Sitôt implanté, déjà activé

Aujourd’hui, le délai entre la chirurgie et l’activation de l’implant cochléaire est d’environ deux semaines. Depuis environ un an, la Pr Natacha Teissier, cheffe du service ORL de l’hôpital Robert-Debré à Paris, procède à l’activation le même jour que l’implantation. Elle s’apprête à lancer une étude pour en mesurer les bénéfices.

Par Bruno Scala
interrupteur

Pourquoi attendre ? C’est en substance cette question que se posent les partisans de l’activation immédiate de l’implant cochléaire, c’est-à-dire le même jour que l’implantation. Traditionnellement, l’activation de l’implant a lieu environ trois semaines après la chirurgie. C'est essentiellement le temps de la cicatrisation qui motive ce délai, ou encore la crainte de l’infection ou d’un éventuel œdème, voire le déplacement de la partie contenant l’aimant.

À l’hôpital Robert-Debré, à Paris, la Pr Natacha Teissier cheffe du service ORL, procède désormais ainsi : « Nous implantons les enfants le matin. Pendant ce temps, le régleur passe voir les parents pour leur expliquer le fonctionnement du matériel, ce qui permet de détourner leur attention de la chirurgie. Puis le patient remonte en chambre. L’après-midi, quand celui-ci est mieux réveillé, le régleur vient activer l’implant ; les contraintes d’explications sur le matériel étant réglées, les parents sont alors pleinement disponibles pour profiter de ce moment si important. L’enfant passe la nuit à l’hôpital et le lendemain, il bénéficie de son premier réglage. » À ce jour, une vingtaine d’enfants ont suivi ce protocole et aucun problème n’est à signaler.

Un patient impatient

L’idée de l’activation précoce est venue à la Pr Teissier après avoir entendu un médecin rapporter le cas d’un patient impatient qui avait exigé que son implant soit activé le même jour que l’implantation. Certains ORL ont déjà adopté cette pratique, notamment le Dr Diego Di Lisi à Turin. En France, le service ORL du CHU d’Angers procède à l’activation à J1 de façon systématique chez ses patients adultes. D’autres centres d’implantation sont adeptes de cette activation précoce, mais l’hôpital Robert-Debré est le premier à la pratiquer à J0 chez des enfants.

Le raccourcissement du délai d’activation est l’une des dernières frontières que nous n’avions pas encore franchies ; c’est maintenant chose faite chez l’enfant.

Pr Natacha Teissier

L’ORL parisienne identifie plusieurs avantages à cette activation précoce et, tout d’abord, la satisfaction des patients et la réduction de leur appréhension du geste et du résultat. « Le processus du diagnostic de surdité jusqu’à l’implantation est très long, explique-t-elle. Aujourd’hui, on demande à la famille d’attendre encore après la chirurgie avant de voir les premiers signes de réaction auditive chez leur enfant. Réunir l’implantation et l’activation dans une même unité de temps permet de montrer que l’implant fonctionne, ce qui permet une réassurance des parents. » Par ailleurs, il semblerait y avoir également des avantages du côté de l’électrophysiologie. « Les NRI* semblent rester stables, alors qu’il peut exister une fluctuation transitoire de celles-ci si l’activation est décalée de trois semaines, liée à la survenue d’une réaction intralabyrinthique post-opératoire transitoire. »

Une étude à venir

Le service ORL est sur le point de lancer une étude multicentrique en partenariat avec Advanced Bionics. « Nous allons analyser les avantages et les inconvénients de l’activation J0 en évaluant d’une part, la satisfaction des patients et des parents via des questionnaires, et d’autre part, la tolérance et les conséquences sur des critères objectifs, précise la Pr Natacha Teissier. Nous verrons s’il peut exister des risques pour la cicatrisation, tels que des infections ou inflammations – nous n’en avons pas relevé jusqu’à présent. Nous procéderons à une étude électrophysiologique, en nous intéressant notamment aux impédances, aux NRI* (neural response imaging) et au délai nécessaire pour obtenir le réglage optimal. La mise en commun de données multicentriques permettra aussi d’en évaluer la faisabilité quel que soit le centre et de donner une robustesse aux résultats. L’objectif est d’abord de montrer qu’il n’y a pas d’effet délétère, mais aussi que cette démarche est positive pour les parents et l’enfant. On espère aussi que, dans l’inconscient de l’enfant et des parents, le fait que la chirurgie soit associée à la perception auditive précoce favorise l’observance et le port de l’implant ensuite. »

enfant implant

De son côté, l’équipe du CHU d’Angers a démontré qu’il n’y avait pas de différences concernant les résultats audiométriques à 6 mois chez les patients activés à J1 et une stabilité des impédances par rapport à des patients activés à J15 [1]. Mieux, les seuils NRT* (neural response telemetry) et de ce fait les réglages étaient stabilisés plus tôt avec l’activation précoce (1 mois vs 3 mois). Enfin, tous les patients ayant bénéficié de cette activation précoce ont déclaré qu’ils la recommandaient aux futurs implantés.

« Nous avons réalisé d’importants progrès en matière de chirurgie (taille de l’incision, robotisation, insertion atraumatique…). Quant aux innovations technologiques, elles sont du ressort des industriels. Le raccourcissement du délai d’activation est l’une des dernières frontières que nous n’avions pas encore franchies ; c’est maintenant chose faite chez l’enfant », conclut la Pr Teissier.

*NRI et NRT permettent de renseigner la réponse des fibres du nerf auditifs à un stimulus.

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