Le bénéfice en termes de qualité de vie est une dimension centrale de l’évaluation de la réhabilitation de la surdité. Cette mesure ne peut donc pas uniquement reposer sur des tests auditifs et, dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, ce corollaire s’avère plus incontestable encore pour les technologies couteuses que sont les implants cochléaires. « Il existe toutefois peu de questionnaires de qualité de vie spécifiques de l’audition – et moins encore de l’implant cochléaire – validés en français, rappelle l’ORL Isabelle Mosnier, responsable de l’unité fonctionnelle implants auditifs de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. L’APHAB (Profil Abrégé du Bénéfice des Aides Auditives) et le SSQ (Échelle de Parole) sont validés mais ces outils ont été conçus pour les utilisateurs d’aides auditives alors que le NCIQ (Nijmegen Cochlear Implant Questionnaire), développé pour les implantés, ne dispose pas de validation dans notre langue. »
Six domaines évalués
La situation a désormais évolué puisque la Dr Mosnier et son équipe viennent d’achever la validation de la traduction du CIQOL 35. Ce questionnaire a été développé aux États-Unis par McRackan et Dubno à partir de 2017. Il évalue la qualité de vie de l’implanté dans six sous-domaines : la communication, les émotions, les loisirs liés à l’écoute, les sons de l’environnement, l’effort d’écoute et la vie sociale. Les réponses suivent une échelle de Likert avec cinq choix possibles, de jamais à toujours. Une version courte du questionnaire, le CIQOL 10, qui génère un score global, a remplacé depuis deux ans l’APHAB dans le registre EPIIC de suivi des implants cochléaires. « La traduction et la validation du CIQOL 35 se sont conformées aux recommandations de Hall et collègues pour ce type de travail avec notamment des traductions croisées entre l’anglais et le français et des entretiens avec des patients pour vérifier la bonne compréhension des questions », précise la Dr Mosnier. Pour la phase de validation, l’équipe de recherche a bénéficié de l’expertise d’Ariane Laplante-Lévesque (université de Linköping, Suède), spécialiste des questions de méthodologie et des bonnes pratiques relatives au développement et à l’adaptation culturelle des questionnaires d’auto-évaluation. Une collaboration qui donnera prochainement lieu à la publication d’un article.
Validation sur 50 patients
Pour valider l’outil, 50 patients du centre référent d’implantation cochléaire de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière ont été recrutés. En plus du CIQOL 35, les sujets ont également été soumis à deux audiométries, l’un dans le silence (test de Lafon), l’autre dans le bruit (test VRB). La durée d’administration du CIQOL 35 s’est avérée très courte, environ 4 minutes en moyenne, un atout pour la pratique clinique. Par ailleurs, une étude statistique a permis de vérifier l’utilité du test en complément des audiométries. « L’analyse a montré que la variabilité du CIQOL 35 n’est pas corrélée à celle des scores enregistrés pour le test de Lafon et la VRB, ce qui signifie que le questionnaire capture des aspects de la réhabilitation qui ne sont pas rendus par les tests audiométriques », explique Isabelle Mosnier. Dans le futur, d’autres travaux seront nécessaires pour disposer de données normées, pour analyser l’évolution des scores avant et après implantation et vérifier si le questionnaire demeure sensible avec des populations spécifiques.