Santé mentale : le cri de détresse des étudiants

Face à une situation sanitaire inédite, les étudiants se retrouvent fortement impactés et leur santé mentale en pâtit. Baisse de motivation, décrochage scolaire, mais aussi dépression, angoisse, pensées suicidaires, les futurs professionnels de l’audition alertent sur une détresse mentale grandissante.

Par Laura Huynh Quang
Detresse etudiants en audioprothese

La crise sanitaire de la Covid-19 a drastiquement changé le quotidien des français depuis bientôt un an. C’est le cas notamment des étudiants, qui se retrouvent dans une situation inédite et peu propice à l’épanouissement scolaire et personnel. ils font face à de nouvelles problématiques : cours à distance parfois de moindre qualité et quantité, mesures d’évaluation modifiées, décrochage scolaire, perte d’emploi, difficulté à s’insérer dans le milieu professionnel, mais aussi détresse psychologique. face à toutes ces contraintes, l’état mental des étudiants est alarmant. en effet, l’Observatoire national de la vie étudiante a publié en septembre dernier une étude1 révélant que la moitié des étudiants disent souffrir d’anxiété accrue, voire massive, et entre 30 et 40 % parlent de détresse. 34 % des étudiants se déclarent souvent ou en permanence très nerveux, 28 % ressentent souvent ou en permanence de la tristesse et de l’abattement et 16 % déclarent se sentir souvent ou en permanence découragés.

Particulièrement touchés par la crise sanitaire, les étudiants évoquent un « manque de motivation », un « avenir flou », une « vie étudiante inexistante », qui jouent sur leur santé psychique. Parmi les plus touchés, les étudiants en difficulté financière (46 % présentent les signes d'une détresse psychologique), les étudiants étrangers (43 %) et, enfin, les étudiantes (36 %). Le confinement a également sa part de responsabilité. il provoque démotivation et perte de liens sociaux, pouvant mener à des envies et actes suicidaires. À noter que la Covid-19 a révélé et amplifié des situations déjà existantes, puisqu’avant la crise, la santé mentale constituait déjà le deuxième motif de consultation chez les étudiants.

Les étudiants en audition également touchés

Les étudiants dans le secteur de l’audition ne sont pas épargnés par cette détresse mentale. Leurs cours sont donnés quasi exclusivement en visio, à part quelques TP, et ce, selon les moyens et l’organisation de chaque école. Pour Stéphane Laurent, responsable pédagogique et professeur à l’école d’audioprothèse de Fougères, les cours en distanciel présentent un avantage : « Les cours sont enregistrés en ligne et donc disponibles pour les étudiants qui souhaitent les réécouter. en revanche, il manque l’essentiel, les échanges entre élèves et professeurs. » Toutefois, les examens peuvent se tenir en grande majorité en présentiel, grâce aux faibles effectifs des promos dans les écoles d’audioprothèse. en effet, les futurs audioprothésistes sont entre 17 et 50 par promotion (ils sont entre 20 et 100 en orthophonie).

Cependant, le décrochage scolaire reste inévitable pour certains étudiants. selon un sondage réalisé par la fnéa (fédération nationale des étudiants en audioprothèse), 85 % des étudiants en audioprothèse interrogés déclarent avoir partiellement ou complètement décroché des cours théoriques dispensés en visio. Jérôme Bourien, maître de conférence à l’université de Montpellier, ne déplore pas d’absentéisme, même chez les premières années. « Nous n’avons pas constaté de décrochage scolaire chez nos étudiants, commente-t-il. Nous contrôlons l'assiduité et ils restent motivés pour leurs examens, qui ont toujours lieu. » stéphane Laurent renchérit « C’est difficile de juger à travers un écran si les élèves suivent correctement les cours ou non, si le décrochage scolaire s’accroît ou s’ils restent motivés. »

Pourtant, le sondage2 réalisé par la fnéa prouve que les étudiants sondés subissent moralement cette situation. La moitié d’entre eux déclarent que leur santé psychologique n’est pas bonne et 70 % constatent qu’elle s’est détériorée depuis novembre. Pire encore, ils sont 71 % à décrire un stress accru causé par la crise sanitaire et ses répercussions. Les conséquences sont inquiétantes : 48 % d’entre eux souffrent de troubles du sommeil, 15 % déclarent ressentir des symptômes dépressifs, 15 % de crises d’angoisse et 3,5 % de pensées suicidaires. Pourtant, 75 % des sondés concernés par cette détresse n’ont pas entrepris de démarche pour se faire aider et seulement 6 % ont consulté un professionnel de santé. Anna Prual, présidente de la Fnéo (fédération nationale des étudiants orthophonistes), déplore également une santé mentale et une motivation fragilisées chez ses camarades, un ressenti évalué à travers des groupes de paroles et les réseaux sociaux.

Des solutions insuffisantes

Face à cette situation alarmante, le gouvernement a annoncé le 21 janvier 2021 proposer un « chèque psy3 » ainsi que deux repas par jour à 1 € dans les restaurants universitaires pour tous les étudiants souhaitant en bénéficier. anna Prual dénonce l’envers du décor : « Les services de santé universitaires sont débordés ; il faudrait plus de psychologues pouvant prendre en charge des étudiants. » en effet, en france, on ne compte qu’un psychologue pour 30 000 étudiants, contre, un pour 1 500 aux États-Unis, ou un pour 3 000 au Canada. Dylan Giran, président de la Fnéa, confirme : « C’est un premier pas, mais les mesures s’avèrent à côté de la plaque. Le dispositif des deux repas par jour à 1 € est incompatible avec le couvre-feu à 18h et les nombreux restaurants universitaires fermés. Le chèque psy engendre un parcours compliqué car on doit passer par un généraliste qui adresse ensuite vers un psychologue. »

Les présidents des fédérations des étudiants en audioprothèse et en orthophonie ne se retrouvent pas dans les mesures gouvernementales et partagent le même souhait : le retour à des cours en présentiel, avec un protocole sanitaire adapté. Dylan Giran ajoute : « Nous sommes responsables, nous pouvons porter le masque, respecter les distanciations et les gestes barrières. Quand on voit que les lycéens peuvent suivre leurs cours en présentiel, on ne comprend pas. »

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