinson des arbres ou la mésange charbonnière. Et ces bouleversements peuvent affecter notre santé. Car comme le montre une étude parue en avril 2021 dans la revue Pnas [2], l’écoute des sons naturels serait une source de bien-être, de diminution de stress, et de bienfaits sur nos performances cognitives.

Le déclin des oiseaux

Des scientifiques français dressent le même triste constat que les auteurs de l’étude de Nature Communications. Benoît Fontaine, chercheur au Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco), explique : « Depuis la fin des années 1980, nous étudions l’évolution de la population des oiseaux en France. Nous constatons une forte homogénéisation des espèces. Par exemple, les espèces d’oiseaux de forêt ont perdu deux tiers de leurs effectifs ces vingt dernières années. »

Dans leur étude, les chercheurs mettent en avant la responsabilité de l’activité humaine. L’urbanisation, le développement d’outils technologiques, la population croissante entraînent le déclin de certaines espèces. Benoît Fontaine ajoute à cette liste « la destruction des habitats dus à l’intensification de l’agriculture, et évidemment, le changement climatique. » Pour le chercheur, la raréfaction des oiseaux s’avère révélatrice d’un phénomène touchant l’ensemble de la biodiversité : « Les oiseaux sont au sommet de la chaîne alimentaire dans nos paysages français et leur disparition reflète la diminution du nombre d’insectes – 80 % de la biomasse des insectes a disparu en une trentaine d’années. Elle est plutôt une conséquence qui traduit un déclin global de la biodiversité. »

Bien-être et connexion à la nature

L’appauvrissement des populations des oiseaux ajoute à la tragédie écologique des menaces directes sur notre santé. La méta-analyse parue dans la revue Pnas, réalisée dans des parcs nationaux aux États-Unis, révèle que les sons animaliers – et en majorité le chant des oiseaux – ainsi que les bruits du vent et de l’eau améliorent l’expérience des visiteurs et leur santé générale. En effet, les groupes exposés aux sons naturels bénéficient d’une amélioration de 184 % de leur santé globale et d’une diminution de 28 % du stress, par rapport aux groupes non exposés. La Pr Lise Bourdeau-Lepage, chercheuse CNRS au sein de l’unité Environnement Ville Société, reconnaît cette relation de cause à effets. « Les sons naturels ont une action réparatrice, explique-t-elle. Ils ralentissent notre rythme cardiaque, diminuent notre niveau de stress, réduisent l’anxiété, améliorent notre humeur et augmentent notre capacité à supporter la douleur. Les sons naturels peuvent également jouer sur nos performances cognitives. » Un autre aspect est évoqué dans l’étude de Pnas : la connexion à la nature. La professeure développe : « Lorsque l’on est en contact avec des sons naturels, on constate que nos affects vont être plus positifs, notre humeur plus optimiste. Le chant des oiseaux nous permet de nous reconnecter à la nature et nous pousse à y être plus sensibles. » Même s’il reste à préciser les mécanismes de ce phénomène, ces études montrent que les bruits de notre environnement ne sauraient être réduits à la pollution sonore et ses effets délétères. Une raison supplémentaire de préserver les sons de la nature.