23 Septembre 2024

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Un point pour le réglage des aides auditives par les patients

Une nouvelle étude apporte des éléments suggérant que le réglage d’une aide auditive par le patient lui-même apporte les mêmes bénéfices que si un audioprothésiste s’en chargeait. Des résultats à prendre avec des pincettes.

Par Bruno Scala
autofitting

Voilà une étude qui devrait faire réagir. Ses conclusions suggèrent qu’il est aussi efficace pour un patient de régler ses aides auditives soi-même que de le faire faire par un audioprothésiste. L’équipe du Pr De Wet Swanepoel, à l’université de Pretoria (Afrique du Sud), a en effet comparé les résultats à long terme du réglage des aides auditives par un audioprothésiste et par l’utilisateur lui-même (auto-réglage). Et aucune différence n’a été observée [1].

Deuxième phase de l’étude

Initialement, ces chercheurs avaient effectué un essai clinique randomisé dont le but était d’évaluer les résultats de ces deux types de réglages à court terme, chez des personnes présentant une perte auditive légère à moyenne. Cette étude a été publié en 2023, et montrait déjà qu’il n’y avait pas de différence, après 6 semaines, entre un réglage effectué par un audioprothésiste ou par l’utilisateur lui-même [2]. Les auteurs mesuraient alors la satisfaction, le bénéfice déclaré par l’utilisateur, et les scores à deux questionnaires : l’APHAB et le IOI-HA. Et ces chercheurs ont décidé de continuer leur essai afin d’évaluer les résultats à long terme, à savoir huit mois après l’appareillage. Les mêmes tests ont été effectués et là encore, pas de différence entre les deux approches. Les utilisateurs avaient la possibilité de faire appel à de l’assistance à distance pour le groupe “auto-réglage” ou chez l’audioprothésiste pour l’autre groupe, mais seulement un utilisateur de chaque groupe a utilisé cette possibilité. Pour les auteurs, l’étude montre que « les aides auditives en vente libre (OTC) à régler par l’utilisateur peuvent offrir des avantages à long terme comparables à ceux des aides auditives adaptées par un audiologiste pour les personnes souffrant de perte auditive légère à modérée ».

Limites et biais

Bien sûr, l’étude comporte plusieurs biais, dont certains importants. Tout d’abord, un seul modèle d’aide auditive a été utilisé (de la marque Lexie, du groupe hearX fondé par le Pr Swanepoel), or cette marque est reconnue pour produire des aides auditives OTC de bonne qualité, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les aides auditives OTC du marché. Par ailleurs, les aides auditives Lexie Lumen sont destinées à être réglées par l’utilisateur et offrent donc des possibilités de réglages moins finies que des aides auditives conventionnelles. De plus, l’étude n’a pas été réalisée en double-aveugle. En outre, sur 64 personnes incluses dans l’étude à long terme, seulement 44 (âgés de 63 ans en moyenne) ont répondu aux sollicitations des chercheurs pour l’étude à long terme, créant un biais d’attrition, et réduisant la taille d'un échantillon déjà faible.

Le suivi des personnes appareillées représente également un point faible : les patients du bras « audioprothésiste » ont été vus trois fois seulement, lors de l'adaptation, puis 2 et 6 semaines après. Or il n'est pas rare qu'il faille plus de trois rendez-vous pour parvenir à un réglage optimisé.

La mesure des résultats est également limitée : les auteurs évaluent la satisfaction, mais pas le gain apportés par les aides auditives, qui pourrait être déterminé par la mesure in-vivo, ni l'intelligibilité.

Malgré ces biais, les deux études, à court et long termes, vont dans le même sens que d’autres travaux réalisés précédemment, comme ceux de Larry Humes en 2017 [3], de laquelle s’est nourrie la volonté du gouvernement américain de créer la catégorie OTC. Attention toutefois, cela ne concerne que les surdités légères à modérées.

À lire aussi | â–¶ « En Afrique du Sud, l'accès aux soins auditifs est difficile en raison notamment du manque d'audiologistes. »

Ces résultats sont prometteurs pour des pays dans lesquels l’accès aux soins auditifs est compliqué, pour des raisons géographiques ou par manque de professionnels de santé auditive. C’est le cas aux États-Unis, où la catégorie OTC a vu le jour, ou en Afrique du Sud, où cette étude a été réalisée. Dans les pays où l’offre de soin est suffisante et les soins pris en charge, le réglage par un professionnel tombe sous le sens. « Avoir un appareil qui est raisonnablement bien adapté, qui a de bonnes caractéristiques, peut bénéficier aux personnes qui en ont besoin, résume De Wet Swanepoel. Les audiologistes sont-ils capables de réaliser de meillleurs réglages ? Bien sûr. Cela fait-il une différence ? Probablement un peu. Mais les gens peuvent en fait bien se débrouiller avec ces aides auditives à régler soi-même. »

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