Un atlas de l’expression des gènes de la cochlée

C’est un travail important que viennent de publier les équipes de l’Institut de l’audition : un atlas de l’expression des gènes dans la cochlée de la souris. Il constitue un outil indispensable pour les futurs travaux de thérapie génique. 

Par Bruno Scala
cochlee
Vue miscoscopique de l'organe de Corti. En turquoise, les cellules sensorielles de l’audition. En bleu et rouge, marquages de différents types cellulaires de la cochlée obtenu à l’aide de deux marqueurs utilisés dans l’étude.

Les essais de thérapie génique dans le champ de l’audition se multiplient. Et ce n’est que le début. Afin de faciliter le travail de chercheurs qui vont se lancer dans cette aventure, mais aussi pour améliorer l’efficacité de ses propres essais, l’équipe de Nicolas Michalski et Christine Petit, à l’Institut de l’audition, vient de publier un outil particulièrement intéressant [1]. Il s’agit d’une cartographie de l’ensemble des gènes qui sont exprimés dans la cochlée de souris, à trois étapes clés du développement de cet organe : 8 jours après la naissance, quand le système auditif n’est pas encore fonctionnel, à 12 jours de vie, au moment où il le devient, et à 20 jours, lorsque la maturation de la cochlée est presque terminée. L’expression des gènes de 120 000 cellules a ainsi été analysée.

Améliorer les travaux de thérapie génique

La thérapie génique consiste à remplacer un gène défectueux, qui ne peut pas être exprimé ou dont l’expression peut entraîner une perte de fonction, par une copie valide de ce gène, en l’introduisant dans l’organisme via un vecteur. Pour cela, il est indispensable de connaître le timing de l’expression des gènes cibles et dans quelles cellules ils sont exprimés, afin que le gène introduit le soit au bon moment et au bon endroit. D'où l'intérêt de cet atlas. De plus, il va permettre d’améliorer les travaux déjà menés en thérapie génique : « Nous nous sommes rendu compte que de nombreux gènes impliqués dans des formes génétiques de surdité étaient parfois exprimés dans des types cellulaires autres que ceux décrits, explique Nicolas Michalski. Par exemple, Ush1c, qui code un composant de transduction mécano-électrique, l’harmonine, est exprimé dans les cellules ciliées, mais aussi dans les cellules de soutien. Notre atlas suggère qu’une thérapie génique pour Ush1c qui ciblerait uniquement les cellules ciliées ne serait peut-être pas efficace à 100 % car elle ne ciblerait pas tous les types cellulaires où le gène est exprimé. » Ceci pourrait expliquer pourquoi, dans certains essais de thérapies géniques, les capacités auditives ne sont que partiellement ou temporairement recouvrées. Ainsi, « cet atlas permet de s’assurer que les types cellulaires concernés par une forme génétique de surdité sont tous ciblés dans les essais thérapeutiques ». Un travail qui n’aurait pas pu être réalisé plus tôt, avant les essais de thérapies géniques, car le technique utilisée (transcriptomique à cellule unique) pour cela est récente.

Des découvertes

En outre, ces travaux ont débouché sur plusieurs découvertes. Par exemple, sur les trente types cellulaires que les chercheurs ont pu caractériser, trois étaient inconnus jusque-là : deux impliqués dans le modiolus, le troisième tapissant la rampe vestibulaire. Ce dernier n’est présent que provisoirement, pendant le développement embryonnaire, et « pourrait servir de renforcement transitoire de la membrane de Reissner au cours du développement », propose Nicolas Michalski.

Les chercheurs ont aussi mis en lumière les mécanismes moléculaires de la tonotopie dans la cochlée. Ils ont en effet découvert que le gène codant pour la protéine Emilin-2 est exprimée de façon graduelle tout au long de la cochlée : une forte expression à la base et une faible à l’apex. Or des travaux ont montré que cette protéine module la rigidité de la membrane basilaire. Cette rigidité, ainsi que l’épaisseur et l’élasticité de la membrane basilaire, varient progressivement le long de la cochlée et sont responsables du phénomène de tonotopie. Emilin-2 semble donc bien jouer un rôle prépondérant dans ce mécanisme.

Un travail colossal, donc, mais pas forcément exhaustif, concède néanmoins Nicolas Michalski : « Il n’est pas impossible que d’autres types cellulaires soient encore à découvrir. Comme toute méthodologie, la transcriptomique sur cellule unique présente quelques limites. L’une d’entre elles est le fait qu’on identifie seulement les 2 000 à 4 000 gènes les plus exprimés dans une cellule alors qu’on sait qu’il y en a plus de 10 000 par cellule, sur les 23 000 gènes du génome. »

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