Une vaisselle silencieuse pour des oreilles heureuses

La start-up girondine Quiet a remporté un Décibel d’Or pour sa vaisselle silencieuse, destinée à la restauration collective. Un outil original pour lutter contre le bruit à la cantine, qui fatigue élèves et professionnels.

Par Violaine Colmet Daâge
vaisselle

Une ventilation et des équipements ronronnants, des salles mal insonorisées, et des enfants qui haussent le ton et s’égosillent pour couvrir ce brouhaha incessant. À la cantine, le bruit est omniprésent et difficile à maîtriser. Selon un sondage OpinionWay pour la Semaine du Son [1], 9 enfants sur 10 (89%) estiment qu’il y a trop de bruit dans les réfectoires et un tiers d’entre eux aimerait un espace plus apaisé. Derrière la desserte, les professionnels de la restauration collective en souffrent également. Si experts acousticiens et équipementiers travaillent de concert pour réduire le volume sonore des restaurants scolaires, espaces de travail et équipements, l’ambiance reste souvent bruyante. Une musique est toutefois longtemps restée sous les radars de ces experts : celle des assiettes, des verres et des couverts qui s’entrechoquent. Un problème sur lequel a planché la start-up Quiet, qui propose depuis septembre 2023 une vaisselle silencieuse. L’entreprise girondine vient de remporter un Décibel d’Or, remis par le Conseil national du bruit, dans la catégorie santé, environnement et travail pour son matériel innovant.

Une moyenne à 80 dB, des crêtes à 130

Selon un arrêté du 25 avril 2003, les restaurants des établissements d’enseignement doivent respecter un niveau sonore inférieur à 50-55 dB. Si la salle de restauration ne dépasse pas 250 m2, la réverbération doit être comprise entre 0,4 et 0,8 s et peut atteindre 1,2 s pour les surfaces plus grandes. Or, ces limites sont régulièrement dépassées. Selon le syndicat enseignant SNALC, le niveau sonore moyen d’un restaurant scolaire est de 78 dB et il peut excéder les 89 dB [2]. Un volume « comparable à celui rencontré dans certaines usines ou à proximité d’un axe de circulation automobile intense », pointe le syndicat. Avec pour corollaires des effets délétères pour la santé, tels qu’une hausse de la tension artérielle et une réduction de la digestion des convives. Le tout s’accompagnant de fatigue et de stress.

Côté cuisine, le constat est pire. Selon une étude menée en 2010 dans un établissement hospitalier [3], le bruit en cuisine avoisine les 98 dB sur une période de 2 h 49. Et l’utilisation du matériel contribue à « des bruits impulsionnels supérieurs à 120, voire 130 dB », précisent les auteurs. La plonge fait partie des secteurs les plus bruyants. « À la sortie du lave-vaisselle, les assiettes qui s’entrechoquent émettent des bruits haute fréquence compris entre 95 et 105 dB, 110 en crête », explique la cofondatrice de Quiet, Sophie Moritel. Les 300 000 salariés qui travaillent à la plonge y sont confrontés plus de 2 heures tous les jours. Pourtant, « sur les 8 heures de travail quotidien, le temps d’exposition n’est pas suffisant pour que des mesures soient exigées, déplore-telle. Mais la souffrance est bien réelle ». D’autant plus que les professionnels de la restauration collective communiquent entre eux en permanence et ne peuvent donc s’en prémunir à l’aide de protections auditives.

Une vaisselle bi-matière, robuste et légère

C’est à ce problème longtemps négligé que les fondateurs de Quiet ont souhaité s’attaquer. En collaboration avec l’Insa de Lyon et le CNRS, la start-up a développé une vaisselle bi-matière : une face en verre trempée « afin d’assurer au convive la même appétence qu’avec la vaisselle classique » et une autre en élastomère qui assourdit le son. Fabriquées en France, les trois pièces – assiette, petite assiette et coupelle – ne contiennent pas de plastique, pour une meilleure sécurité sanitaire. Autres avantages : elle est antidérapante – offrant une meilleure stabilité sur les plateaux –, plus solide et plus légère. Et les résultats sont probants : une baisse du bruit de 85 % a été enregistrée à l’entrechoquement, de 96 % à la plonge et de 35 % dans le réfectoire. Depuis septembre, Quiet propose aux établissements qui le souhaitent la mise à disposition de sa vaisselle pendant 30 jours.

L’occasion pour les collectivités de la tester en conditions réelles. L’entreprise souhaite perfectionner son industrialisation et augmenter sa cadence de production. « Ensuite, nous nous concentrerons sur la création d’une quatrième pièce puis sur la mise en pratique du recyclage de nos produits », complète Sophie Moritel. Ce nouvel outil est à conjuguer avec d’autres solutions, comme « la sensibilisation des professionnels et des élèves (par des rencontres, ou l’installation de capteurs de niveaux sonores par exemple), la pose de panneaux insonorisants, ou encore l’aménagement du réfectoire (petites tables rondes et éloignées, paravents et patins anti-bruit sous les pieds des chaises, panneaux acoustiques absorbants aux murs) », propose la chargée de mission pour le CIDB, Justine Monnereau. Objectif : limiter les risques auditifs ainsi que l’absentéisme des professionnels et améliorer la santé des enfants.

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