Avec l’ère industrielle, l’environnement sonore de nos sociétés a complètement changé. Au 21e siècle, ce sont désormais des loisirs bruyants et des sons complexes, voire inaudibles à l’oreille humaine, qui menacent notre audition. « Le bruit abime le lien humain car il crée du stress et de la violence » et « fragilise nos échanges », a déploré le fondateur de l'ONG La Semaine du son, Christian Hugonnet, en ouverture de la soirée dédiée à la santé auditive, le 22 janvier. Et les plus jeunes sont particulièrement touchés. Selon une enquête Opinion way, plus de la moitié des 18-24 ans (53 %) ont déjà eu des acouphènes, contre 43 % des plus de 65 ans. Ils étaient même 60 % à estimer que le bruit était responsable d’une perte d’audition et 73 % à juger qu’elle était source de stress pour eux (contre 45 % et 67 % respectivement, pour les plus de 65 ans).
Des politiques pour améliorer la santé auditive
Face à cette évolution délétère, comment le politique peut-il protéger la santé auditive ? À l’occasion d’une table ronde sur le repérage des troubles auditifs organisée dans le cadre de la Semaine du son de l’Unesco, le malentendant et membre de l’ARDDS Guillaume Baugin a regretté que la société reste peu inclusive à l’égard des personnes sourdes et qu’encore très peu d’établissements soient équipés de BIM (boucle à induction magnétique). Il a aussi dénoncé le manque d’inclusion à l’œuvre au sein même des partis politiques et appelé à combattre « l’individualisme de la société ». Pour lui, la sensibilisation doit rester la première arme. « Avec la sensibilisation, vous faites comprendre. Avec la loi, vous créez des crispations », a-t-il plaidé, avant de citer en exemple d’initiative la démarche de la Fondation pour l’audition qui a créé des kits destinés à faciliter le passage à l'action des collectivités en matière de sensibilisation à l’audition.
Parmi les évolutions règlementaires positives, les intervenants se sont réjouis de la mise en place du dépistage néonatal il y a dix ans : il permet aujourd’hui un diagnostic et un appareillage plus précoces, ont-ils salué. « Mais attention, il faut continuer la surveillance après ces âges clés car une surdité peut aussi apparaitre plus tard ou être trop légère et ne pas avoir été détectée », a insisté le vice-président du CNP d’ORL, le Pr Vincent Couloigner. Celui-ci a aussi rappelé que les sources de nuisances sonores chez les jeunes sont variées : des musiques trop fortes pour les adolescents jusqu’aux jouets bruyants dont bon nombre dépassent les 85 dB. L’espoir porté cette année par la thérapie génique était aussi sur toutes les lèvres. Une thérapie pour laquelle la précocité du diagnostic est nécessaire.
Recommandations et lois
Enfin, la Pr Christine Petit, fondatrice de l'Institut de l’audition, a détaillé les défis qui restent à mener face à la presbyacousie. Ils sont de deux ordres : épidémiologique et démographique, a prévenu le président de la HAS Lionel Collet, avant d’appeler le CNP d’ORL – et les professionnels de l’audition – à se mobiliser pour proposer une recommandation sur la perte auditive liée à l’âge, « qui sera labellisée de la société savante, avec l’appui de la HAS ».
Le président d’ORL DPC Jean-Michel Klein a conclu la soirée en présentant le manifeste “Ascolta” (action pour la solution cochléaire et les technologies auditives) qui a émis sept propositions pour améliorer la sensibilisation du public (journée du son à l’école, dépistage élargi à d’autres professionnels de santé, rendez-vous de prévention aux âges clés, création de registres sur les pathologies auditives, systématisation du transfert d’informations aux orthophonistes, questionnaire de suivi aux généralistes, formations pour les soignants). Il entend porter ces propositions à l’Assemblée nationale au travers d’une loi et à l’OMS pour une résolution sur la santé auditive.
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